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12/07/2023 | FRANCE | N°22DA01386

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 juillet 2023, 22DA01386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé par trois requêtes distinctes au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision par laquelle le maire de la commune de La Gorgue a implicitement rejeté sa demande tendant à ce qu'un emploi du temps compatible avec celui de son employeur principal lui soit proposé, dans le respect de ses missions statutaires et dans sa discipline d'enseignement, à ce que sa situation statutaire soit régularisée, en la faisant bénéficier d'un avancement de grade comme assistante

d'enseignement artistique de 1ère classe, à compter du 1er septembre 2018...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé par trois requêtes distinctes au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, la décision par laquelle le maire de la commune de La Gorgue a implicitement rejeté sa demande tendant à ce qu'un emploi du temps compatible avec celui de son employeur principal lui soit proposé, dans le respect de ses missions statutaires et dans sa discipline d'enseignement, à ce que sa situation statutaire soit régularisée, en la faisant bénéficier d'un avancement de grade comme assistante d'enseignement artistique de 1ère classe, à compter du 1er septembre 2018, d'annuler la décision par laquelle le maire de la commune de La Gorgue a interrompu sa rémunération à compter du 1er décembre 2018, d'enjoindre au même maire de créer l'emploi statutaire d'assistant d'enseignement artistique principal de 1ère classe et de l'y nommer, ainsi que de lui confier une mission conforme à son statut et à sa discipline, et de procéder au versement de l'intégralité de la rémunération due au titre de son emploi depuis le 1er décembre 2018, y compris en ce qui concerne le versement de la quote-part du treizième mois habituellement versée, par la commune, au mois de décembre 2019, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel le maire de la commune de La Gorgue a procédé à une retenue sur traitement pour absence de service fait pour le mois d'avril 2019, d'annuler l'arrêté du 1er mai 2019 par lequel la même autorité a procédé à une retenue sur traitement pour absence de service fait pour le mois de mai 2019 et d'enjoindre au maire de la commune de La Gorgue de lui verser l'ensemble des traitements et accessoires dus depuis le 12 septembre 2018, dans un délai de quinze jours suivant notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, enfin de condamner la commune de la Gorgue à lui verser les sommes de 12 800 euros en réparation du préjudice matériel et 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subis en raison du refus opposé par la commune de l'affecter dans un emploi correspondant à son grade. Dans chacune de ces requêtes elle demandait au tribunal de mettre à la charge de la commune de La Gorgue la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement commun n° 1902437, 1905476 et 2102840 du 26 avril 2022 le tribunal administratif de Lille a annulé la décision par laquelle la commune de La Gorgue a implicitement refusé d'affecter Mme B... sur un enseignement conforme à ses missions et à son statut, la décision par laquelle la même commune a implicitement refusé de promouvoir Mme B... au grade supérieur, la décision refusant de verser son traitement à Mme B... à compter du 1er décembre 2018 et les arrêtés des 1er avril 2019 et 1er mai 2019 par lesquels le maire de la commune de La Gorgue a procédé à une retenue sur le traitement de Mme B... pour absence de service fait. Il a enjoint à la commune de La Gorgue, d'une part, de prendre un arrêté nommant Mme B... en tant qu'assistante d'enseignement artistique principale de 1ère classe à compter du 1er septembre 2018, d'autre part, de l'affecter à une mission conforme à son statut et, enfin, de lui verser l'intégralité de la rémunération due au titre de son emploi depuis le 1er décembre 2018, jusqu'à la date de son affectation à ce poste, en ce comprise la quote-part du treizième mois habituellement versée. Il a fixé pour ce faire à la commune de La Gorgue un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Il a condamné la commune de La Gorgue à verser à Mme B... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi et mis à la charge de la même commune le versement à Mme B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il a, enfin, rejeté le surplus des conclusions de Mme B... et les conclusions de la commune de La Gorgue présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juin et 1er décembre 2022, la commune de La Gorgue, représentée par Me Forgeois demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes de Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son avis n'a pas été sollicité avant la décision du maire de Seclin promouvant Mme B... au grade supérieur ;- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;

