Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), la société Hubert Callec, la société Constructions métalliques bosquelloises (CMB), la société EGMB et la société Heulin ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner solidairement la société Pyrrhus Conceptions, la société ACME et M. A... B... à les indemniser des préjudices subis en raison d'un incendie survenu le 19 décembre 2012 sur le chantier de la transformation de la salle des fêtes de la commune de Roye.
Par un jugement n° 1901001 du 10 février 2021, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la société ACME à indemniser la SMABTP, la société Hubert Callec, la CMB, la société EGMB, la société Heulin et M. B... pour un montant total de 813 169,14 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2021 et un mémoire enregistré le 14 novembre 2022, la SMABTP, la société Hubert Callec, la CMB, la société Grave Randoux mandataire de la société EGBM, représentées par la SCP Badré Hyonne Senssalis Denis Roger Daillencourt, demandent à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) de condamner solidairement la société Pyrrhus Conceptions, la société ACME prise en la personne de son liquidateur et M. B... à verser les sommes de 672 574,58 euros à la SMABTP, 60 148 euros à la société Hubert Callec, 38 088 euros à la société CMB et 28 324,50 euros à la société Grave Randoux ès qualité de mandataire de la société EGBM, avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 2016 ou à défaut du 12 avril 2021 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;
3°) de condamner solidairement la société Pyrrhus Conceptions, la société ACME prise en la personne de son liquidateur et M. B... à verser la somme de 33 937,90 euros au titre des frais d'expertise ainsi qu'aux dépens exposés devant la juridiction civile des référés ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la société Pyrrhus Conceptions, de la société ACME prise en la personne de son liquidateur et de M. B... une somme de 2 500 euros à verser à chacune des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- leurs demandes sont recevables ;
- la responsabilité pour faute de la société ACME est engagée ;
- la responsabilité pour faute de la société Pyrrhus Conceptions est engagée en l'absence d'établissement d'un " PPSPS " (plan particulier de sécurité et de protection de la santé) mentionnant la présence de matériaux inflammables et la nécessité d'un permis de feu, faute de s'être assurée, en qualité de donneur d'ordre, que son sous-traitant, même spécialisé, exécutait les travaux en respectant les règles de l'art, faute d'avoir fait agréer son sous-traitant par le maître d'ouvrage ni vérifié ses conditions d'assurance, qui couvraient la fabrication mais non la pose, alors que la compagnie Allianz Assurances a ultérieurement dénié sa garantie ;
- la responsabilité pour faute de M. B... est engagée en qualité de coresponsable de la prévention en vertu de l'article L. 4531-1 du code du travail et pour manquement à son obligation de conseil, faute de s'être assuré que l'entreprise Pyrrhus avait établi un PPSPS, que le sous-traitant avait été agréé, des conditions d'assurance de celui-ci et du respect par lui des règles de l'art ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 4 octobre 2022, M. A... B..., représenté par Me Bénédicte Lefebvre, puis par la SCP Dumoulin Chartrelle Abiven, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de confirmer ce jugement ;
2°) par la voie de l'appel incident, de condamner la société Pyrrhus Conception, aux côtés de la société ACME, à lui verser une somme de 62 666,40 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de ses frais de maîtrise d'œuvre ;
3°) de rejeter les conclusions des autres parties ;
4°) subsidiairement, par la voie de l'appel provoqué, de condamner solidairement la société ACME représentée par Me Ancel et la société Pyrrhus Conception à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre ;
5°) de mettre à la charge solidaire de la société ACME représentée par Me Ancel et de la société Pyrrhus Conception, une somme de 3 000 euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a commis aucune faute à l'origine des dommages subis par les requérantes ;
