Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Union des amis du parc naturel régional Oise, dite A3PF, l'association Oise nature, l'association Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise, dite Roso, et l'association Société des amis des forêts d'Halatte, d'Ermenonville et Chantilly, dite SAFHEC, ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler d'une part, l'arrêté du 4 mars 2018 par lequel le préfet de l'Oise a déclaré d'utilité publique le projet permettant de mettre à deux fois deux voies la route départementale 1330 entre le secteur de la Faisanderie et l'autoroute A 1 et a mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de la commune de Senlis et d'autre part, la décision de rejet de leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1802834 du 10 février 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 4 mars 2018 et la décision de rejet du recours gracieux.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00796, le 11 avril 2022, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de l'association Union des amis du parc naturel régional Oise et autres.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car il ne fait pas état de la demande de médiation par les associations requérantes ;
- le jugement est également irrégulier car il n'analyse pas les conclusions et les moyens présentés dans la note en délibéré du département de l'Oise ;
- le jugement est entaché d'erreurs de fait ;
- le jugement est entaché d'erreur de droit quant aux modalités de contrôle du caractère suffisant de l'étude d'impact ;
- le jugement a commis une erreur dans l'appréciation du caractère suffisant de l'étude d'impact ;
- les éventuelles lacunes de l'étude d'impact n'ont pas eu d'influence sur l'information du public, ni sur le sens de la décision.
La ministre renvoie pour les autres moyens au mémoire en défense présenté par le préfet de l'Oise en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, l'association A3PF, l'association Oise nature, l'association Roso, et l'association SAFHEC, représentées par Me Marie-Pierre Abiven, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- le jugement est régulier ;
- l'étude d'impact est insuffisante en ce qu'elle n'analyse pas le projet dans sa globalité et en ce qu'elle n'a pas analysé les enjeux et les impacts pour de très nombreuses espèces ;
- l'étude d'impact est insuffisante car le nombre de franchissements du projet aurait dû être plus important ;
- il n'est pas établi qu'une déclaration au titre de la loi sur l'eau a été déposée ;
- le dossier du projet aurait dû comporter une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ;
- le commissaire enquêteur n'a pas émis un avis personnel et motivé car il ne s'est pas prononcé sur les observations du public, ni sur les avis des personnes publiques associées ;
- le projet porte une atteinte à la faune qui méconnaît l'article L. 411-1 du code de l'environnement.
Par une ordonnance du 21 avril 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
II. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00798, le 11 avril 2022, et un mémoire, enregistré le 9 mars 2023, le département de l'Oise, représenté par Me Bernard de Froment, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de l'association A3PF et autres ;
3°) de mettre à la charge in solidum de ces associations la somme de 5 040 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a analysé l'insuffisance de l'étude d'impact, uniquement au regard de la petite faune, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article R.122-5 du code de l'environnement ;
- le jugement a commis une erreur de droit dans l'application des dispositions précitées ;
- l'étude d'impact était suffisante car elle analyse de manière précise les enjeux, les impacts et les mesures compensatoires proposées notamment pour la petite faune ;
- à supposer que l'étude d'impact devrait être complétée, ce vice est régularisable ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, l'association A3PF, l'association Union des amis du parc naturel régional Oise, l'association Oise nature, l'association Roso, Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise, et l'association SAFHEC, Société des amis des forêts d'Halatte, d'Ermenonville et Chantilly, représentées par Me Marie-Pierre Abiven, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge du département de l'Oise de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles reprennent les moyens et observations développés dans leur mémoire en défense dans la requête n° 22DA00796.
Par une ordonnance du 21 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
III. Par une requête enregistrée sous le n° 2200799 le 11 avril 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 9 mars 2023, le département de l'Oise, représenté par Me Bernard de Froment, demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 février 2022 ;
2°) de mettre à la charge in solidum des associations A3PF, Oise nature, Roso et SAFHEC, Société des amis des forêts d'Halatte, d'Ermenonville et Chantilly la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens de la requête d'appel sont sérieux et de nature à entraîner l'annulation du jugement.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2023, l'associationA3PF, l'association Oise nature, l'association Roso, et l'association SAFHEC, représentées par Me Marie-Pierre Abiven concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge du département de l'Oise de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles reprennent les moyens et observations développés dans leur mémoire en défense dans la requête n° 22DA00796.