- les retenues sur salaire résultent de l'absence de service fait et les préjudices invoqués sont la conséquence de ses propres manquements, sans lien direct avec la décision prise par la commune ;

- l'intimée a commis une faute, exonératoire de responsabilité pour la commune, en présentant une demande de réduction de son temps de travail sans précision sur la répartition de ses quatre heures dans la semaine et en informant très tardivement, le 6 septembre 2018, la commune de ce qu'elle n'était pas en situation, du fait de ses autres engagements, d'assurer les cours du mercredi après-midi, qu'elle dispensait pourtant depuis une dizaine d'années.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 septembre et 2 décembre 2022, Mme A... B..., représentée par Me Rodier conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mise à la charge de la commune une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés et que Mme B... a été recrutée par une autre commune à compter du 5 février 2022 sur un poste d'assistante d'enseignement artistique de 1ère classe à temps non complet de seize heures hebdomadaires.

Par ordonnance du 2 décembre 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Lefevre, représentant la commune de La Gorgue.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., assistante territoriale d'enseignement artistique, dans un cadre d'emplois de catégorie B, exerce ses fonctions dans les communes de Seclin, Bailleul et La Gorgue. Jusqu'au 1er juillet 2018, elle effectuait, pour la commune de La Gorgue, un volume horaire de neuf heures de cours par semaine, réparties sur les mardi et mercredi et, pour la commune de Seclin, une durée de travail de onze heures par semaine. Elle assurait également depuis septembre 2015, trois heures d'enseignement de hautbois par semaine pour la commune de Bailleul. Par un arrêté du 28 mars 2018, le maire de la commune de Seclin a promu Mme B..., à compter du 1er septembre 2018, au grade d'assistante d'enseignement artistique principale de 1ère classe. Le maire de cette commune l'a également informée de son intention d'augmenter de cinq heures son service hebdomadaire. Mme B... a alors demandé au maire de la commune de La Gorgue de réduire son temps de travail à due proportion et, par un arrêté du 2 juillet 2018, ce dernier a réduit la durée de travail hebdomadaire de l'intéressée, de neuf heures à quatre heures. Parallèlement, par un arrêté du 22 novembre 2018, le maire de la commune de Seclin a augmenté, à compter du 1er septembre 2018, la durée hebdomadaire de travail de Mme B..., de onze heures à seize heures.

2. Par un courriel du 28 août 2018, le directeur de l'école de musique de La Gorgue a informé Mme B... que son emploi du temps pour l'année scolaire 2018/2019 consisterait en trois cours de formation musicale, d'une durée d'une heure et quinze minutes, le mercredi, de 16h00 à 19h45. Mme B... a alors répondu le jour même, par un courriel, que ce service n'était pas compatible avec l'emploi du temps retenu par la commune de Seclin. Les démarches engagées par Mme B... auprès de la commune de La Gorgue pour obtenir des cours compatibles avec ses autres engagements auprès de la commune de Seclin n'ont pas abouti. Aussi, par lettre du 23 novembre 2018, Mme B... a demandé au maire de la commune de La Gorgue, d'une part, de lui proposer un emploi du temps compatible avec celui de son employeur principal et un emploi respectant ses missions statutaires ainsi que, d'autre part, de régulariser sa situation en la faisant bénéficier d'un avancement de grade comme assistante d'enseignement artistique de 1ère classe, à compter du 1er septembre 2018. Le maire de cette commune a implicitement rejeté cette demande.

