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22/06/2023 | FRANCE | N°22DA01982

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 22 juin 2023, 22DA01982


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 18 janvier 2021 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal ainsi que la décision du 19 mai 2021 ayant rejeté leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 2105706 du 28 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022, M. et Mme B..., représentés ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 18 janvier 2021 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal ainsi que la décision du 19 mai 2021 ayant rejeté leur recours gracieux contre cette délibération.

Par un jugement n° 2105706 du 28 juillet 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 septembre 2022, M. et Mme B..., représentés par la société d'avocats Edifices, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la délibération du 18 janvier 2021 et la décision du 19 mai 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et une erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 123-16 du code de l'environnement, dont les dispositions ont été méconnues par la délibération ;

- l'évaluation environnementale et le rapport de présentation sont insuffisamment précis ;

- l'hypothèse d'augmentation du nombre de logements justifiant le compte foncier est irréaliste ;

- le rapport de présentation ne comprend pas de résumé non technique ;

- le dossier soumis à enquête publique était peu lisible ;

- l'économie générale du plan local d'urbanisme a été modifiée après l'enquête publique ;

- la délibération attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle classe une partie de leur propriété en zone agricole ;

- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle classe une autre partie de leur propriété en zone UJ ;

- la zone UJ est illégale en ce qu'elle interdit toute constructibilité en zone urbaine ;

- la zone 1AU située en face de leur propriété est aussi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2023, la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut, représentée par Me Alain Vamour, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme B... de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,

- et les observations de Me Justine Roels représentant M. et Mme B..., et de E... représentant la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. M. et Mme B... sont propriétaires des parcelles A 3048 et 3051 sur le territoire de la commune de Rumegies. Par une délibération du 18 janvier 2021, le conseil de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut, comprenant la commune de Rumegies, a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal. M. et Mme B... ont demandé, par courrier du 19 mars 2021, le retrait de cette délibération. Ce recours gracieux a été rejeté par décision du 19 mai 2021. M. et Mme B... ont alors saisi le tribunal administratif de Lille qui a rejeté leur demande d'annulation de la délibération du 18 janvier 2021 et de la décision du 19 mai 2021. Ils relèvent appel de ce jugement du 28 juillet 2022.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-16 du code de l'environnement :

2. Aux termes du troisième et dernier alinéa de cet article : " Tout projet d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale ayant donné lieu à des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête doit faire l'objet d'une délibération motivée réitérant la demande d'autorisation ou de déclaration d'utilité publique de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement de coopération concerné. ".

3. Aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire. "

4. Les dispositions précitées du code de l'environnement n'imposent pas que l'examen des conclusions défavorables du commissaire enquêteur fasse l'objet d'une réunion distincte de celle au cours de laquelle le conseil municipal approuve la modification du plan local d'urbanisme ni d'une délibération matériellement distincte de la délibération approuvant le projet. Elles n'exigent pas non plus que l'organe délibérant débatte spécifiquement des conclusions du commissaire enquêteur, mais lui imposent seulement de délibérer sur le projet en ayant eu connaissance du sens et du contenu des conclusions du commissaire enquêteur.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la convocation pour la séance du 18 janvier 2021 indiquait que la commission d'enquête avait rendu un avis favorable sur le plan local d'urbanisme arrêté, que cet avis comportait des réserves et que l'une de ces réserves n'avait pas été levée. Elle précisait la nature de cette réserve et le motif justifiant de ne pas la lever. Les conseillers communautaires étaient donc parfaitement informés de la réserve qui n'avait pas été levée lorsqu'ils se sont prononcés sur le plan local d'urbanisme intercommunal.

6. D'autre part, la délibération du 18 janvier 2021 rappelle que l'avis de la commission d'enquête est favorable avec réserves et, comportant quatre pages de visas et de motifs, elle est particulièrement motivée même si elle ne précise pas qu'une réserve n'a pas été levée. Le conseil communautaire a donc délibéré sur le projet de plan local d'urbanisme intercommunal en ayant eu connaissance du sens et du contenu des conclusions de la commission d'enquête.

