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27/09/2023 | FRANCE | N°23DA00277

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 septembre 2023, 23DA00277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203589 du 2 février 2023, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande et a enjoint à la préfète de l'Oise de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter

de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2022 par lequel la préfète de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203589 du 2 février 2023, le tribunal administratif d'Amiens a fait droit à sa demande et a enjoint à la préfète de l'Oise de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2023, la préfète de l'Oise demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que la procédure de consultation des instances médicales est régulière et que les moyens soulevés par M. A... C... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2023, M. E... A... C..., représentée par Me Antoine Tourbier, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête et de confirmer le jugement attaqué ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation au versement de l'aide juridictionnelle.

Il fait valoir que :

- la requête n'est pas fondée ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Mme A... C... s'est vu maintenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mars 2023.

M. A... C... ayant déclaré accepter de lever le secret médical, le dossier médical de l'intéressé a été transmis par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 25 juillet 2023.

L'OFII a produit des observations le 1er septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A... C..., ressortissant tunisien né le 4 décembre 1976, est entré en France le 17 décembre 2018. Il a sollicité une autorisation de séjour en raison de l'état de santé de sa fille B..., née le 12 avril 2013. Par arrêté du 29 janvier 2020, le préfet de l'Oise a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. La légalité de cet arrêté a été confirmée par un jugement du tribunal administratif d'Amiens du 16 juin 2020 et une ordonnance du président de la première chambre de la cour administrative d'appel du 4 juin 2021. M. A... C... a présenté une nouvelle demande d'autorisation de séjour, pour les mêmes motifs, le 12 avril 2021. Par arrêté du 10 octobre 2022, la préfète de l'Oise a rejeté cette demande et a assorti ce rejet des mêmes décisions subséquentes. Cet arrêté a été annulé pour vice de procédure par le jugement du 2 février 2023 du tribunal administratif d'Amiens dont l'autorité préfectorale relève appel.

Sur le moyen retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...) / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ".

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du 21 février 2022 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) produit pour la première fois en appel par la préfète de l'Oise, qu'il a été rendu après une délibération collégiale des docteurs Sébille, Nétillard et Horrach à laquelle n'a pas pris part le Dr D..., auteur du rapport médical relatif à l'état de santé de la fille de M. A... C.... Il en résulte que la procédure médicale n'est pas viciée, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges.

4. Il en résulte que la préfète de l'Oise est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 10 octobre 2022 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A... C..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'intimé devant le tribunal et la cour.

Sur les autres moyens :

5. En premier lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie de produire tous les éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile, notamment la communication de l'entier dossier médical de l'OFII.

6. Si les pièces produites par M. A... C..., dont des attestations de médecins et de psychiatres exerçant au centre médico-psychologique de Compiègne et Noyon, dépendant du centre hospitalier Isarien de Clermont de l'Oise, précisent que sa fille, atteinte de troubles autistiques sévères, nécessite des soins spécialisés, adaptés et pluridisciplinaires afin d'évoluer favorablement, ces éléments ne remettent pas en cause utilement l'avis du collège médical de l'OFII sur le fait que le défaut de soins ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce qu'aucune pièce du dossier médical de l'Office, qui a été communiqué aux parties, ne vient contredire. Par suite, M. A... C..., qui ne saurait utilement soutenir que la couverture et la qualité des soins dispensés sur le territoire tunisien seraient inférieures à celles existant sur le territoire français, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 10 octobre 2022, qui se fonde notamment sur l'avis émis par le collège médical de l'OFII, serait contraire aux dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Si M. A... C... soutient que sa fille bénéficie d'une prise en charge pluridisciplinaire en France et d'une scolarité adaptée, il n'établit pas qu'une telle prise en charge serait impossible dans son pays d'origine, la Tunisie. Par ailleurs, l'intimé ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale en Tunisie, alors que lui-même et son épouse sont en situation irrégulière sur le territoire français et que rien ne s'oppose à ce que leurs enfants mineurs, tous nés en Tunisie et de nationalité tunisienne, les accompagnent au titre de la cellule familiale qu'ils constituent avec eux. Dès lors, il n'établit pas que l'autorité préfectorale n'aurait pas pris en considération l'intérêt supérieur de sa fille non plus que celle de ses autres enfants. Par ailleurs, les stipulations citées au point 7 n'ont pas pour objet de permettre à un étranger de choisir le pays dans lequel l'état de santé de son enfant sera pris en charge de façon optimale. Par suite, le moyen tel qu'il est soulevé doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A... C... doit être rejetée. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2203589 du 2 février 2023 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... C... en première instance et en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à la préfète de l'Oise, à M. E... A... C... et à Me Antoine Tourbier.

Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience publique du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Thierry Sorin, président,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

N°23DA00277 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00277
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-27;23da00277 ?
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