3. Par un arrêté du 30 novembre 2018, le maire de la commune de La Gorgue a pris à l'encontre de Mme B... un arrêté portant radiation des cadres pour abandon de poste à compter du 1er décembre 2018 qui a été retiré par un nouvel arrêté du maire du 31 décembre 2018. Mais l'intéressée n'a pas perçu de traitement de la part de la commune à compter du 1er décembre 2018. Mme B... a adressé à la commune, le 22 janvier 2019, une demande tendant à ce qu'une mission compatible avec son emploi principal lui soit confiée, et à ce que les rémunérations dues lui soient versées. Le maire de la commune de La Gorgue a implicitement rejeté cette demande. Mme B... n'ayant pas assuré les enseignements demandés par la commune de La Gorgue aux horaires par elle fixés, par un arrêté du 1er avril 2019 le maire a procédé à une retenue sur traitement pour absence de service fait durant le mois d'avril 2019 et, par un arrêté du 1er mai 2019, le maire a procédé à une seconde retenue sur traitement pour absence de service fait, pour le mois de mai 2019. Enfin, par une lettre du 8 février 2021, reçue le 15 février 2021, Mme B... a présenté à la commune de La Gorgue une demande préalable afin d'être indemnisée des préjudices subis du fait de la faute que la commune aurait commise en refusant de l'affecter sur un emploi correspondant à son grade. La commune de La Gorgue a implicitement rejeté cette demande.

4. Par un jugement du 26 avril 2022 le tribunal administratif de Lille a notamment annulé la décision par laquelle la commune de La Gorgue a implicitement refusé d'affecter Mme B... sur un enseignement conforme à ses missions et à son statut, la décision par laquelle la même commune a implicitement refusé de promouvoir Mme B... au grade supérieur, la décision refusant de verser son traitement à Mme B... à compter du 1er décembre 2018 et les arrêtés des 1er avril 2019 et 1er mai 2019 par lesquels le maire de la commune de La Gorgue a procédé à une retenue sur le traitement de Mme B... pour absence de service fait, les mois d'avril 2019 et de mai 2019. Il a enjoint à la commune de La Gorgue, d'une part, de prendre un arrêté nommant Mme B... en tant qu'assistante d'enseignement artistique principale de 1ère classe à compter du 1er septembre 2018, d'autre part, de l'affecter à une mission conforme à son statut et, enfin, de lui verser l'intégralité de la rémunération due au titre de son emploi depuis le 1er décembre 2018, jusqu'à la date de son affectation à ce poste, en ce comprise la quote-part du treizième mois habituellement versée. Il a fixé pour ce faire à la commune de La Gorgue un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Il a condamné la commune de La Gorgue à verser à Mme B... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi. La commune de La Gorgue relève appel de ce jugement.

Sur le refus implicite d'affectation sur un enseignement conforme aux missions et au statut de Mme B... :

5. Aux termes de l'article 2 du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique : " Le cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique comprend les grades suivants : / 1° Assistant d'enseignement artistique ; 2° Assistant d'enseignement artistique principal de 2e classe ; / 3° Assistant d'enseignement artistique principal de 1re classe. / (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce même décret : " I. - Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique exercent leurs fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : / 1° Musique ; / (...) Les spécialités musique et danse comprennent différentes disciplines. Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique sont astreints à un régime d'obligation de service hebdomadaire de vingt heures. Ils sont placés, pour l'exercice de leurs fonctions, sous l'autorité du fonctionnaire chargé de la direction de l'établissement dans lequel ils exercent leurs fonctions. / (...) III. - Les titulaires des grades d'assistant d'enseignement artistique principal de 2e classe et d'assistant d'enseignement artistique principal de 1re classe sont chargés, dans leur spécialité, de tâches d'enseignement dans les conservatoires à rayonnement régional, départemental, communal ou intercommunal classés, les établissements d'enseignement de la musique, de la danse et de l'art dramatique non classés ainsi que dans les écoles d'arts plastiques non habilitées à dispenser un enseignement sanctionné par un diplôme national ou par un diplôme agréé par l'Etat. / (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la délibération du conseil municipal de la commune de La Gorgue du 28 septembre 2004 que Mme B... a été recrutée en tant qu'assistante d'enseignement artistique principale, dans la spécialité " musique " et la discipline " hautbois ". Mme B... assurait son cours le mardi soir.