7. Dans ces conditions, en admettant même que l'adoption d'un plan local d'urbanisme entre dans le champ d'application de l'obligation procédurale prévue à l'article L. 123-16 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 et alors au surplus que la réserve non levée était d'une portée limitée au regard du territoire et des objectifs du plan local d'urbanisme intercommunal et ne concernait d'ailleurs pas les parcelles de M. et Mme B..., le moyen tiré de la violation de cet article L. 123-16, qui a trait au bien-fondé du jugement et non comme le soutiennent les appelants à sa régularité, doit en tout état de cause être écarté.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'évaluation environnementale et du rapport de présentation :

8. Aux termes de l'article L. 104-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation des documents d'urbanisme mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 : 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l'environnement ; 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu ". Aux termes de l'article L. 104-5 du même code : " Le rapport de présentation contient les informations qui peuvent être raisonnablement exigées, compte tenu (...) le cas échéant, de l'existence d'autres documents ou plans relatifs à tout ou partie de la même zone géographique (...) ".

9. En premier lieu, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme intercommunal retient deux hypothèses de besoins en logements, l'une fondée sur le maintien de la population à son niveau de 2014 et l'autre reprenant le scénario de croissance démographique du schéma de cohérence territoriale du Valenciennois.

10. En deuxième lieu, cette hypothèse tient compte des logements vacants, dont le rapport de présentation a fait l'analyse en démontrant qu'ils sont principalement concentrés dans trois communes. Le rapport analyse aussi la consommation foncière sur la période de 2005 à 2015 pour chacun des territoires composant la communauté d'agglomération en indiquant que la consommation retenue par le plan respecte les objectifs de consommation fixés par le schéma de cohérence territoriale et retient même une consommation légèrement inférieure. Ce rapport n'avait pas à reprendre la justification développée dans le schéma. Le rapport évalue aussi de manière détaillée le foncier disponible, commune par commune.

11. En troisième lieu, si la mission régionale d'autorité environnementale a regretté, dans son avis du 10 septembre 2019, que le rapport de présentation ait repris la densité de logements à l'hectare et la répartition entre renouvellement urbain et extension d'urbanisation retenus par le schéma de cohérence territoriale sans présenter de scénario alternatif permettant de réduire la consommation d'espace, il résulte de l'article L. 104-5 du code de l'urbanisme que le rapport de présentation pouvait se référer à ces éléments sans proposer un tel scénario.

12. En quatrième lieu, il ressort des parties V, VI, VII et VIII du rapport de présentation que ce document expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu.

13. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le rapport de présentation comporte un résumé non technique. Ce résumé, qui compte douze pages, présente de manière suffisamment compréhensible les enjeux du territoire, l'incidence du plan sur l'environnement et sur certaines zones, notamment les zones Natura 2000, et l'articulation avec les autres plans et programmes applicables sur le territoire. Ce résumé non technique n'apparaît ainsi ni incomplet, ni insuffisant.

14. Dans ces conditions, alors au surplus que l'illégalité invoquée est sans lien avec le classement contesté par les appelants, le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation doit être écarté.

Sur le dossier soumis à enquête publique :

15. En premier lieu, si les appelants soutiennent que le dossier soumis à enquête était peu lisible, la commission d'enquête a reconnu que le dossier ne pouvait qu'être complexe et volumineux et que la communauté d'agglomération s'était attachée à faciliter son accessibilité en mettant à disposition, dans chacune des 46 communes du territoire, un registre papier et un poste informatique permettant d'accéder au dossier.

16. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, le rapport de présentation, contrairement à ce que soutiennent les appelants, justifie des chiffres retenus pour la production de logements, comprend une analyse des logements vacants et comprend aussi des objectifs chiffrés de consommation d'espace, légèrement inférieurs à ceux retenus par le schéma de cohérence territoriale.

17. En troisième lieu, le dossier soumis à enquête comporte les avis des personnes publiques associées exprimant des critiques des choix retenus et de leurs justifications.

18. Dans ces conditions, l'insuffisance du dossier soumis à enquête publique n'est pas démontrée. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que des inexactitudes, omissions ou insuffisances du dossier aient pu nuire à l'information complète de la population ou exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

Sur la modification du plan local d'urbanisme après enquête publique :

19. Aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / 1° L'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à la majorité des suffrages exprimés après que les avis qui ont été joints au dossier, les observations du public et le rapport du commissaire ou de la commission d'enquête aient été présentés lors d'une conférence intercommunale rassemblant les maires des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale ; (...) ".

20. Le projet de plan local d'urbanisme ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

21. Il ressort des pièces du dossier que le projet soumis à approbation a notamment pris en compte l'avis émis le 10 septembre 2019 par la mission régionale de l'autorité environnementale pour retenir un objectif de consommation foncière inférieure à celui retenu par le schéma de cohérence territoriale du Valenciennois.

