Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Technibat a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2015 et 2016, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période de janvier 2015 à décembre 2016 et de l'amende prévue par l'article 1740 A du code général des impôts.
Par un jugement no 2002382 du 1er mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 avril et 21 novembre 2022, la SARL Technibat, représentée par Me Horrie, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge de l'amende prononcée sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts ;
2°) de prononcer la décharge de cette amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'intention délibérée, de délivrer des documents permettant à un contribuable de bénéficier du crédit d'impôt résultant du III de l'article 18 bis de l'annexe IV au code général des impôts, n'est pas démontrée par l'administration fiscale ;
- ses clients ont cherché à bénéficier de cet avantage fiscal sans qu'elle n'intervienne ;
- sa bonne foi n'a pas été mise en doute avant l'interlocution.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 21 octobre 2022 et 17 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la décision n° 2018-739 QPC du 12 octobre 2018 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Technibat, qui exerce une activité de travaux de menuiserie PVC et bois, d'isolation et d'installation d'équipements thermiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. A l'issue de cette vérification, par une proposition de rectification du 19 juillet 2018, l'administration fiscale a notamment mis en évidence la comptabilisation par la société de dépenses étrangères à son activité ainsi que la facturation erronée de prestations aux taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5,5 % et de 10 %, sans, toutefois que cela n'entraîne de rappels de TVA et de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, compte-tenu de la situation créditrice en matière de TVA sur toute la période vérifiée. En revanche, l'administration fiscale a mis à la charge de la société Technibat l'amende prévue par l'article 1740 A du code général des impôts, laquelle a été mise en recouvrement le 31 décembre 2018 pour un montant de 41 979 euros pour l'année 2015 et de 64 750 euros pour l'année 2016. A la suite du rejet partiel de sa réclamation, la SARL Technibat a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen lequel a considéré que cette dernière lui demandait de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices 2015 et 2016, du rappel de TVA qui lui avait été réclamé au titre de la période de janvier 2015 à décembre 2016 et de l'amende prévue par l'article 1740 A du code général des impôts. Par un jugement du 1er mars 2022, le tribunal a rejeté cette demande. La SARL Technibat demande à la cour de réformer ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge de l'amende mise à sa charge en application de l'article 1740 A du code général des impôts.
2. Aux termes de l'article 1740 A du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " La délivrance irrégulière de documents, tels que certificats, reçus, états, factures ou attestations, permettant à un contribuable d'obtenir une déduction du revenu ou du bénéfice imposables, un crédit d'impôt ou une réduction d'impôt, entraîne l'application d'une amende égale à 25 % des sommes indûment mentionnées sur ces documents ou, à défaut d'une telle mention, d'une amende égale au montant de la déduction, du crédit ou de la réduction d'impôt indûment obtenu. /(...)/ ".
3. Pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition.
4. Il résulte de la décision n° 2018-739 QPC du Conseil constitutionnel du 12 octobre 2018 que le premier alinéa de l'article 1740 A du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, est contraire à la Constitution et que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet dans les conditions fixées aux paragraphes 10 et 11 de cette décision. En vertu du paragraphe 11, le Conseil constitutionnel a considéré qu'afin de faire cesser l'inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de sa décision, il y a lieu de juger que l'amende instituée par le premier alinéa de l'article 1740 A du code général des impôts s'applique uniquement aux personnes qui ont sciemment délivré des documents permettant à un contribuable d'obtenir un avantage fiscal indu.