- la société ACME et la société Pyrrhus Conceptions sont seules responsables des fautes à l'origine des dommages ;
- ses conclusions dirigées contre la société Pyrrhus Conceptions et la société ACME ne sont pas prescrites ;
- du fait de l'incendie causé par les fautes de la société ACME et de la société Pyrrhus Conceptions, il a subi un préjudice total à hauteur de 90 078,40 euros, comprenant le coût des travaux de reprise du chantier après le sinistre à hauteur de 62 666,40 euros TTC, son préjudice économique à hauteur de 16 787 euros, le coût des plans et documents de travail qu'il a réalisés avant la reprise des travaux et lors des opérations d'expertise à hauteur de 5 625 euros et son préjudice moral à hauteur de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2022 et un mémoire enregistré le 25 novembre 2022, la société Pyrrhus Conceptions, représentée par la SELARL BCM, administrateur et la SELARL François Carlo, mandataire judiciaire, représentées par la SCP Lebegue Derbise, demandent à la cour :
1°) à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes présentées à son encontre et de rejeter l'ensemble des conclusions présentées à son encontre ;
2°) subsidiairement, de limiter à 623 562,14 euros, 7 882,82 euros, 7 900 euros et 52 222 euros les sommes accordées respectivement à la SMABTP, à la société Hubert Callec, à la société EGBM et à M. B... et d'exclure la TVA de toute condamnation à leur profit ;
3°) de rejeter les conclusions de la société CMB et en tout état de cause d'exclure la TVA de toute condamnation à son profit ;
4°) par la voie de l'appel provoqué, de condamner la société ACME à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre à titre principal, intérêts et accessoires, y compris les dépens et les sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de tous succombants une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) de rejeter les demandes des requérantes au titre des frais d'expertise et des dépens.
La société Pyrrhus Conceptions soutient que :
- elle n'a commis aucune faute à l'origine des dommages subis par les requérantes et par M. B..., la société ACME est seule responsable des fautes à l'origine des dommages, l'absence alléguée de garantie par l'assureur Allianz de la société ACME qui avait déclaré ses travaux de pose, reste débattue devant le juge judiciaire ;
- à titre subsidiaire, les préjudices ne sont établis qu'à hauteur de 623 562,14 euros concernant la somme demandée par la SMABTP, de 7 882,82 euros concernant la somme demandée par la société Hubert Callec, de 7 900 euros concernant la somme demandée par la société EGBM, la société CMB ne justifie pas avoir exposé un quelconque coût au-delà de la somme de 233 605 euros dont la SMABTP l'a déjà indemnisée et ne peut donc prétendre à aucune somme supplémentaire ;
- toute indemnisation complémentaire éventuellement allouée devrait l'être hors taxes, les entreprises étant des assujetties collectrices de TVA et aucun intérêt de retard n'est dû, les demandes ayant été présentées pour la première fois dans la demande introductive d'instance au tribunal ;
- les conclusions de M. B... tendant à ce qu'elle l'indemnise les dommages qu'il a subis du fait de l'incendie du 19 décembre 2012 sont irrecevables, d'une part, en l'absence de la déclaration de créances prévue par l'article L. 622-22 du code de commerce et, d'autre part, car prescrites en application des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil ;
- les demandes reconventionnelles de M. B... à son encontre ne sont pas fondées en l'absence de toute responsabilité ;
- à titre subsidiaire, M. B... ne peut se prévaloir de préjudices qu'à hauteur du montant hors taxe des travaux de reprise du chantier retenu par le rapport d'expertise soit 52 222 euros, à condition qu'il justifie avoir réalisé la prestation, en avoir demandé le paiement et se l'être vu définitivement refusé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,
- et les observations de Me Chloé Peyres, représentant M. A... B....