22. Si les appelants n'établissent pas que le plan approuvé réduit la consommation foncière de 167,54 hectares par rapport au projet arrêté, il ressort des pièces du dossier que ce plan retient une consommation foncière de 237 hectares pour le développement urbain mixte et de 155,46 hectares pour le développement économique alors que les objectifs du schéma de cohérence territoriale étaient respectivement de 260 hectares et de 166 hectares.

23. Toutefois, d'une part, cette réduction suit les préconisations émises par la mission régionale de l'autorité environnementale et doit donc être regardée comme procédant de l'enquête. D'autre part, elle représente 0,46 % seulement du territoire de la communauté d'agglomération et 0,6 % des espaces naturels et agricoles. Enfin elle est cohérente avec le projet d'aménagement et de développement durables. Elle ne remet donc pas en cause l'économie générale du projet.

Sur l'évaluation des besoins en logements :

24. En exposant que l'objectif de production de 11 100 logements à l'horizon 2030 justifiant le compte foncier est manifestement irréaliste et que le plan local d'urbanisme intercommunal est donc entaché d'une " erreur manifeste d'appréciation quant au compte foncier ", les appelants doivent être regardés comme soutenant non seulement que le plan local d'urbanisme intercommunal est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans son parti d'aménagement global mais aussi qu'il est incompatible tant avec le schéma de cohérence territoriale qu'avec le programme local de l'habitat.

25. Pour apprécier le rapport de compatibilité entre un plan local d'urbanisme et un autre document de programmation avec lequel il doit être compatible, tel qu'un schéma de cohérence territoriale ou un programme local de l'habitat, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert et en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose celui-ci, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

En ce qui concerne le schéma de cohérence territoriale :

26. En premier lieu, le rapport de présentation reprend la croissance démographique retenue par le schéma de cohérence territoriale. Cette croissance de 0,17 % par an demeure inférieure à celle de 0,24 % par an constatée sur la période 2007-2012. Elle a été justifiée par le choix de la communauté d'agglomération de mettre au centre de son projet d'aménagement et de développement durables la restauration de son attractivité reposant sur un développement économique.

27. En deuxième lieu, pour justifier l'objectif de production de 11 000 logements par an, le rapport de présentation prend aussi en compte un objectif de desserrement des ménages en diminuant le nombre de personnes par foyer de 2,5 personnes aujourd'hui à 2,25 à l'horizon 2030. Cet objectif justifie à lui seul un besoin de 8 380 logements. Le rapport envisage également la remise sur le marché de 861 logements vacants sur la période, cette réduction de la vacance constituant d'ailleurs un objectif du schéma de cohérence territoriale.

28. Ces deux éléments, dont les estimations ont été précisées dans le cadre de l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal et à l'encontre desquelles les appelants n'ont apporté aucun élément précis de nature à remettre en cause les hypothèses de la communauté d'agglomération, expliquent la différence dans l'évaluation du besoin de logements par le schéma de cohérence territoriale, soit 700 logements par an, et par le plan local d'urbanisme intercommunal, soit 790 logements par an.

En ce qui concerne le programme local de l'habitat :

29. Si l'objectif de production de logements ainsi retenu par le plan local d'urbanisme intercommunal est également supérieur à celui retenu par le programme local de l'habitat, soit 620 logements par an, les deux documents n'ont pas le même horizon temporel, puisque le programme local porte sur la seule période 2017 à 2022 alors que le plan local d'urbanisme intercommunal concerne les années 2014 à 2030.

30. Dans ces conditions, le compte foncier faisant apparaître une production de 11 000 logements à l'horizon 2030 n'apparaît ni entaché d'erreur manifeste d'appréciation, ni incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale ou avec celles du programme local de l'habitat.

Sur le classement d'une partie de la parcelle 3048 en zone agricole :

31. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme relatif à l'affectation des sols dans les plans locaux d'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. (...) ". Aux termes de l'article R. 151 22 du même code : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ".

32. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts. Il résulte des dispositions citées au point précédent qu'une zone agricole a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

33. En premier lieu, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal entend maîtriser la consommation d'espaces naturels et agricoles. A ce titre, il vise notamment à préserver les espaces agricoles et à lutter contre l'étalement urbain " en privilégiant des formes urbaines plus intenses et compactes ". S'il a parallèlement pour objectif d'accroître l'attractivité en privilégiant le développement économique et d'augmenter l'offre de logements, il privilégie pour ce faire " l'optimisation du foncier dans l'enveloppe urbaine ".