7. La commune de La Gorgue soutient que Mme B... a demandé tardivement au regard de la rentrée du 6 septembre 2018 d'effectuer son service d'enseignement de hautbois le mardi de 17 à 21 heures. Toutefois ce n'est que le 28 août 2018, au retour du congé maladie du directeur de l'Ecole de musique de la Gorgue que Mme B... a été informée de ce que son service serait désormais effectué, uniquement par un cours de formation musicale, les mercredis de 16h00 à 19h45. Par courriel retour, dans les deux heures qui ont suivi, Mme B... a rappelé qu'elle avait demandé dans le délai de préavis la réduction de son horaire d'enseignement de hautbois, que le mercredi elle travaillait à Seclin et qu'elle demandait le maintien de son enseignement le mardi soir. La commune a confié la classe de hautbois le mardi soir à un agent contractuel ne relevant pas du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique. Or un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l'emploi pour lequel il a été recruté, lorsque l'autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi, l'administration pouvant, pour ce motif, légalement écarter l'agent contractuel de cet emploi. Il n'apparaît pas qu'une nécessité de service justifiait le choix de la commune. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du maire de la commune refusant d'affecter Mme B... sur un emploi correspondant à son grade et dans sa discipline, conformément à son statut.

Sur le refus de promotion au grade supérieur :

8. Aux termes de l'article 14 du décret du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, dans sa rédaction alors applicable : " Les décisions relatives à la notation, l'inscription sur un tableau d'avancement, l'avancement de grade, l'admission éventuelle au bénéfice d'un classement au groupe supérieur de rémunération et la nomination au titre de la promotion interne mentionnés à l'article 39 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée précitée d'un fonctionnaire territorial qui occupe le même emploi à temps non complet dans plusieurs collectivités ou établissements, sont prises, après avis ou sur propositions des autres autorités territoriales concernées, par l'autorité de la collectivité ou de l'établissement auquel le fonctionnaire consacre la plus grande partie de son activité et, en cas de durée égale de son travail dans plusieurs collectivités ou établissements, par l'autorité territoriale qui l'a recruté en premier. / En cas de désaccord entre les autorités territoriales, les décisions autres que celles relatives à la notation ne peuvent être prises que si la proposition de décision recueille l'accord des deux tiers au moins des autorités concernées, représentant plus de la moitié de la durée hebdomadaire de service effectuée par l'agent ou de la moitié au moins des autorités concernées représentant plus des deux tiers de cette durée ".

9. La commune de La Gorgue doit être regardée comme invoquant, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté du 28 mars 2018 du maire de Seclin promouvant Mme B..., au motif qu'elle n'a pas été consultée sur cette promotion en méconnaissance de l'article 14 du décret du 20 mars 1991. Toutefois, dès lors que la commune de Bailleul, le troisième employeur de Mme B..., l'avait elle aussi promue par un arrêté du 25 octobre 2017, la condition de majorité qualifiée visée en cas de désaccord était satisfaite ce qui permettait d'accorder la promotion de Mme B... au grade supérieur d'assistante d'enseignement artistique principale de 1ère classe sans que la commune de La Gorgue puisse s'y opposer. Au demeurant la commune de La Gorgue a eu connaissance de l'arrêté du 28 mars 2018 du maire de Seclin par courrier recommandé avec avis de réception reçu le 26 novembre 2018, qu'elle s'est abstenue de contester. Ainsi le vice de procédure n'a pas été susceptible, en l'espèce, d'exercer une influence sur le sens de la décision et il n'a privé d'aucune garantie la commune de La Gorgue. Ce moyen doit donc être écarté et c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé le refus implicite de promotion opposé à Mme B... par la commune de La Gorgue.