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Roye (Somme) a entrepris en 2009 des travaux de transformation de sa salle des fêtes en un théâtre et des salles polyvalentes. Elle a confié les travaux du lot " gros œuvre, charpente métallique, façade légère " à la société Hubert Callec qui en a sous-traité une partie à la société Constructions métalliques bosquelloises (CMB) et à la société EGBM. Le lot " menuiseries intérieures " a été confié à la société Heulin, le lot " cloisons doublages ", à la société Baudry et fils et le lot " ossature façade boîte " a été confié à la société Pyrrhus conceptions, qui a sous-traité à la société ACME les travaux de conception, de fourniture et de montage des boîtes composées de panneaux de résine formant ossature, d'un isolant, d'une couche d'étanchéité et d'un habillage et destinées à recouvrir la façade du bâtiment. La maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement dont le mandataire était M. A... B.... La réception des travaux était fixée au mois d'avril 2013.
2. Cependant, le 19 décembre 2012, un incendie s'est déclaré sur le chantier qui a détruit les travaux exécutés ou en cours d'exécution de la société Hubert Callec, de la société CMB, de la société EGBM et de la société Heulin, toutes assurées auprès de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP). À la demande de ces sociétés et de leur assureur, le président du tribunal de grande instance d'Amiens a ordonné une expertise par ordonnance du 27 février 2013, dont le rapport a été remis le 4 mai 2015. À la suite de la réparation de l'ouvrage, les travaux ont été réceptionnés le 23 octobre 2016. La SMABTP, la société Hubert Callec, la société CMB et la société Grave Randoux mandataire de la société EGBM, relèvent appel du jugement du 10 février 2021 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a condamné la société ACME à payer à la société SMABTP la somme de 623 562, 14 euros, à la société Hubert Callec la somme de 60 148 euros, à la société EGBM la somme de 21 572 euros, à la société CMB la somme de 38 088 euros, à la société Heulin la somme de 790 euros, toutes ces sommes étant assorties des intérêts légaux à compter du 25 mars 2019 et de la capitalisation des intérêts à compter du 25 mars 2020, ainsi que, par voie reconventionnelle, la somme de 69 009 euros à M. B....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Les sociétés requérantes peuvent rechercher la responsabilité quasi-délictuelle d'un participant à l'opération de travaux publics avec lequel elles ne sont liées par aucun contrat, y compris le sous-traitant d'un autre constructeur, notamment s'il a commis des fautes du fait de la violation des règles de l'art, de la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires ou d'un manquement à ses obligations contractuelles.
En ce qui concerne la faute de la société ACME :
4. Il résulte du rapport d'expertise du 4 mai 2015 que l'incendie du 19 décembre 2012 s'est déclaré en fin d'après-midi lorsqu'un employé de la société ACME, à laquelle la société Pyrrhus conception avait sous-traité les travaux de fabrication et de montage et de raccordement des panneaux, a utilisé un décapeur thermique afin de sécher superficiellement des panneaux de 2,5 mètres de large, de 3,5 mètres de hauteur et de 20 centimètres d'épaisseur, formés d'une résine formant ossature, d'un isolant polyuréthane, d'habillages intérieur et extérieur et d'une étanchéité, en vue de procéder au collage d'une bande de toile de verre sur les panneaux rendus humides en raison des conditions climatiques. L'usage du décapeur thermique sur ces panneaux composés de matériaux hautement inflammables a provoqué l'incendie du 19 décembre 2012 et était contraire aux règles de l'art que ne pouvait méconnaitre un professionnel travaillant avec des matériaux dans l'utilisation desquels l'entreprise qui l'employait était spécialisée. La responsabilité quasi-délictuelle de la société ACME est ainsi engagée par la faute commise par son employé. Cette responsabilité pour faute de la société ACME, retenue par les premiers juges, n'est au demeurant contestée par aucune des parties en appel.