Par ordonnance du 21 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me Bérengère Riffaud-Declercq, représentant le département de l'Oise.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. Par un arrêté du 14 mars 2018, le préfet de l'Oise a déclaré d'utilité publique au profit du département, les travaux de mise à deux fois deux voies de la route départementale 1330 entre le carrefour de la Faisanderie et l'autoroute du Nord A 1. L'association A3PF, l'Union des amis du parc naturel régional Oise, l'association Oise nature, l'association Roso, regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise et l'association Société des amis des forêts d'Halatte, d'Ermenonville et Chantilly (SAFHEC) ont formé, le 22 mai 2018, un recours gracieux contre cet arrêté, puis faute de réponse ont saisi le tribunal administratif d'Amiens. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le département de l'Oise relèvent appel du jugement du 10 février 2022 par lequel ce tribunal a annulé l'arrêté du 14 mars 2018.
2. Les requêtes n° 22DA00796, 22DA00798 et 22DA00799 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales soutient que le jugement est irrégulier en ce qu'il ne fait pas état de la tentative de médiation conduite par un médiateur désigné par une ordonnance du 11 juin 2020 du président du tribunal administratif d'Amiens. Mais la demande de médiation ne constituait pas une conclusion de la requête de première instance des associations et au surplus, la tentative de médiation conduite avec l'accord des parties n'a pu aboutir. Dans ces conditions, le jugement n'était pas tenu de mentionner cette tentative de médiation. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité pour ce motif du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 février 2022 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, eu égard à l'objet de l'obligation de mentionner dans la décision juridictionnelle la production d'une note en délibéré, qui est de permettre à l'auteur de la note en délibéré de s'assurer que la formation de jugement en a pris connaissance, la circonstance qu'une note en délibéré n'ait pas été mentionnée dans la décision, en méconnaissance de cette obligation, ne peut être utilement invoquée pour contester cette décision que par la partie qui a produit cette note. Par suite, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ne peut utilement se prévaloir de l'absence de mention de la note en délibéré produite le 27 janvier 2022 par le département de l'Oise. Au surplus, le jugement qui vise cette note n'était pas tenu de l'analyser. Si cette note constituait la première production du département, la juridiction n'était pas tenue non plus de la communiquer et d'y répondre, dès lors qu'enregistrée le 27 février 2022, après la clôture de l'instruction, il n'est ni établi, ni même allégué qu'elle contenait l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui était susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement pour ce motif doit également être, en tout état de cause, écarté.
5. En troisième lieu, si la ministre soutient qu'en première instance, n'était évoquée que l'insuffisance des mesures " éviter- réduire-compenser ", l'appréciation du caractère suffisant de ces mesures, qui sont d'ailleurs décrites dans l'étude d'impact, est nécessairement liée à l'analyse des enjeux et impacts. Il résulte de l'instruction que le moyen de l'insuffisance de l'étude d'impact, retenu par le tribunal, était soulevé dans le mémoire en réplique des associations. Les premiers juges n'ont donc pas soulevé d'office un moyen qui n'est pas d'ordre public.
6. Si le département de l'Oise soutient, pour sa part, que le jugement est entaché d'une erreur de droit dans l'application qu'il a faite de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, un tel moyen a trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité.
7. De même si le département de l'Oise critique la motivation du jugement, son argumentation porte en fait sur la distinction opérée par les premiers juges entre petite et grande faune. Un tel moyen a donc trait également au bien-fondé du jugement et non à sa motivation, alors qu'au surplus il apparaît suffisamment motivé.
Sur la légalité de la déclaration d'utilité publique du 14 mars 2018 :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
8. Le tribunal administratif d'Amiens, dans le jugement contesté, a jugé que l'étude d'impact " n'apporte pas d'évaluation précise tant des enjeux pour la petite faune que des impacts du projet qui lui sont spécifiques, notamment en ce qui concerne le franchissement de l'ouvrage ". Il en a déduit une insuffisance de l'étude d'impact de nature à nuire à la complète information du public et à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
9. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable pour une demande présentée le 28 décembre 2015 : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. L'étude d'impact présente : / 1° Une description du projet comportant des informations relatives à sa conception et à ses dimensions, y compris, en particulier, une description des caractéristiques physiques de l'ensemble du projet et des exigences techniques en matière d'utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement et, le cas échéant, une description des principales caractéristiques des procédés de stockage, de production et de fabrication, notamment mis en œuvre pendant l'exploitation, telles que la nature et la quantité des matériaux utilisés, ainsi qu'une estimation des types et des quantités des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet proposé. / (...) / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; / (...)".
