Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 14 mars 2019 par laquelle le préfet du Nord a retiré la carte professionnelle d'agent de sécurité privée dont il était titulaire.
Par un jugement n° 1908617 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Jérôme Karsenti, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision de retrait, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte professionnelle d'agent de sécurité privée dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la motivation du jugement est erronée et entachée de contradiction ;
- la décision de retrait de la carte professionnelle est entachée d'un vice de procédure car il n'est pas justifié que l'agent qui a consulté le traitement des antécédents judiciaires était habilité à le faire alors que cette habilitation constitue une garantie et que les informations irrégulièrement obtenues sont de nature à avoir exercé une influence sur le sens de la décision ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'erreur dans la matérialité des faits, les faits en cause s'inscrivent dans un contexte qui doit être pris en compte, leur description comporte des approximations et il n'a jamais eu un rôle de meneur bien qu'il soit identifié comme tel en raison notamment de son apparence physique, les conséquences de cette décision sont disproportionnées au regard de l'intérêt poursuivi de la sauvegarde de l'ordre public ;
- la décision porte une atteinte manifeste à son droit constitutionnel au travail, tiré de l'article 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2021, le ministre de l'intérieur indique que le préfet du Nord est compétent pour défendre dans la présente instance en application des dispositions de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen de légalité externe, tiré du vice de procédure, fondé sur une cause juridique distincte de celle invoquée en première instance, est irrecevable ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... était titulaire d'une carte professionnelle d'agent de sécurité privée depuis le 16 avril 2015. Par une décision du 14 mars 2019 notifiée le 8 avril 2019, le préfet du Nord a procédé au retrait de sa carte pour nécessité tenant à l'ordre public sur le fondement du dernier alinéa de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure. M. A... a contesté ce retrait par un recours gracieux du 7 juin 2019 auprès du préfet, qui l'a implicitement rejeté. M. A... relève appel du jugement du 2 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation de la décision de retrait de sa carte professionnelle du 14 mars 2019.
Sur le moyen de légalité externe tiré du vice de procédure :
2. Le requérant n'a présenté, en première instance, que des moyens relatifs à la légalité interne de la décision du 14 mars 2019. S'il soulève en appel, après l'expiration du délai de recours à l'encontre de la décision du 14 mars 2019, un moyen tiré d'un vice de procédure qui entacherait cette décision, un tel moyen, qui critique la légalité externe de ladite décision, repose sur une cause juridique distincte. N'étant pas d'ordre public, il est, par suite, irrecevable.
Sur les autres moyens :
3. Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction applicable au litige : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 :(...) / 2° S'il résulte de l'enquête administrative (...) que son comportement ou ses agissements sont contraires à l'honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État et sont incompatibles avec l'exercice des fonctions susmentionnées ; (...) le représentant de l'État peut retirer la carte professionnelle en cas de nécessité tenant à l'ordre public ".
4. En considérant, en réponse à deux moyens distincts, d'une part, que " le retrait, par le préfet, de la carte professionnelle d'agent de sécurité privée en cas de nécessité tenant à l'ordre public, n'a ni pour objet ni pour effet de se prononcer sur la matérialité des faits et leur qualification pénale ou répressive " pour en déduire qu'il ne s'agit pas d'une sanction mais d'une mesure de police administrative et, d'autre part, que " M. A... ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits sur lesquels s'est fondé le préfet du Nord pour retirer sa carte professionnelle ", la première proposition étant relative à l'appréciation portée par le préfet, et la seconde proposition étant relative à l'appréciation portée par le juge, le tribunal administratif de Lille n'a entaché son jugement ni d'une contradiction de motifs, ni d'une erreur de droit. Ces moyens seront donc écartés.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a, le 19 mai 2016, été condamné pour manifestations sur la voie publique sans autorisation et entrave à la circulation des véhicules sur la voie publique, puis, le 16 novembre 2020, a été condamné en appel à huit mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits de violence volontaire sur une personne dépositaire de l'autorité publique et d'entrave à la circulation des véhicules sur une voie publique, commis le 5 janvier 2019 à Valenciennes. Si l'intéressé soutient que le contexte social doit être pris en compte, qu'il n'était pas un meneur, qu'il a été particulièrement ciblé en raison de son apparence physique et qu'il conteste les faits qui ont motivé la décision, les seuls faits du 5 janvier 2019 mentionnés par la décision en litige, pour lesquels il a été condamné le 16 novembre 2020, suffisent à justifier le retrait de sa carte professionnelle pour nécessité tenant à l'ordre public. Par suite, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur dans la matérialité des faits, ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, ni n'a commis une erreur d'appréciation en prenant la décision de retrait de carte professionnelle du 14 mars 2019. Ces moyens seront donc écartés.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit que compte tenu des faits reprochés à M. A... ayant porté atteinte à la sécurité publique et des nécessités de l'ordre public, le préfet du Nord a pu légalement retirer la carte professionnelle de M. A... sans méconnaître son droit constitutionnel au travail tiré de l'article 5 du préambule de la Constitution. Ce dernier moyen sera donc écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite, la requête de M. A... doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au préfet du Nord, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Jérôme Karsenti.
Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,
- M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. B...La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : A.S. Villette
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA02592