En ce qui concerne les fautes de la société Pyrrhus Conceptions et de l'architecte B... :
5. Aux termes de l'article L. 4532-9 du code du travail : " Sur les chantiers soumis à l'obligation d'établir un plan général de coordination, chaque entreprise, y compris les entreprises sous-traitantes, appelée à intervenir à un moment quelconque des travaux, établit, avant le début des travaux, un plan particulier de sécurité et de protection de la santé. Ce plan est communiqué au coordonnateur ". Aux termes de l'article R. 4532-64 du même code : " Le plan particulier de sécurité est adapté aux conditions spécifiques de l'intervention sur le chantier. A cet effet, (...) le plan mentionne, en les distinguant : / (...) 2° La description des travaux et des processus de travail de l'entreprise pouvant présenter des risques pour la santé et la sécurité des autres intervenants sur le chantier, notamment lorsqu'il s'agit de travaux comportant des risques particuliers tels que ceux énumérés sur la liste prévue à l'article L. 4532-8 ; / 3° Les dispositions à prendre pour prévenir les risques pour la santé et la sécurité que peuvent encourir les travailleurs de l'entreprise lors de l'exécution de ses propres travaux ".
6. Il est constant que la société Pyrrhus Conceptions n'a pas établi de plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS), manquant ainsi à l'obligation résultant des dispositions de l'article L. 4532-9 du code du travail précité. Cependant, il résulte de l'instruction que, compte tenu du caractère imprévisible et contraire aux règles de l'art de l'initiative du préposé de la société ACME d'employer un décapeur thermique afin de sécher des panneaux isolants composés de matériaux hautement inflammables, des dispositions destinées à prévenir une telle initiative et un tel risque, sans lien avec la description des travaux et des processus de travail de l'entreprise pouvant présenter des risques pour la santé et la sécurité des autres intervenants sur le chantier, n'avaient pas à être mentionnées par le PPSPS. Par suite, le manquement de la société Pyrrhus Conceptions à l'obligation d'établir un PPSPS ne présente pas un lien de causalité direct et certain avec le déclenchement de l'incendie du 19 décembre 2012.
7. Si la société Pyrrhus Conceptions a manqué à l'obligation de déclarer son sous-traitant au maître d'ouvrage, cette carence fautive ne présente pas un lien de causalité direct avec l'initiative malencontreuse et imprévisible d'un préposé de la société ACME d'utiliser un décapeur thermique afin de sécher des panneaux isolants, à l'origine de l'incendie. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que la société Pyrrhus Conceptions ait commis une faute dans la vérification des conditions d'assurance de son sous-traitant, alors que celui-ci disposait d'un contrat d'assurance auprès de la société Allianz et qu'il n'est pas établi que le refus de son assureur de prendre en charge les dommages causés par la société ACME, dont l'activité non seulement de fabrication mais aussi de pose était connu de l'assureur, soit fondé. Enfin, si, en qualité de donneur d'ordre à son sous-traitant, il appartenait à la société Pyrrhus Conceptions de s'assurer que la société ACME effectuait les travaux sous-traités dans les règles de l'art, une telle obligation n'imposait pas une surveillance permanente des travaux de son sous-traitant, spécialisé dans ce type de travaux, qui seule aurait été susceptible d'éviter le déclenchement de l'incendie résultant de l'initiative malencontreuse d'un préposé de la société ACME.
8. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que la responsabilité quasi-délictuelle de la société Pyrrhus Conceptions n'est pas engagée dans la survenance de l'incendie à l'origine des dommages subis par les sociétés appelantes.
9. Pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, si les sociétés requérantes soutiennent que l'architecte B... a manqué à son obligation de conseil en ne s'assurant pas de l'établissement d'un PPSPS par la société Pyrrhus Conceptions, de la déclaration de la société ACME au maître d'ouvrage, des conditions d'assurance de ce sous-traitant et du respect par celui-ci des règles de l'art, les manquements qu'elles reprochent à M. B... ne permettent pas d'engager sa responsabilité quasi-délictuelle dans le déclenchement de l'incendie du 19 décembre 2012.
10. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il y a lieu de confirmer le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 10 février 2021 rejetant les conclusions des sociétés appelantes tendant à mettre en cause la responsabilité solidaire de la société Pyrrhus Conception et de l'architecte B... et leur condamnation au paiement des préjudices subis.
