Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Lille a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'avis du 21 mai 2019 par lequel le conseil de discipline de recours a proposé de prononcer, à l'encontre de M. A... B..., la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un mois et demi.
Par un jugement n° 1906400 du 17 mai 2022 le tribunal administratif de Lille a annulé l'avis du conseil de discipline de recours du 21 mai 2019 et a rejeté les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juin et 31 août 2022, M. B... représenté par Me Ducrocq, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de la commune de Lille ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lille la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les griefs qui lui sont faits sont fallacieux et sont fondés sur deux rapports disciplinaires non datés, non signés et non étayés par d'autres documents probants ;
- il n'a pas commis de faute disciplinaire ;
- l'avis du conseil de discipline de recours n'est pas entaché d'illégalité en ce qu'il s'est prononcé sur l'ensemble des griefs ;
- la proposition de sanction de quatre mois et demi est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, la commune de Lille représentée par Me Delgorgue conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B..., la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête ne contient l'exposé d'aucune critique du jugement attaqué, elle est donc irrecevable ;
- aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle de 55% par une décision du 27 septembre 2022.
Par une ordonnance du 5 décembre 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Potier, représentant la commune de Lille.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., adjoint technique de deuxième classe, exerçait depuis 2012 les fonctions de formateur, apiculteur et animateur du rucher école de la commune de Lille, auprès d'une ferme pédagogique. Après avoir recueilli l'avis du conseil de discipline le 4 juillet 2018, la maire de la commune, par une décision du 17 août 2018, a prononcé à l'encontre de cet agent une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre mois et demi. Le conseil de discipline de recours a proposé, par un avis du 21 mai 2019, de prononcer la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un mois et demi. Par un arrêté du 18 juillet 2019, la maire a prononcé la sanction disciplinaire proposée par le conseil de discipline. Saisi par la commune de Lille le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 17 mai 2022, a notamment annulé l'avis du conseil de discipline de recours du 21 mai 2019. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la matérialité des faits reprochés et la proportionnalité de la sanction proposée :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi visée ci-dessus du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) / Troisième groupe : la rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à un échelon correspondant à un indice égal ou immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ". Aux termes de l'article 91 de la même loi : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'Etat. / L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. Il lui appartient également de rechercher si la sanction proposée par un conseil de discipline de recours statuant sur le recours d'un fonctionnaire territorial est proportionnée à la gravité des fautes qui lui sont reprochées.
4. Pour justifier la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire des fonctions pour une durée de quatre mois et demi prise par arrêté du 14 août 2018, la maire de la commune de Lille, reproche à M. B... d'avoir désobéi à sa hiérarchie en refusant de fournir les documents afin de clarifier des dysfonctionnements dans la gestion du rucher-école dont il avait la charge, d'avoir adopté une attitude menaçante et tenu des propos injurieux à l'encontre de l'une de ses supérieures hiérarchiques lors d'un entretien du 7 février 2018, d'avoir exercé une activité professionnelle d'apiculteur sans autorisation de cumul d'activités et manqué à l'obligation de réserve et de neutralité du fait de publications sur un des réseaux sociaux d'une élue de la commune. Par l'avis en cause du 21 mai 2019, annulé par le tribunal administratif de Lille, le conseil de discipline de recours s'est prononcé en faveur d'une exclusion temporaire de fonctions d'une durée limitée à un mois et demi en ne retenant que le refus d'obéissance, les propos irrespectueux tenus au cours de la séance du 7 février 2018 et l'absence de demande d'autorisation de cumul d'activités.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du 7 mars 2018 établi par la commune de Lille, que M. B... n'a pas fourni certains documents sollicités par sa hiérarchie, notamment lors de l'entretien du 7 février 2018, tels que la liste des personnes préinscrites aux activités de la ferme pédagogique, la liste des ruches suivies et des éléments sur le devenir du miel récolté, en vue de clarifier le fonctionnement de la gestion du rucher-école dont il avait la charge. M. B... a admis, lors de la séance du conseil de discipline de recours, ce refus de transmission sans que ses arguments tirés des " droits des usagers " puissent légitimer ce refus d'obéissance d'un agent du service public. Par ailleurs, le compte-rendu de l'entretien du 7 février 2018 établi par la commune de Lille révèle que l'intéressé a tenu des propos injurieux voire menaçants à l'encontre de la responsable du service communication-animation, ce qui a d'ailleurs conduit à ce que le directeur des parcs et jardins de la commune mette un terme à l'entretien. Le climat " belliqueux " prévalant selon M. B... lors de cet entretien ne saurait pas plus excuser ses propos. De plus, l'appelant a reconnu exercer, à titre privé, une activité d'apiculteur en fabriquant des pots de miel étiquetés à son nom. Il ne conteste pas l'absence de toute autorisation de cumul d'activités alors qu'il connaissait cette obligation ayant bénéficié d'une autorisation de cumul pour ses activités de formations en apiculture. Enfin, contrairement à ce qu'a estimé le conseil de discipline de recours, il est établi que l'appelant a rédigé deux commentaires sur la page d'un réseau social de la maire adjointe déléguée à la nature en ville et aux espaces verts, consistant en des propos ironiques sur deux opérations de la commune et méconnaissant ainsi le devoir de réserve et l'obligation de neutralité d'un agent public. Ces faits sont ainsi établis et de nature à justifier une sanction disciplinaire.
6. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la nature des faits reprochés, nonobstant le départ en retraite de M. B... au 1er janvier 2019, l'absence d'antécédent disciplinaire et l'existence d'une lettre de félicitation du 2 février 2022 de la maire de Lille, à la suite de la prise de fonction de l'intéressé comme président du syndicat apicole de la région lilloise, le conseil de discipline de recours a entaché d'erreur d'appréciation son avis en estimant qu'une sanction de seulement un mois et demi devait être prononcée à l'encontre de l'intéressé.
7. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lille, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé l'avis du conseil de discipline de recours du 21 mai 2019.
Sur les frais de l'instance :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
9. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent dès lors être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la commune de Lille au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Lille.
Délibéré après l'audience publique du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 juillet 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : A-S.Villette
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°22DA01377