5. Aux termes de l'article 200 quater du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour la contribution à la transition énergétique du logement dont ils sont propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit et qu'ils affectent à leur habitation principale. / A la condition que le logement soit achevé depuis plus de deux ans à la date de début d'exécution des travaux, ce crédit d'impôt s'applique : /(...)/ b. Aux dépenses, payées (...) au titre de : /(...)/ 3° L'acquisition et la pose de matériaux d'isolation thermique des parois opaques, dans la limite d'un plafond de dépenses par mètre carré, fixé par arrêté (...)/ 2. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie, du logement et du budget fixe la liste des équipements, matériaux et appareils qui ouvrent droit au crédit d'impôt. Il précise les caractéristiques techniques et les critères de performances minimales requis pour l'application du crédit d'impôt. / 3. Le crédit d'impôt s'applique pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année du paiement de la dépense par le contribuable. /(...)/ 5. Le crédit d'impôt est égal à 30 % du montant des matériaux, équipements, appareils et dépenses de diagnostic de performance énergétique mentionnés au 1. /(...)/ 6. /(...)/ b. Les dépenses mentionnées au 1 ouvrent droit au bénéfice du crédit d'impôt, sous réserve que le contribuable soit en mesure de présenter, à la demande de l'administration fiscale, (...) la facture (...) de l'entreprise qui a procédé à la fourniture et à l'installation des équipements, matériaux / Cette facture comporte, outre les mentions prévues à l'article 289 : / 1° Le lieu de réalisation des travaux (...)/ 2° La nature de ces travaux ainsi que la désignation, le montant et, le cas échéant, les caractéristiques et les critères de performances, mentionnés à la deuxième phrase du premier alinéa du 2, des équipements, matériaux et appareils ; / 3° Dans le cas de l'acquisition et de la pose de matériaux d'isolation thermique des parois opaques, la surface en mètres carrés des parois opaques isolées, en distinguant ce qui relève de l'isolation par l'extérieur de ce qui relève de l'isolation par l'intérieur ; /(...)/ 5° Lorsque les travaux d'installation des équipements, matériaux et appareils y sont soumis, les critères de qualification de l'entreprise ; /(...)/ ".
6. A ce titre, l'article 46 AX de l'annexe III au code général des impôts prévoit que les entreprises qui procèdent à la fourniture et à l'installation de matériaux d'isolation thermique des parois opaques mentionnés au 3° du b du 1 de l'article 200 quater du code général des impôts doivent justifier du respect de critères de qualification en étant titulaire d'un signe de qualité. Enfin, l'article 18 bis de l'annexe IV au code général des impôts fixe les caractéristiques minimales de résistance thermique des matériaux mentionnés au 1 de l'article 200 quater du code général des impôts.
7. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a constaté que, d'une part, la SARL Technibat avait mentionné sur des factures émises en 2015 et 2016, la fourniture et la pose de matériaux isolants dont les caractéristiques de résistance thermique permettaient à ses clients de bénéficier du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater du code général des impôts, alors que les matériaux effectivement fournis et posés ne satisfaisaient pas aux caractéristiques minimales résultant de l'article 18 bis de l'annexe IV au code général des impôts. Si la société Technibat invoque une simple erreur de sa part, dès lors que les bons de commande mentionnaient les matériaux réellement utilisés, elle ne l'établit pas, alors que cette mention erronée n'était pas isolée mais figurait sur de nombreuses factures. D'autre part, l'administration fiscale a également relevé que les factures émises en 2016 portaient la mention d'une certification prévue à l'article 46 AX de l'annexe III du code général des impôts laquelle n'était pas applicable aux travaux de fourniture et d'installation de matériaux d'isolation thermique des parois opaques. Si la SARL Technibat invoque à cet égard un problème de paramétrage de logiciel de facturation, elle ne le démontre pas. Dans ces conditions, compte-tenu de la nature des erreurs figurant sur les factures émises par cette société spécialisée et de leur caractère répété, l'administration a pu à bon droit déduire de ces constatations l'intention de la SARL Technibat de faire bénéficier indûment ses clients du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater du code général des impôts. La société n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause ce caractère intentionnel par la seule production de quelques attestations de clients rédigées de façon stéréotypée et établies pour les besoins de l'instance contentieuse faisant état de ce que l'agent commercial de la société ne leur aurait pas indiqué qu'ils pourraient bénéficier de ce crédit d'impôt. Enfin, si, antérieurement à la décision du Conseil constitutionnel mentionnée au point 4, l'administration n'avait pas fondé l'infliction de l'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts sur le caractère intentionnel du comportement de la société, elle s'y est expressément référée dans la décision du février 2020 rejetant partiellement la réclamation formée par la SARL Technibat. Dès lors, compte-tenu de ces éléments, l'administration a pu infliger à bon droit à la SARL Technibat l'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts.
8. Il résulte de ce qui précède que la SARL Technibat n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la décharge de cette amende, ainsi que les conclusions qu'elle présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Technibat est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Technibat et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administratrice générale des finances publiques chargée de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 1er septembre 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,
- M. François-Xavier Pin, président-assesseur,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLa présidente de la cour,
Signé : N. Massias
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°22DA00928
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