En ce qui concerne la réparation des préjudices :
S'agissant des sommes mises à la charge de la société ACME :
11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SMABTP ne conteste pas les montants respectifs de 134 461,18 euros, 193 199,17 euros et 3425,57 euros alloués par les premiers juges au titre des indemnisations versées à la société Hubert Callec, à la société EGBM et à la société Heulin et qu'il y a donc lieu de confirmer ces montants. Si la SMABTP demande que le montant de 102 013, 08 euros alloué par les premiers juges au titre de l'indemnisation des sommes versées à la société Baudry soit porté à 107 883,66 euros, sa requête mentionne deux fois la situation de travaux n° 10 et elle ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, du règlement daté du 11 août 2015 qu'elle allègue et, par suite, du versement effectif d'une somme de 107 883,66 euros. De même, si la SMABTP demande que le montant de 190 463,14 euros alloué par les premiers juges au titre de l'indemnisation des sommes versées à la société CMB soit porté à 233 605 euros, elle n'en justifie ni par le calcul erroné figurant dans sa requête, ni par les pièces qu'elle produit qui établissent le versement de la somme totale de 190 463,14 euros retenue par le tribunal administratif. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer l'évaluation des préjudices de la SMABTP à un montant de 623 562,14 euros.
12. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et, notamment, du courrier du 12 février 2014 que la société Hubert Callec a dû prendre à sa charge la somme de 7 900 euros au titre de sa franchise d'assurance de sorte que la demande de la société Pyrrhus Conceptions tendant à ce que le montant de la franchise soit réduit à une somme de 7882 ,82 euros doit être rejetée. Par ailleurs, il résulte du rapport d'expertise et plus particulièrement du rapport du sapiteur que la société Callec a subi un préjudice économique supplémentaire d'un montant de 52 248 euros dont elle est fondée à demander réparation, qui n'est pas inclus dans les frais de reprise indemnisés par la SMABTP. Il y a donc lieu de confirmer le montant total de 60 148 euros retenu par le tribunal administratif au titre des préjudices subis par la société Hubert Callec en sus des indemnisations qu'elle a perçues de la SMABTP.
13. En troisième lieu, si la société EGBM demande que le montant de son indemnité soit porté de 21 572 euros à 28 324,50 euros, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause le montant de 21 572 euros retenu par les premiers juges, incluant 7 900 euros au titre de la franchise d'assurance et 13 672 euros retenus par l'expert au titre du préjudice économique subi en sus des indemnisations qu'elle a perçues de la SMABTP. Il y a lieu, par suite, de confirmer le montant de 21 572 euros alloué à la société EGBM.
14. En quatrième lieu, il y a lieu de confirmer le montant de 38 088 euros alloué par les premiers juges à la société CMB, incluant 23 360,50 euros au titre de la franchise d'assurance et 14 728,50 euros retenus par l'expert au titre du préjudice économique subi en sus des indemnisations qu'elle a perçues de la SMABTP.
15. Enfin, la somme de 790 euros retenue par les premiers juges, que la société Heulin a dû prendre à sa charge au titre de sa franchise d'assurance à la suite de l'incendie du 19 décembre 2012, et dont elle est fondée à demander le remboursement à la société ACME, n'est pas contestée en appel.
16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 14 qu'il y a lieu de confirmer la condamnation de la société ACME à verser ces différentes sommes aux sociétés requérantes, assorties des intérêts légaux à compter du 25 mars 2019, date d'enregistrement de la demande introductive d'instance, et de leur capitalisation à compter du 25 mars 2020.
S'agissant des conclusions de la SMABTP tendant au remboursement des frais de l'expertise ordonnée par le président du tribunal de grande instance d'Amiens :
17. Les frais d'une expertise ordonnée par la juridiction judiciaire n'entrent pas dans les dépens de l'instance si celle-ci se poursuit finalement devant le juge administratif. En revanche, dès lors que l'expertise en question a été utile à la solution du litige devant le juge administratif, les frais d'expertise sont susceptibles d'être pris en compte comme un préjudice à part entière. Toutefois en l'espèce, la SMABTP ne justifie ni de la réalité des frais dont elle dit s'être acquittée, ni de leur montant de 33 937, 90 euros. Dès lors, sa demande doit être rejetée.
