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27/09/2023 | FRANCE | N°22DA02368

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 septembre 2023, 22DA02368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200740 du 5 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée 14 novembre 2022, M

me B..., représentée par Me Marie Verilhac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200740 du 5 septembre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée 14 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Marie Verilhac, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros hors taxes à verser à Me Verilhac au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou subsidiairement une somme de 1 500 euros à verser à la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, celles de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle entend exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;

- elle entend exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés, et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 octobre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante algérienne, née le 19 mars 1990, entrée en France en 2017 sous couvert d'un visa de court séjour, a fait l'objet d'un premier refus de délivrance de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 29 janvier 2020. Sa demande d'annulation de ce premier arrêté a été rejeté tant par le tribunal administratif de Rouen le 1er octobre 2020 que par la cour administrative d'appel de Douai le 6 juillet 2021. Le 29 septembre 2021, l'intéressée a formé une nouvelle demande de titre de séjour, au titre de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 3 décembre 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer le certificat de résidence sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annuler cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France munie d'un visa de type C le 21 août 2017 et qu'un enfant est né en France le 1er avril 2020 de son union avec un ressortissant marocain, né en 1966, titulaire d'une carte de résident valable dix ans, avec qui elle soutient vivre depuis 2018. Le préfet de la Seine-Maritime n'établit pas ni ne soutient d'ailleurs l'absence de vie commune entre les intéressés et conteste seulement la date de début de cette union sans toutefois apporter aucun élément sérieux de nature à remettre en cause son effectivité depuis, a minima, le mois de novembre 2019 et alors que les intéressés ont attesté sur l'honneur vivre ensemble depuis le 6 août 2018 sans que cela soit utilement contredit. Si Mme B... n'est certes pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France, de plus de quatre ans à la date de la décision attaquée, de la naissance d'un enfant vingt mois avant l'arrêté attaqué et de sa vie maritale avec un étranger en situation régulière, titulaire d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'en 2032, qui est le père de cet enfant, l'arrêté du 3 décembre 2021 portant refus de délivrance d'un certificat de résidence et portant obligation de quitter le territoire français doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Il a ainsi méconnu les stipulations précitées du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces circonstances, le préfet de la Seine-Maritime a, au surplus, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

4. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 3 décembre 2021 et qu'il y a lieu, par suite, de prononcer l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Les motifs d'annulation de l'arrêté attaqué impliquent que le préfet de la Seine-Maritime délivre à Mme B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de procéder à la délivrance de ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme B....

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Mme B... bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Verilhac, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Verilhac de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2200740 du 5 septembre 2022 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 3 décembre 2021 du préfet de la Seine-Maritime est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme B... un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Verilhac une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Verilhac renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Marie Verilhac.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Thierry Sorin, président de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. BaronnetLe président de chambre,

Signé : T. Sorin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA02368


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 27/09/2023
Date de l'import : 08/10/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 22DA02368
Numéro NOR : CETATEXT000048132681 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-09-27;22da02368 ?
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