Vu la procédure suivante :
I - Par une requête enregistrée le 15 février 2022 sous le numéro 22DA00353, la société du parc éolien de Mesbrecourt-Richecourt, représentée par Me Hélène Gélas, demande à la cour :
1°) d'annuler la décision implicite, née le 26 décembre 2021, par laquelle le préfet de l'Aisne a refusé de lui délivrer l'autorisation environnementale de créer et exploiter un parc de trois éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Mesbrecourt-Richecourt ;
2°) de délivrer cette autorisation ou sinon d'enjoindre au préfet de la délivrer ou de reprendre l'instruction de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elle soutient que l'arrêté est entaché de défaut de motivation et que le projet ne porte pas atteinte aux intérêts protégés au titre de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
Par une ordonnance du 15 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a déposé un mémoire le 5 juin 2023 après la clôture de l'instruction.
II - Par une requête et un mémoire enregistrés les 30 septembre 2022 et 26 avril 2023 sous le numéro 22DA02015, la société du parc éolien de Mesbrecourt-Richecourt et la commune de Mesbrecourt-Richecourt, représentées par Me Hélène Gélas, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de l'Aisne a refusé de délivrer l'autorisation environnementale de créer et exploiter un parc de trois éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Mesbrecourt-Richecourt ;
2°) de délivrer cette autorisation en l'assortissant en tant que de besoin des prescriptions nécessaires à la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ou sinon d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de délivrer cette autorisation en fixant les prescriptions techniques ou de reprendre l'instruction de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Elles soutiennent que la commune a intérêt à agir, que l'arrêté est entaché d'incompétence et d'insuffisance de motivation et que le projet ne porte pas atteinte à la biodiversité.
Par un mémoire enregistré le 7 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au même jour en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- les observations de Me Eléonore Kerjean-Gauducheau, représentant société du parc éolien de Mesbrecourt-Richecourt et la commune de Mesbrecourt-Richecourt.
Une note en délibéré présentée par le parc éolien de Mesbrecourt Richecourt et la commune de Mesbrecourt-Richecourt a été enregistrée le 14 juin 2023 dans les deux dossiers.
Considérant ce qui suit :
1. Il y a lieu de joindre les requêtes visées ci-dessus pour y statuer par une seule décision.
Sur l'objet du litige :
2. La société du parc éolien de Mesbrecourt-Richecourt a demandé l'autorisation de créer et exploiter un parc de trois éoliennes et deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Mesbrecourt-Richecourt. Dans l'instance n° 22DA00353, elle demande à la cour d'annuler la décision implicite de rejet de cette demande. Dans l'instance n° 22DA02015, elle demande à la cour d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de l'Aisne a rejeté sa demande.
3. Si le silence gardé par l'administration sur une demande fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement, qu'elle fasse suite ou non à une demande de communication des motifs de la décision implicite présentée en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, se substitue à la première décision. Il en résulte que des conclusions à fin d'annulation de cette première décision doivent être regardées comme dirigées contre la seconde.
4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la société du parc éolien de Mesbrecourt-Richecourt et de la commune de Mesbrecourt-Richecourt doivent être regardées comme dirigées seulement contre l'arrêté du préfet de l'Aisne du 1er août 2022.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'arrêté :
5. L'auteur de l'arrêté attaqué, secrétaire général de la préfecture, bénéficiait d'une délégation de signature sur le fondement de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 et d'un arrêté du 6 mai 2022 signé par le préfet et régulièrement publié.
En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :
6. Conformément à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté du 1er août 2022, qui compte sept pages, énonce les motifs de droit et de fait qui le fondent.
En ce qui concerne l'impact du projet sur la biodiversité :
7. Aux termes du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles (...) L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées (...) par toute personne (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages (...) ".
S'agissant de l'impact du projet sur le milan royal :
8. D'une part, l'inventaire réalisé dans l'aire d'étude immédiate du projet retenue dans le volet écologique de l'étude d'impact a conduit à identifier un enjeu " moyen " de collision pour le milan royal, espèce à faible réactivité parmi les plus affectées par les éoliennes, dont onze individus ont été observés à moins de 200 mètres en bout de pales des éoliennes E1 et E2. Le projet est orienté perpendiculairement à l'axe de migration observé sur le site avec le risque d'un effet barrière de plus de 900 mètres même si les machines sont éloignées entre elles d'au moins 200 mètres. La mission régionale d'autorité environnementale a préconisé en conséquence d'éloigner le parc des secteurs à enjeu pour les oiseaux et l'impossibilité d'un tel déplacement, alors que le parc éolien existant le plus proche se situe à 1,7 kilomètre de la zone d'implantation du projet, ne résulte ni de la localisation des projets éoliens et des lignes haute tension à traiter au titre des impacts cumulés ni de la réponse du porteur du projet.
9. D'autre part, si le porteur du projet a prévu un dispositif automatisé et humain de détection de l'avifaune diurne et d'arrêt des éoliennes en cas d'approche d'un rapace, il ne résulte pas de l'instruction que la mesure d'évitement et de réduction ainsi proposée présente des garanties d'effectivité telles qu'elle permette de diminuer le risque pour l'espèce en cause au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé.
10. Dans ces conditions, le préfet de l'Aisne, en refusant d'autoriser le projet au motif qu'il était susceptible de porter atteinte à la protection du milan royal, n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
S'agissant de l'impact du projet sur le restant de l'avifaune et sur les chiroptères :
11. Si la société du parc éolien de Mesbrecourt-Richecourt et la commune de Mesbrecourt-Richecourt contestent le bien-fondé des autres motifs invoqués par l'arrêté attaqué et la défense du ministre, tirés de ce que le projet porte atteinte à la protection d'autres espèces d'oiseaux et aux chiroptères, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que le motif tiré de l'atteinte à la protection du milan royal.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société du parc éolien de Mesbrecourt-Richecourt et la commune de Mesbrecourt-Richecourt ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aisne du 1er août 2022.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
14. La demande présentée par les requérantes, parties perdantes, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes de la société du parc éolien de Mesbrecourt-Richecourt et de la commune de Mesbrecourt-Richecourt sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société du parc éolien de Mesbrecourt-Richecourt et à la commune de Mesbrecourt-Richecourt, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Une copie en sera transmise au préfet de l'Aisne.
Délibéré après l'audience publique du 8 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. Denis Perrin, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 juin 2023.
L'assesseur le plus ancien,
Signé : D. Perrin Le président-rapporteur,
Signé : M. A...
Le greffier,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N° 22DA00353, 22DA02015 2