S'agissant des conclusions d'appel incident de M. B... :
18. Dans le dernier état de ses écritures, M. B... demande que l'indemnité allouée au titre du coût de ses prestations de maîtrise d'œuvre soit fixée à la somme de 62 666,40 euros toutes taxes comprises (TTC). Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte du rapport d'expertise du 4 mai 2015, qui n'est pas utilement contredit sur ce point, que le coût des prestations de maîtrise d'œuvre relatives aux travaux de reprise du chantier réalisées par M. B... doit être évalué à hauteur de 52 222 euros hors taxes (HT). Il est constant que ces travaux ont été réalisés et ont abouti à la réception de l'ouvrage le 23 octobre 2016. Par ailleurs, une indemnité prononcée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle a pour seul objet de réparer le préjudice subi par le créancier du fait du débiteur et n'est pas la contrepartie d'une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée.
19. Par suite, il y a lieu de confirmer l'appréciation des préjudices de M. B... au titre de ses prestations de maîtrise d'œuvre pour les travaux de reprise à un montant de 52 222 euros HT. Compte tenu de l'évaluation de ses préjudices économiques venant en sus pour un montant de 16 787 euros, incluant la somme de 5 625 euros pour les plans et documents de travail qu'il a réalisés avant la reprise des travaux et compte tenu du rejet de sa demande de 5000 euros au titre du préjudice moral, non établi, il y a lieu de confirmer le montant total de 69 009 euros que la société ACME a été condamnée par le tribunal à verser à M. B....
Sur les conclusions d'appel provoqué de M. B... et de la société Pyrrhus Conceptions :
20. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que les situations de M. B... et de la société Pyrrhus Conception ne sont pas aggravées par l'issue de l'appel principal. Dès lors, leurs conclusions d'appel provoqué tendant, pour le premier, à la condamnation solidaire de la société ACME et de la société Pyrrhus Conceptions à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre et, pour la seconde, à ce que la société ACME la garantisse de toutes condamnations prononcées à son encontre, sont irrecevables.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la SMABTP, de la société Hubert Callec, de la société CMB et de la société Grave Randoux mandataire de la société EGBM doit être rejetée, ainsi que les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué de M. B... et de la société Pyrrhus Conceptions.
Sur les dépens :
22. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
23. Il ne résulte pas des dispositions citées au point précédent qu'il appartienne au juge de condamner une partie aux dépens exposés dans une autre instance. Dès lors, les conclusions de la SMABTP relatives aux dépens exposés devant la juridiction civile des référés, doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
24. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
25. La cour confirmant le rejet des conclusions des sociétés appelantes dirigées contre la société Pyrrhus Conceptions, elles ne sont pas fondées à contester leur condamnation, par les premiers juges, à verser à la société Pyrrhus Conceptions la somme de 1 500 euros au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées devant la cour au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, de la société Hubert Callec, de la société Constructions métalliques bosquelloises et de la société Grave Randoux, mandataire de la société EGBM, est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué de M. B... et de la société Pyrrhus Conceptions sont rejetées, ainsi que leurs conclusions au titre de l'article L. 761 - 1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, à la société Hubert Callec, à la société Constructions métalliques bosquelloises, à la société Grave Randoux mandataire de la société EGBM, à la société Heulin, à Me Christophe Ancel en qualité de liquidateur judiciaire de la société ACME, à la société Pyrrhus Conceptions et à M. B....
Copie en sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
Délibéré après l'audience publique du 13 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Anne Seulin, présidente,
M. Marc Baronnet, président-assesseur,
M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. C...La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : Anne-Sophie Villette
La République mande et ordonne au préfet de la région Hauts-de-France et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA00817