La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/08/2023 | FRANCE | N°22DA01205

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 21 août 2023, 22DA01205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille a confirmé la sanction de cinq jours de confinement en cellule disciplinaire prise par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil le 4 juin 2019.

Par un jugement n° 1909698 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 8 juin 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 12 juillet 2019 par laquelle la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille a confirmé la sanction de cinq jours de confinement en cellule disciplinaire prise par la commission de discipline du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil le 4 juin 2019.

Par un jugement n° 1909698 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.

Il soutient que :

- le tribunal aurait dû écarter le moyen stéréotypé qu'il a retenu ou à tout le moins demander la production d'un compte-rendu d'incident non anonymisé ;

- la composition de la commission de discipline était régulière ;

- les autres moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par une décision du 4 juin 2019, la commission de discipline du centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil a infligé à M. B... la sanction de confinement en cellule disciplinaire pendant cinq jours. Cette sanction a été confirmée par une décision de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lille du 12 juillet 2019. A la demande de M. B..., le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision. Le garde des sceaux, ministre de la justice fait appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale alors applicable : " En cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire, un compte rendu est établi dans les plus brefs délais par l'agent présent lors de l'incident ou informé de ce dernier. L'auteur de ce compte rendu ne peut siéger en commission de discipline ".

3. Il ressort de la confrontation du compte-rendu d'incident du 28 mai 2019 produit en appel et du registre de la commission de discipline que, conformément à la disposition précitée, l'auteur du compte-rendu n'a pas siégé en commission de discipline.

4. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale doit être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a estimé que la décision attaquée était entachée d'un vice de procédure.

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....

Sur les autres moyens invoqués par M. B... :

S'agissant de la compétence de l'autorité ayant décidé la poursuite :

7. Aux termes de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale alors applicable : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. (...) ".

8. La décision adoptée à la suite d'un recours administratif préalable obligatoire se substitue à la décision initiale et un vice de compétence entachant une étape procédurale antérieure à la décision initiale est donc sans incidence sur la légalité de la décision finale. En tout état de cause, M. D..., chef de détention, bénéficiait d'une délégation de signature du chef d'établissement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du 11 avril 2018. Le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité ayant décidé la poursuite doit donc être écarté.

S'agissant de la composition de la commission de discipline :

9. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale alors applicable : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ".

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier, en tout état de cause, que Mme A..., directrice adjointe, bénéficiait d'une délégation de signature du chef d'établissement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du 11 avril 2018. Le moyen tiré de l'incompétence de la présidente de la commission de discipline doit donc être écarté.

11. D'autre part, il ressort du registre de la commission de discipline que le moyen tiré de ce que la commission de discipline n'a pas compris deux membres assesseurs manque en fait.

S'agissant de la consultation du dossier disciplinaire :

12. Aux termes de l'article R. 57-6-9 du code de procédure pénale alors applicable : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration (...) la personne détenue dispose d'un délai pour préparer ses observations qui ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que M. B... n'a pas pu consulter son dossier disciplinaire plus de trois heures avant la séance de la commission de discipline manque en fait.

S'agissant de la remise d'une copie du dossier disciplinaire :

14. Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale alors applicable : " I. En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-17 du même code : " La personne détenue est convoquée par écrit devant la commission de discipline. La convocation lui rappelle les droits qui sont les siens en vertu de l'article R. 57-7-16. (...) ".

15. Il ressort des pièces du dossier que la convocation de M. B... devant la commission de discipline lui a indiqué qu'il pouvait demander une copie gratuite du dossier disciplinaire et que les pièces de ce dossier lui ont été remises le 29 mai 2019. Le moyen tiré de ce qu'une copie du dossier disciplinaire n'a pas été laissée à la disposition de M. B... doit donc être écarté.

S'agissant de la proportionnalité de la sanction :

16. Aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale alors applicable : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : (...) 12° De proférer des insultes, des menaces ou des propos outrageants à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement (...) ".

17. Aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code : " (...) peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : (...) 7° Le confinement en cellule individuelle ordinaire assorti, le cas échéant, de la privation de tout appareil acheté ou loué par l'intermédiaire de l'administration pendant la durée de l'exécution de la sanction ; (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-47 de ce code : " (...) la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré (...) ".

18. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

19. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a proféré et réitéré des insultes à l'encontre de surveillants le 28 mai 2019. Ces faits étaient de nature à justifier une sanction. Eu égard à la nature et à la gravité des faits commis par l'intéressé et alors que celui-ci avait déjà fait l'objet de quinze sanctions disciplinaires pour des propos diffamatoires ou des menaces envers autrui, la sanction de confinement en cellule disciplinaire pendant cinq jours confirmée par la directrice interrégionale des services pénitentiaires était proportionnée à la gravité de la faute commise.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 12 juillet 2019.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

21. La demande présentée par M. B..., partie perdante, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 du décret du 19 décembre 1991 doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 8 avril 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. B....

Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 août 2023.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : D. PerrinLe président rapporteur,

Signé : M. C...

Le greffier,

Signé : S. Cardot

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N° 22DA01205 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01205
Date de la décision : 21/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-08-21;22da01205 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award