10. D'une part, il ressort du dossier soumis à enquête publique qu'il comprenait une étude d'impact de plus de 280 pages sans compter ses annexes. Cette étude inclut des développements sur chacun des thèmes recensés par les dispositions citées au point précédent. En particulier en ce qui concerne la faune et la flore, cette étude comprend tant un travail de synthèse des données bibliographiques disponibles sur la zone de projet que des investigations de terrain menées sur un cycle biologique complet entre mars 2014 et février 2015. L'autorité environnementale, dans son avis du 20 avril 2016, estime que l'étude d'impact est " proportionnée aux enjeux " mais " inégale selon les parties traitées ". Toutefois, elle ne comporte pas de critiques précises sur la partie relative à la faune. L'avis précise au contraire que " le dossier aborde la question des continuités écologiques de façon très détaillée ". Le commissaire enquêteur, dans son rapport et ses conclusions favorables en date du 7 novembre 2017 n'émet pas non plus de critiques de l'étude d'impact même s'il recommande une étude complémentaire écologique afin de s'assurer de la suffisance ou non des mesures proposées. Les associations demanderesses en première instance ne critiquent pas non plus la méthodologie de l'étude d'impact
11. D'autre part, l'aire d'étude du projet si elle se situe à l'interface de deux réservoirs écologiques, celui de la forêt de Chantilly et celui de la forêt d'Halatte, est déjà caractérisée par la coupure que constitue la route départementale actuelle, coupure dont l'étude d'impact constate qu'elle s'est renforcée dans la période récente. S'agissant plus particulièrement de la faune de mammifères, l'étude d'impact note des enjeux faibles, à l'exception des axes de déplacement de la grande faune, notamment en ce qui concerne le cerf élaphe. L'étude analyse précisément les enjeux pour la faune, y compris pour la petite faune, identifiant treize espèces sur la zone d'inventaire dont trois seulement sont assez rares ou très rares et quasi-menacés ou vulnérables : le cerf élaphe, et s'agissant de la petite faune, la martre, espèce non protégée, et le tamia de Sibérie qui n'a pas été observé lors des dernières prospections réalisées en 2014. Si compte tenu des enjeux tels qu'ils ont été décrits, l'étude d'impact se focalise, comme le note l'avis de l'autorité environnementale, sur les déplacements du cerf élaphe et en conséquence sur l'écopont, elle analyse néanmoins de manière précise l'impact sur les autres mammifères terrestres et leur possibilité de franchissement de l'ouvrage. Elle note en particulier un impact positif sur la mammalofaune pour le franchissement de l'Aunette, puisque le réaménagement proposé dans le cadre du projet prévoit la création d'une banquette herbacée le long du cours d'eau, facilitant le franchissement de l'ouvrage en dessous de celui-ci par la petite faune. L'étude affirme également que la réalisation prévue par le projet d'une bande enherbée avec des glissières plutôt que d'une barrière béton est " un élément essentiel pour augmenter la franchissabilité de la route par la faune locale ", assurant une circulation dans les deux sens pour la petite faune aux abords de l'ouvrage. L'étude en déduit l'absence de nécessité d'aménagement spécifique. Si l'avis de l'autorité environnementale estime que le niveau de détail est plus important pour l'écopont et recommande de préciser les besoins et les solutions de franchissement pour la petite faune, cet avis ne remet pas en cause la faiblesse tant de l'enjeu que de l'impact pour ces espèces. Les associations demanderesses n'apportent elles-mêmes aucun autre élément critiquant les constats de l'étude d'impact.
12. Enfin, le dossier soumis à enquête publique comprenait tant l'avis de l'autorité environnementale que la réponse du maître d'ouvrage à celui-ci. Dans cette réponse, le département s'engageait à étudier et améliorer au stade des travaux les solutions de franchissement pour la petite faune. Il s'engageait également à préciser les mesures pour ces espèces au stade des demandes d'autorisation qui devront être obtenues, notamment celles au titre de l'article L. 214-1 du code de l'environnement.
13. Dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que l'étude d'impact a étudié de manière proportionnée aux enjeux pour la petite faune les incidences de l'ouvrage sur celle-ci. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé pour annuler l'arrêté du 14 mars 2018 du préfet de l'Oise sur l'insuffisance de l'étude d'impact.
14. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés tant en première instance qu'en appel.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par l'association A3PF et autres :
S'agissant des autorisations nécessaires aux titres d'autres législations :
15. En premier lieu, le régime de déclaration et d'autorisation prévu par les articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement et la déclaration d'utilité publique sont régis par des législations distinctes et soumises à des procédures indépendantes. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet aurait dû être soumis à déclaration en application des dispositions de l'article L. 214-1 du code de l'environnement est inopérant en ce qui concerne la légalité de la déclaration d'utilité publique. Au surplus, le dossier soumis à enquête publique indiquait que le maître d'ouvrage déposerait un dossier en application des articles L. 214-1 et suivants du code de l'environnement et aucune disposition n'impose que ce dépôt soit préalable à la déclaration d'utilité publique. Ce moyen doit donc en tout état de cause être écarté.
16. En deuxième lieu, l'autorisation au titre des sites classés et la déclaration d'utilité publique sont également régies par des législations distinctes et soumises à des procédures indépendantes. Aucune disposition n'impose que cette autorisation, qui au demeurant ne peut intervenir en application de l'article L.341-10 du code de l'environnement qu'après enquête publique, soit préalable à la déclaration d'utilité publique. Au surplus, le dossier soumis à enquête publique indiquait également que le projet devrait faire l'objet d'une autorisation spéciale du ministre chargé des sites après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Ce moyen doit donc en tout état de cause être écarté.
17. En troisième lieu, la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées et la déclaration d'utilité publique sont aussi régies par des législations distinctes et soumises à des procédures indépendantes. Aucun texte n'impose non plus que cette dérogation soit préalable à la déclaration d'utilité publique, qui ne tient pas lieu de dérogation à ce titre. Au surplus, le dossier soumis à enquête publique indiquait également que le projet serait soumis à l'obtention d'une telle dérogation. Ce moyen doit donc en tout état de cause être écarté.
S'agissant de l'aire d'étude du projet :
18. Aux termes du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " II.- L'étude d'impact présente : / (...) / 12° Lorsque le projet concourt à la réalisation d'un programme de travaux dont la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact comprend une appréciation des impacts de l'ensemble du programme. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " I. ' Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements publics et privés qui, par leur nature, leurs dimensions ou leur localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine sont précédés d'une étude d'impact. / (...) / II. ' Lorsque ces projets concourent à la réalisation d'un même programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages et lorsque ces projets sont réalisés de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacun des projets doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme. Lorsque les travaux sont réalisés par des maîtres d'ouvrage différents, ceux-ci peuvent demander à l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement de préciser les autres projets du programme, dans le cadre des dispositions de l'article L. 122-1-2. / Un programme de travaux, d'aménagements ou d'ouvrages est constitué par des projets de travaux, d'ouvrages et d'aménagements réalisés par un ou plusieurs maîtres d'ouvrage et constituant une unité fonctionnelle. / (...) ".
19. Les associations soutiennent que l'étude d'impact aurait dû porter sur l'ensemble des aménagements entre l'autoroute A 1 et Creil. Toutefois, d'une part, les aménagements antérieurs de cette route ont été réalisés par l'Etat, il y a plusieurs années. D'autre part, le projet n'a pas d'incidence en termes d'augmentation de trafic sur les autres portions de la route et les aménagements prévus par le département sur la RD 220 entre Pont-Sainte-Maxence et Creil n'ont pas non plus d'incidence sur le trafic de la RD 1330. Enfin l'autorité environnementale se bornait à demander des informations sur le trafic induit sur cette route par les projets connexes, informations que le département a fournies dans sa réponse à l'avis de l'autorité environnementale. Dans ces conditions, le maître d'ouvrage n'a pas méconnu les dispositions citées au point précédent en ne prenant pas en compte l'ensemble des aménagements de la RD 1330, qui n'avait pas d'unité fonctionnelle avec le projet.
S'agissant des conclusions du commissaire enquêteur :
20. Aux termes de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête examine les observations recueillies et entend toute personne qu'il lui paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant, s'il en fait la demande. Pour ces auditions, le président peut déléguer l'un des membres de la commission. / Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête rédige un rapport énonçant ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération projetée. / (...)". Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / (...) / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. "
21. Le commissaire enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations du public mais il doit au moins sommairement en donnant son avis personnel, indiquer les raisons qui déterminent le sens de cet avis.
