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27/06/2023 | FRANCE | N°22DA02060

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 juin 2023, 22DA02060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté en date du 24 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Eure a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.

Par un jugement n° 2105127 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Djehanne Elatrassi-Diome, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;


2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2021 ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté en date du 24 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Eure a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné.

Par un jugement n° 2105127 du 12 mai 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Djehanne Elatrassi-Diome, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2021 ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ou subsidiairement de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 24 novembre 2021 révèle une obligation implicite de quitter le territoire français, or l'auteur de l'arrêté n'était pas compétent pour décider une obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision portant obligation implicite de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle, elle a méconnu son droit d'être entendu et a été prise au terme d'une procédure irrégulière faute de saisine du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il excipe de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et a été prise sans examen particulier de sa situation ;

- elle porte atteinte à son droit de ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants garanti par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2023, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la prétendue nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire français étant inexistante, les moyens dirigés contre elle ne pourront qu'être rejetés ;

- les moyens du requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né en 1972, a obtenu en 2015 une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, qui a été renouvelée jusqu'au 5 juin 2017. Par un arrêté du 4 mai 2018, dont la demande d'annulation a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Rouen du 4 décembre 2018 confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai le 21 novembre 2019, le préfet de l'Eure a rejeté la demande de renouvellement de ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. B... a présenté une nouvelle demande de titre de séjour le 12 décembre 2020 mais, par un arrêté du 28 avril 2021, le préfet de l'Eure a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

2. Par un jugement du 23 septembre 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français, rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre une décision fixant le pays de renvoi qui n'avait pas été prise et rejeté les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour pour raison de santé et de l'obligation de quitter le territoire français sans délai. Par un arrêté distinct du 24 novembre 2021, le préfet de l'Eure a fixé le pays à destination duquel M. B... doit être éloigné. M. B... relève appel du jugement du 12 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

3. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai le 8 septembre 2022, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande d'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la fin de non-recevoir dirigée contre la demande d'annulation d'une décision implicite portant obligation de quitter le territoire français :

4. L'arrêté attaqué du préfet de l'Eure du 24 novembre 2021 ne comporte aucune obligation de quitter le territoire français et ne peut être regardé comme révélant une telle obligation implicite dès lors qu'il se borne à fixer le pays de destination de l'obligation de quitter le territoire français prise par l'arrêté du 28 avril 2021, auquel il se réfère expressément. Or, la demande d'annulation de cette obligation de quitter le territoire présentée par M. B... a été rejetée par le jugement du 23 septembre 2021 déjà mentionné, devenu définitif. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'un fixant le pays de destination, le préfet n'a pas pris de décision implicite portant obligation de quitter le territoire français et que, par suite, l'ensemble des moyens dirigés contre cette décision inexistante ne peut qu'être rejeté comme irrecevable.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination :

5. Aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité (...) ".

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité d'une décision implicite portant obligation de quitter le territoire à l'encontre de celle fixant le pays de destination.

7. Ensuite, il ressort des termes de l'arrêté attaqué qu'il comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles repose la décision fixant le pays de destination, notamment les dispositions des articles L. 721-1 à L. 721-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il mentionne l'arrêté du 28 avril 2021 portant obligation de quitter le territoire français et la nationalité congolaise de l'intéressé. De même, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure, qui n'était pas tenu de faire état de tous les éléments relatifs à la situation de M. B..., aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé. Les moyens tirés du défaut de motivation et de défaut d'examen sérieux seront donc écartés.

8. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, reprises en termes identiques à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Et aux termes des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

9. Il ressort de la décision attaquée que le préfet a estimé que M. B... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements dégradants, appréciation qui découle de son arrêté du 28 avril 2021 portant refus de délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé, dont la légalité a été confirmée par le jugement du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Rouen devenu définitif. M. B... soutient qu'il souffre d'une pathologique cardiaque et d'un stress post-traumatique pour lequel il est suivi depuis 2014 et qu'un traitement médicamenteux à base de Zopiclone lui est prescrit et, pour justifier que cette substance active n'est pas disponible dans son pays d'origine, il produit la liste des médicaments essentiels qui émane du ministère de la santé publique de la République démocratique du Congo dans laquelle n'apparaît pas le Zopiclone. Toutefois, ni ce document ancien établi en mars 2010, ni les ordonnances et les certificats médicaux produits, qui se bornent à indiquer notamment que l'état de santé du requérant nécessite " des soins spécialisés en psychiatrie " et un " traitement médicamenteux psychotrope au long cours ", ne permettent de conclure à l'indisponibilité de cette substance dans ce pays à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, M. B... n'établit ni même n'allègue que le traitement qui lui est actuellement administré ne serait pas substituable par un médicament de même classe ou reposant sur le même principe actif, un traitement médical approprié n'étant pas nécessairement un traitement identique à celui dont un étranger malade peut bénéficier en France. Dans ces conditions, le requérant n'apporte pas d'élément probant à l'appui de ses allégations selon lesquelles il serait susceptible d'être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.

10. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision du préfet de l'Eure serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Djehanne Elatrassi-Diome.

Copie sera adressée au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. BaronnetLa présidente de chambre,

Signé : A. SeulinLa greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA02060


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02060
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : ELATRASSI-DIOME

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-27;22da02060 ?
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