34. En deuxième lieu, la partie de la parcelle A 3048 classée en zone agricole est contiguë sur trois de ses côtés avec des parcelles agricoles de grande culture. Si, au nord, elle jouxte une parcelle bâtie, celle-ci, comme l'ensemble des terrains qui entourent la partie de la parcelle en cause, est classée par le plan local d'urbanisme intercommunal en zone agricole. Par ailleurs, cette partie de la parcelle, à la différence de celle située à l'ouest qui se trouve en front à rue, se situe hors de l'enveloppe urbaine, étant vierge de toutes constructions et les terrains contigus ne comprenant pas d'habitation. Elle ne constitue donc pas une dent creuse située entre deux habitations. Le principe de valorisation du foncier disponible, retenu par le projet d'aménagement et de développement durables, ne s'applique donc pas à cette partie de la propriété des appelants.

35. En classant en zone agricole une partie de la parcelle A 3048, qui était d'ailleurs déjà classée en zone agricole dans la carte communale de Rumegies, la communauté d'agglomération a ainsi limité l'étalement urbain et préservé les espaces agricoles. Elle n'a donc commis aucune erreur manifeste d'appréciation même si cette parcelle est desservie par les réseaux et n'a pas de potentiel agronomique, ce qui n'est d'ailleurs pas établi.

Sur le classement en zone UJ :

36. En premier lieu, il appartient à l'autorité locale de définir les partis d'urbanisme que traduit le plan local d'urbanisme dans le respect des dispositions du code de l'urbanisme. Dès lors, la légalité des prescriptions d'un plan local d'urbanisme ayant pour effet d'interdire dans une zone U la plupart des constructions nouvelles s'apprécie au regard du parti d'urbanisme retenu, défini notamment par les orientations générales et par les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables.

37. Le rapport de présentation définit ainsi la zone UJ du plan local d'urbanisme intercommunal de la Porte du Hainaut : " La zone UJ concerne essentiellement les communes rurales, qui ont développé des linéaires importants de maisons individuelles le long des axes routiers. Or, au regard des orientations du PADD concernant notamment la lutte contre l'étalement urbain, le renforcement des cœurs de bourgs, la valorisation d'un urbanisme de projet ainsi que l'impact en termes de dimensionnement des réseaux, les acteurs du territoire ont souhaité limiter la constructibilité de ces fonds de parcelles. La définition d'une zone UJ a pour objectif de prendre en considération l'existence d'espaces qui en raison de leur usage ne sont ni naturels, ni agricoles ; il s'agit des espaces semi-naturels en fonds de parcelles constitués par les jardins d'agréments, parcs, jardins potagers. Sont intégrés dans ce zonage les jardins familiaux. Le classement UJ préserve ces espaces semi-naturels qui par ailleurs ont notamment un rôle dans la gestion des interfaces avec les espaces naturels et surtout agricoles, la mise en valeur de l'armature verte et bleue, des paysages. (...) Les limites de la zone UJ découlent de la définition des limites de la zone " U " (constructible). La zone " U " est délimitée sur une profondeur moyenne d'environ 50 mètres, mesurée depuis l'emprise de la voie ou de l'espace publics. A la parcelle, cette profondeur est variable pour tenir compte : • De la configuration de l'urbanisation existante sur le secteur ; • Des constructions existantes : ex. La construction est implantée à 60 mètres de l'emprise de la voie, la limite de la zone " U " est tracée pour intégrer l'ensemble de la construction en " U " ; • De l'implantation d'une construction en cours de réalisation ; • D'un projet de construction ou d'aménagement urbain faisant l'objet d'une autorisation d'urbanisme accordée à l'appui du document d'urbanisme communal ; • De la limite parcellaire cadastrale: ex. n°1. Si la parcelle à une profondeur de 40 mètres, le PLUi classe en " U " l'ensemble de la parcelle ; ex. n° 2. Si la parcelle à une profondeur de 55 mètres, le PLUi classe en " U " l'ensemble de la parcelle (et non 50 mètres en " U " et un reliquat de 5 mètres en " UJ "). • De l'occupation effective : ex. une partie de la parcelle à un usage agricole (cultures ou pâtures) ; cette partie peut être classée en A. ".