22. Il ressort du rapport du commissaire enquêteur que celui-ci a analysé les observations du public en les regroupant par thèmes et en apportant sur chacun de ces thèmes son commentaire personnel par rapport à ces observations et à la réponse que leur a apportée le maître d'ouvrage. Il ressort également des conclusions du commissaire enquêteur que celui-ci, après avoir pris connaissance du dossier d'enquête unique portant tant sur la déclaration d'utilité publique que sur la mise en compatibilité des plans locaux d'urbanisme, a synthétisé les points positifs et négatifs du projet en tenant compte des observations du public, de la réponse du département et des recommandations de l'autorité environnementale qu'il reproduit dans son avis. Rien n'établit qu'il aurait dû consulter d'autres personnes ou prendre connaissance d'autres avis avant de pouvoir prononcer ses conclusions. Le moyen tiré de l'absence d'avis personnel et motivé du commissaire enquêteur doit donc être écarté.
S'agissant de l'impact sur les espèces protégées :
23. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces, de leurs fructifications ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente ou leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; / (...) ". Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions en application de l'article L. 411-2 du même code dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.
24. Si les associations soutiennent que le projet aura un impact sur des espèces protégées, il ressort de l'étude d'impact que le projet présente des enjeux faibles à l'exception des amphibiens dans le secteur de l'Aunette, des reptiles au niveau des lisières forestières, de l'avifaune pour les secteurs boisés et des chiroptères au nord de la route départementale et le long de l'Aunette pour lesquels les enjeux sont modérés dans ces secteurs. L'étude d'impact conclut ensuite que l'impact sera nul ou négligeable pour l'ensemble de la faune, à l'exception de l'impact sur les déplacements de la grande faune. Dans ces conditions, le projet, qui prévoit que soient sollicitées, le cas échéant, des dérogations sur le fondement de l'article L. 411-2 du code de l'environnement ne méconnaît pas en lui-même l'article L. 411-1 du même code et l'impact du projet sur l'environnement ne remet pas non plus en cause l'utilité publique du projet compte tenu de l'amélioration des déplacements et de la sécurité routière procurés par le projet.
S'agissant de l'atteinte du projet à la faune :
25. Les associations doivent être considérés lorsqu'elles critiquent l'insuffisance de l'étude d'impact sur les déplacements de la faune, comme estimant que la réalisation d'un seul écopont est insuffisante. Toutefois, à l'heure actuelle, il n'existe aucun ouvrage de franchissement pour la faune pour cette partie de la RD 1330. Par ailleurs, si trois bio corridors ont été identifiés par le projet, il ressort de l'étude d'impact que seul l'axe retenu pour la réalisation de l'écopont est fonctionnel et certain, l'axe situé au nord de la ferme des Alouettes ayant une fonctionnalité limitée et celui situé au nord ayant une fonctionnalité moyenne et n'étant que potentiel. Enfin, s'agissant de la petite faune, l'ouvrage n'est pas infranchissable et le franchissement de l'Aunette est par ailleurs amélioré par le projet. Dans ces conditions, le projet ne porte pas une atteinte à la faune telle qu'elle remettrait en cause son utilité publique.
26. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et le département de l'Oise sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé l'arrêté du 14 mars 2018 par lequel le préfet de l'Oise a déclaré d'utilité publique le projet de mise à deux fois deux voies entre le carrefour de la Faisanderie et l'autoroute A 1et a mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de Senlis.
Sur la demande de sursis à exécution :
27. La cour faisant droit par le présent arrêt aux conclusions du département de l'Oise tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 février 2022, les conclusions de cette collectivité tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont donc privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer.
Sur les frais d'instance :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et du département de l'Oise, la somme que réclament les associations A3PF, Union des amis du parc naturel régional Oise, l'association Oise nature, Roso, Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise, et n SAFHEC, Société des amis des forêts d'Halatte, d'Ermenonville et Chantilly.
29. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de l'association A3PF, de l'Union des amis du parc naturel régional Oise, de l'association Oise nature, de l'association Roso, du regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise et de la SAFHEC, la somme globale de 2 000 euros à verser au département de l'Oise, au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1802834 du 10 février 2022 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : Les demandes de l'association A3PF, Union des amis du parc naturel régional Oise et autres présentées devant le tribunal administratif d'Amiens sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du département de l'Oise tendant au sursis à exécution du jugement.
Article 4 : Les associations parties à l'instance verseront solidairement la somme globale de 2 000 euros au département de l'Oise au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au département de l'Oise, à l'association A3PF, Union des amis du parc naturel régional Oise, à l'association Oise nature, à l'association Roso, regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise et à l'association Société des amis des forêts d'Halatte, d'Ermenonville et Chantilly.
Copie en sera transmise pour information à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 7 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : D. PerrinLa présidente de la 1ère chambre,
Signé : G. Borot
Le greffier,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
Nos22DA00796, 22DA00798, 22DA00799 2