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27/09/2023 | FRANCE | N°23DA00107

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 septembre 2023, 23DA00107


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... E... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202842 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant

la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... E... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 19 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202842 du 12 janvier 2023, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que l'arrêté du 19 avril 2022 n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'intéressée, qui n'apporte pas la preuve d'un refus de guichet, n'établit pas qu'elle vivrait en couple avec un compatriote en situation régulière, ni qu'elle entretiendrait des liens réels et stables avec les membres de sa famille vivant en France, ni qu'elle ne disposerait plus de contacts avec son père resté dans son pays d'origine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2023, Mme A... D... E... F... épouse B..., représentée par Me Cécile Madeline, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête et de confirmer le jugement attaqué ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours et sous la même astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros au profit de la société Eden avocats au titre de l'article 37-2 de la loi du 10 juillet 1991, ladite condamnation valant renonciation au versement de l'aide juridictionnelle.

Elle fait valoir que la requête n'est pas fondée et que, si la cour devait ne pas confirmer le moyen d'annulation retenu par les premiers juges, elle entend reprendre l'ensemble des moyens qu'elle a soulevés en première instance.

Mme B... s'est vu maintenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2023.

Par ordonnance du 6 juillet 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D... E... B..., ressortissante de la République du Congo, née le 5 avril 1999, est entrée en France le 9 septembre 2013, à l'âge de quatorze ans, accompagnée de la sœur de son grand-père paternel. Elle a ensuite été confiée à l'une des cousines de son père, puis à l'une de ses tantes à laquelle le tribunal pour enfants de C... a délégué l'autorité parentale en juin 2014, avant de bénéficier, à la suite d'un signalement émis par l'assistante sociale de son établissement scolaire le 1er octobre 2015, d'un accueil urgent et provisoire par les services de l'aide sociale à l'enfance du 6 octobre 2015 au 30 avril 2016, puis d'une prise en charge par ces services du 1er mai 2016 au 15 juillet 2018. Elle a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 25 avril 2017 au 3 mai 2020, puis prolongé pour six mois sur le fondement de l'ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 en raison de la crise sanitaire. Le 21 février 2022, Mme B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 19 avril 2022, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté cette demande, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de Seine-Maritime relève appel du jugement du 12 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme B... un titre de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Sur le moyen retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... vit en France depuis l'âge de quatorze ans, soit huit années à la date de l'arrêté attaqué, dont quatre années alors qu'elle était mineure et trois années et six mois en situation régulière. L'intéressée a passé ainsi sur le territoire français l'essentiel de son adolescence et l'intégralité de sa vie de jeune adulte. Si les liens familiaux qu'elle détient en France sont altérés par les mauvais traitements qu'elle a subis lorsqu'elle était confiée à certains membres de sa famille, il en est de même s'agissant de son pays d'origine, qu'elle a quitté en 2012 à l'âge de 13 ans, son père n'ayant pas souhaité s'occuper d'elle et sa mère ayant refait sa vie en Côte d'Ivoire, pays où l'intimée n'a jamais vécu. Après l'obtention de son baccalauréat en 2018, Mme B... a travaillé jusqu'au mois de janvier 2022 dans des entrepôts logistiques, dans la restauration et en qualité d'agent commercial, ce qui démontre sa capacité d'insertion professionnelle. Il lui a également été proposé, en septembre 2021, de s'engager dans un contrat en alternance, en qualité de chargée de vente et de relations clientèle au sein d'une entreprise d'import-export rouennaise, sous réserve de régularisation de sa situation. Dès lors, compte-tenu des conditions et de l'ancienneté de son séjour en France, de l'absence de liens familiaux effectifs dans son pays d'origine, de la volonté d'intégration qu'elle démontre et des motifs exceptionnels qu'elle a ainsi fait valoir, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions citées au point 2.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 19 avril 2022 refusant de délivrer à Mme B... un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Le présent arrêt, qui confirme l'annulation de l'arrêté du 19 avril 2022, n'appelle pas d'autre mesure d'injonction que celle ordonnée par les premiers juges. Par suite, les conclusions d'injonction assorties d'astreinte présentées par Mme B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que l'avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Madeline de la somme de 1 000 euros en application de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Cécile Madeline, avocate de Mme B..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime, à Mme A... D... E... B... et à Me Cécile Madeline.

Délibéré après l'audience publique du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Thierry Sorin, président,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

Anne-Sophie Villette

N°23DA00107 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00107
Date de la décision : 27/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-27;23da00107 ?
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