38. Le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal comprend un axe intitulé " Préserver et mettre en valeur les patrimoines naturels et culturels " socle physique et identitaire " du cadre de vie ". A ce titre, il retient des objectifs d'une part de développement de la trame verte autour et au cœur des villes et des villages, notamment en soignant les interfaces entre les espaces naturels/agricoles et les espaces urbains, et d'autre part de maîtrise de la consommation d'espaces naturels et agricoles.

39. Compte tenu du parti d'urbanisme ainsi retenu, le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal pouvait prévoir de limiter strictement la constructibilité dans la zone UJ, ayant une vocation d'espace tampon entre les constructions et les espaces naturels, aux seuls abris de jardins ou d'animaux et aux serres familiales d'une hauteur maximale au faîtage de 3 mètres et d'une emprise maximale de 20 m² au sol. Une telle limitation était le seul moyen d'atteindre l'objectif d'interdire les constructions de second rang et ainsi de limiter l'étalement urbain. Le moyen tiré de ce que le règlement ne pouvait pas limiter les constructions en zone urbaine doit donc être écarté.

40. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la commune de Rumegies a développé son urbanisation de manière linéaire le long des axes routiers, notamment le long de la rue Eugène Millecamps constituant la route départementale 955. Le classement de la parcelle A n°3051 et d'une petite partie de la parcelle A n° 3048 en zone UJ a été fixé en cohérence avec la délimitation de la zone U qui est déterminée pour sa profondeur par les habitations existantes notamment au sud. En particulier, les parties classées en zone UJ sont vierges de toutes constructions et ne sont pas contiguës à des parties bâties.

41. Dans ces conditions et compte tenu du parti pris d'urbanisme retenu par le projet d'aménagement et de développement durables, le classement de ces parcelles en zone UJ n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation même si elles sont desservies par les réseaux.

Sur la création d'une zone 1 AU :

42. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou à un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

43. En premier lieu, le projet de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal de la Porte du Hainaut vise prioritairement, ainsi qu'il a été dit, à restaurer l'attractivité du territoire en favorisant le développement économique. Il repose donc sur une hypothèse de croissance démographique qui nécessite le développement de l'offre de logements. S'il entend préserver les espaces naturels et agricoles, il cherche à limiter l'étalement urbain " en privilégiant les formes urbaines intenses et compactes ".

44. En deuxième lieu, la zone AU1 contestée par les appelants se situe, à proximité de la mairie, des écoles et de l'église, au cœur du bourg de Rumegies, classé en zone UA par le plan, et en continuité avec ce centre. Elle était auparavant pour l'essentiel classée en zone constructible de la carte communale de Rumegies. Elle assure la liaison entre le centre et des équipements sportifs excentrés ainsi qu'avec une zone naturelle identifiée par le projet pour accueillir des équipements sportifs et socio-éducatifs et avec une zone naturelle à vocation touristique où se trouve un camping. La communauté d'agglomération fait valoir, sans être contredite, que la zone AU 1 pourra être aisément être raccordée aux réseaux par deux pointes la reliant aux voiries du centre et aujourd'hui occupées par des parcelles non bâties.

45. En troisième lieu, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité d'un classement par rapport à un autre, dès lors que ce classement n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Or il résulte de ce qui précède que la localisation de cette zone AU 1 n'est pas entachée d'une telle erreur. Par suite, le moyen tiré de ce que la zone identifiée par les appelants, située au nord du bourg, serait plus appropriée pour accueillir l'urbanisation future doit être écarté, alors au surplus que cette zone est plus éloignée des équipements urbains et de la zone naturelle de loisir mentionnés au point 44.

46. Dans ces conditions, la création de la zone AU 1 contestée par les appelants ne révèle pas une incohérence entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables et n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

47. Pour les mêmes motifs, la création de cette zone AU 1 n'apparaît pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des objectifs d'équilibre entre le développement urbain et la préservation des espaces agricoles fixés par l'article L. 121-1 devenu l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

48. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 18 janvier 2021 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut et de la décision du 19 mai 2021 ayant rejeté leur recours gracieux.

Sur les frais liés à l'instance :

49. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, au titre des frais exposés par M. et Mme B... et non compris dans les dépens.

50. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. et Mme B... le versement de la somme réclamée par la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et D... B... et à la communauté d'agglomération de la Porte du Hainaut.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 8 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- M. Denis Perrin, premier conseiller,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé : D. Perrin

Le président de la 1ère chambre,

Signé : M. C...

La greffière

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 22DA01982 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01982
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Eustache
Avocat(s) : EDIFICES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-22;22da01982 ?
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