Sur le refus de versement d'une rémunération à compter du 1er décembre 2018 et sur les arrêtés portant retenues sur traitement :

10. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ".

11. Le droit de tout agent à percevoir son traitement ne peut cesser que si l'absence d'accomplissement de son service résulte de son propre fait, il appartient en conséquence au juge de rechercher si l'absence de service fait par un agent ne résulte pas de la méconnaissance, par l'administration, de l'obligation qui est la sienne de placer ses agents dans une situation régulière et de les affecter, dans un délai raisonnable, sur un emploi correspondant à des fonctions effectives.

12. Comme il a été dit au point 7 Mme B... aurait dû être affectée par la commune de La Gorgue sur un emploi correspondant à son grade et à son statut alors que cet emploi existait, pour une quotité suffisante au regard des quatre heures hebdomadaires qu'elle devait assurer, et dans sa discipline, le hautbois, tandis que cet enseignement avait été confié à un agent contractuel. Par suite, l'absence de service fait de Mme B... résulte de l'empêchement où elle se trouvait d'exécuter ses obligations de service, du fait de la méconnaissance par la commune de La Gorgue de ses obligations. Par suite, les moyens tirés de ce que les retenues sur salaire résultent de l'absence de service fait et que Mme B... a commis par ses propres manquements une faute exonératoire de responsabilité doivent être écartés. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille a annulé la décision par laquelle le maire de La Gorgue a cessé de verser à Mme B... son traitement à compter du 1er décembre 2018, ainsi que les arrêtés des 1er avril 2019 et 1er mai 2019 portant retenues sur salaire pour absence de service fait du 1er au 30 avril 2019 et du 1er au 31 mai 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Les annulations prononcées impliquent nécessairement pour la commune de La Gorgue, de prendre un arrêté nommant Mme B... en tant qu'assistante d'enseignement artistique principale de 1ère classe à compter du 1er septembre 2018, de l'affecter à une mission conforme à son statut et, enfin, de lui verser l'intégralité de la rémunération due au titre de son emploi depuis le 1er décembre 2018, en ce comprise la quote-part du treizième mois habituellement versée comme lui a enjoint le tribunal administratif de Lille. Toutefois, la commune de La Gorgue indique que Mme B... a été recrutée par la commune de Sainte-Foy-lez-Lyon à compter du 5 février 2022 sur un poste d'assistante d'enseignement artistique de 1ère classe à temps non complet de seize heures hebdomadaires et en conséquence, le maire de la commune a pris le 3 novembre 2022, un arrêté portant radiation des cadres de Mme B... à compter du 5 février 2022. Dès lors, il y a lieu de réformer le jugement du tribunal administratif de Lille en limitant au 4 février 2022 la date de fin de la période de régularisation de la situation financière de Mme B....

Sur les conclusions indemnitaires :

14. Il résulte de ce qui précède que la commune de La Gorgue a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de Mme B..., sans que cette dernière ait de son côté commis de faute de nature à exonérer totalement ou partiellement la commune de sa responsabilité. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de La Gorgue à verser à Mme B... la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Gorgue est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Lille n'a pas limité au 4 février 2022 le droit de Mme B... au versement de l'intégralité de la rémunération due au titre de son emploi depuis le 1er décembre 2018. Les conclusions de la commune présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence alors qu'elle est partie essentiellement perdante. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Gorgue le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le terme de l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Lille tendant à ce que la commune de La Gorgue verse à Mme B... l'intégralité de la rémunération due au titre de son emploi depuis le 1er décembre 2018, en ce comprise la quote-part du treizième mois habituellement versée, est limité au 4 février 2022.

Article 2 : L'article 5 du jugement n° 1902437, 1905476 et 2102840 du 26 avril 2022 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de La Gorgue versera à Mme B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de La Gorgue est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de La Gorgue.

Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

-Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juillet 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : A.S.Villette

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA01386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01386
Date de la décision : 12/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : RODIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-07-12;22da01386 ?
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