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20/06/2023 | FRANCE | N°22DA01031

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 20 juin 2023, 22DA01031


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE) à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement et de mettre à la charge de l'EPIDE la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001610 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'EPIDE à verser à M. A... la somme de 1 000 euros, reje

té le surplus des conclusions de la requête et rejeté les conclusions présentée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE) à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement et de mettre à la charge de l'EPIDE la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2001610 du 15 mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'EPIDE à verser à M. A... la somme de 1 000 euros, rejeté le surplus des conclusions de la requête et rejeté les conclusions présentées par EPIDE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 mai et le 10 novembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Joly, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 1 000 euros la condamnation de l'EPIDE ;

2°) de condamner l'EPIDE à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices résultant de son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'EPIDE la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- aucune faute de nature à justifier l'infliction d'une sanction disciplinaire ne pouvait lui être reprochée ;

- en tout état de cause, son comportement ne pouvait, dans les circonstances particulières de l'espèce, justifier la sanction du licenciement ;

- en prononçant son licenciement, l'établissement a commis une faute ayant entraîné des préjudices justifiant le versement d'une indemnité forfaitaire ;

- le raisonnement du tribunal administratif est erroné en droit car il lui dénie l'existence de tout préjudice matériel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2022, l'EPIDE, représenté par Me Lafay, conclut :

1°) au titre de l'appel incident à l'annulation du jugement ;

2°) au rejet de la demande de M. A...;

3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce en estimant que le licenciement était disproportionné au regard de la gravité de la faute commise ;

- le licenciement étant fondé, l'établissement n'a commis aucune faute qui ouvrirait droit à indemnisation.

Par ordonnance du 10 novembre 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 29 novembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- les conclusions de M. Malfoy, rapporteur public,

- et les observations de Me Joly, représentant M. B... A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été recruté, à compter du 12 juin 2006, par l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE) pour exercer des fonctions de chef de section, puis de référent de section au (ANO)centre de Val-de-Reuil(ANO), par des contrats à durée déterminée successifs. Son dernier contrat a été renouvelé le 12 juin 2012 pour une durée indéterminée. Il a fait l'objet, le 9 juillet 2018, d'une mesure de licenciement disciplinaire. M. A... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'EPIDE à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices résultant de ce licenciement. Il relève appel du jugement du 15 mars 2022 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a limité à la somme de 1 000 euros la condamnation de l'EPIDE. Ce dernier demande, par la voie de l'appel incident, l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande de M. A....

Sur la responsabilité de l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi :

2. Aux termes de l'article 43-1 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent non titulaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal ". L'article 8 du règlement intérieur applicable aux agents de l'EPIDE dispose que : " Les agents doivent respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de comportement en collectivité et agir en toutes circonstances avec politesse, calme et modération. / Tout comportement agressif, incivilité, rixe, injure, insulte est interdit (...) Les agents ont l'obligation de se cantonner à des rapports strictement professionnels avec les volontaires. Ils doivent notamment maintenir une juste distance relationnelle qui garantit la qualité de l'accompagnement (...) ".

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'enquête établi par le directeur du centre de Val-de-Reuil que le 26 mars 2018 " M. A... a violenté un volontaire en prenant celui-ci par le cou puis en le projetant et l'immobilisant contre le sol ". Ces faits sont confirmés par une formatrice qui indique que M. A... a saisi le volontaire par le cou puis l'a immobilisé au sol et un conseiller Education Citoyenneté qui relève que M. A... a réagi à des propos inconvenants du volontaire en faisant une contention au jeune homme et en le couchant au sol pour l'immobiliser. Par une décision du 9 juillet 2018, l'EPIDE a prononcé le licenciement pour faute de M. A..., à compter du 16 juillet suivant, au motif qu'il avait " manqué à ses obligations professionnelles par un comportement agressif en se rendant coupable de violence physique lors d'une altercation avec un volontaire ". M. A... affirme qu'il a été contraint de ceinturer ce volontaire avec ses bras, les intéressés s'étant, de ce fait, retrouvés au sol, afin de protéger son intégrité physique qu'il pensait menacée dans un contexte de propos virulents proférés par ce volontaire. L'établissement public fait toutefois valoir que l'accompagnement au quotidien des volontaires nécessite de la part des agents une attitude exemplaire et distanciée permettant ainsi aux volontaires de voir en eux des modèles d'adultes et que si M A... s'était senti en difficulté face au conflit verbal, il aurait dû demander à un autre agent de prendre le relais.

4. L'EPIDE est fondé à soutenir que M. A... a eu une attitude violente contraire aux objectifs poursuivis par l'établissement public et que son comportement est fautif. Toutefois, M. A... exerçait, depuis 2006, ses fonctions sans que sa manière de servir n'ait fait l'objet d'observations particulières hormis une sanction d'avertissement pour absences injustifiées et ses évaluations professionnelles estimaient satisfaisantes tant ses qualités professionnelles que relationnelles. Aussi, l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi n'est pas fondé à soutenir que le tribunal a commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce en estimant que le licenciement pour faute grave de M. A... était disproportionné au regard à la gravité de la faute commise par l'intéressé. Par suite, cette illégalité est de nature à engager la responsabilité de l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi.

Sur les conclusions indemnitaires de M. A...:

5. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.

6. Il appartient au juge du plein contentieux de la responsabilité, dès lors que M. A... n'a pas demandé l'annulation de sa mesure d'éviction, d'évaluer le montant de l'indemnité due au titre des pertes de rémunération conformément aux principes énoncés au point 5. Compte tenu des circonstances de l'espèce, notamment des fautes respectives des parties et d'une ancienneté de douze ans dans les fonctions, il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel subi par l'intéressé en évaluant sa réparation à la somme de 14 000 euros. S'agissant de la réparation du préjudice moral et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité supérieure à celle de 1 000 euros accordés par les premiers juges.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander que la somme de 1 000 euros qui lui a été allouée par le tribunal administratif de Rouen, par le jugement attaqué soit portée à la somme de 15 000 euros.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A... le versement, à l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi, d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 1 000 euros mise à la charge de l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi, par l'article 1er du jugement attaqué, est portée à 15 000 euros.

Article 2 : L'établissement public pour l'insertion dans l'emploi versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 2001610 du 15 mars 2022 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à l'établissement public pour l'insertion dans l'emploi.

Délibéré après l'audience publique du 6 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : A-S Villette

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière

Anne-Sophie Villette

2

N° 22DA01031


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01031
Date de la décision : 20/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Malfoy
Avocat(s) : LAFAY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-20;22da01031 ?
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