Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 juin 2022 par lequel la préfète de l'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2202039 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Flore Devos, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de l'Oise du 7 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour pour raison de santé dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sous la même condition de délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît, en outre, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2023, la préfète de l'Oise conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par courrier enregistré le 14 mars 2023, M. A... a, en application de la décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 2022 n° 441481, confirmé sa volonté de lever le secret médical.
Le dossier médical de M. A... a été produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 24 mars 2023.
L'OFII a présenté des observations qui ont été enregistrées le 5 juin 2023.
Par une ordonnance en date du 5 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juin 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tchadien né le 24 octobre 1999, est entré en France le 24 septembre 2017. Il a obtenu, le l9 juin 2020, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale. Puis l'intéressé a sollicité, le 4 mars 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par un arrêté en date du 7 juin 2022, la préfète de l'Oise a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 4 octobre 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
3. Il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. En l'espèce, le collège de médecins de l'OFII a estimé dans son avis du 16 décembre 2021 que si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, et peut voyager sans risque vers son pays. Il ressort du dossier médical de M. A... et des observations de l'OFII que l'intéressé est atteint d'un glaucome chronique juvénile à l'œil droit, qui a été opéré en septembre 2017. L'OFII a indiqué que le suivi ophtalmologique de cette pathologie, comprenant des mesures de tension oculaire et d'acuité visuelle, était disponible au Tchad dans les centres d'ophtalmologie de Ndjamena et de Bongot et que les soins ophtalmologiques étaient également disponibles au sein de l'hôpital de la renaissance à N'Djamena. Par ailleurs, l'OFII a précisé que le traitement médicamenteux de M. A... comprenait, d'une part, un bétabloquant et un inhibiteur de l'anhydrase carbonique figurant dans la liste nationale des médicaments essentiels établie en juin 2004 par le ministère de la santé publique de la République du Tchad et, d'autre part, la prostaglandine, qui, bien que ne figurant pas dans cette liste, était devenue un standard du traitement du glaucome au même titre que les deux autres produits. Enfin, il a ajouté que le Dr C..., médecin au Tchad, contacté par ses services, avait confirmé, le 14 avril 2023, que la pathologie présentée par M. A... pouvait y être traitée. Si l'appelant produit des attestations d'un médecin du service d'ophtalmologie de la clinique Al-Shifa à N'Djamena au Tchad datées des 20 juin et 3 novembre 2022 mentionnant que le plateau technique d'ophtalmologie au Tchad manque de certaines armes thérapeutiques et lui recommandant de poursuivre son traitement médical en France, ainsi qu'un certificat d'un médecin du centre hospitalier national d'ophtalmologie des quinze-Vingt à Paris du 6 février 2023 indiquant que son état de santé nécessite des contrôles réguliers fréquents et qu'une absence de surveillance risque d'entraîner une cécité, ces documents ne sont pas, de par leur caractère général, de nature à établir qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Enfin, M. A... n'établit pas qu'il ne disposerait pas des ressources nécessaires pour bénéficier, dans son pays d'origine, des soins nécessités par son état de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète de l'Oise aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A... fait valoir qu'il est entré en France le 24 septembre 2017 et qu'il vit en concubinage avec sa compagne de nationalité française depuis le 17 septembre 2018. Toutefois, il n'établit ni la réalité, ni l'ancienneté de cette communauté de vie en se bornant à produire une attestation de sa compagne du 27 octobre 2022 et ce, alors qu'il a indiqué dans le formulaire de demande de titre de séjour qu'il était célibataire et sans enfant. En outre, si l'intéressé se prévaut de la présence sur le territoire français d'un frère et d'une sœur, il ne démontre pas entretenir avec eux des liens d'une particulière intensité. Il n'établit pas davantage être dépourvu de toutes attaches privées et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Enfin, il ne justifie pas d'une insertion particulière sur le territoire français alors même qu'il a obtenu un baccalauréat professionnel en juin 2020 et qu'il a été inscrit en deuxième année du brevet de technicien supérieur (BTS) " gestion de la petite et moyenne entreprise " au titre des années universitaires 2021-2022 et 2022-2023. Dans ces conditions, la préfète de l'Oise n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la préfète de l'Oise n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. D'une part, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dont serait entachée la décision fixant le pays de destination, doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée à la préfète de l'Oise.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2023.
La rapporteure,
Signé : S. StefanczykLa présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°22DA02321