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13/06/2023 | FRANCE | N°22DA02163

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 13 juin 2023, 22DA02163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2201350 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

21 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Sohil Boudjellal, demande à la cour :

1°) à titr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2201350 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Sohil Boudjellal, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement et de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Rouen ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 du préfet de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas répondu aux moyens dirigés contre le refus du préfet de lui accorder un délai de départ volontaire supplémentaire ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux dès lors que le préfet n'a pas examiné sa demande de titre de séjour au titre du travail et de l'admission exceptionnelle au séjour ;

- il méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2023, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A..., ressortissant algérien, né le 20 novembre 1996, est entré en France le 5 janvier 2021. Il relève appel du jugement du 11 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a demandé au préfet de la Seine-Maritime dans son courrier du 11 février 2022 adressé en recommandé avec accusé de réception, de lui accorder un délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire français, en même temps qu'il complétait le fondement de sa demande en se prévalant de l'article 7 b de l'accord franco-algérien, en plus de l'article 6-2 du même accord. Dans sa demande de première instance, M. A... a soulevé le moyen tiré du défaut de motivation et de l'erreur de droit à l'encontre du refus du préfet de lui accorder un délai supérieur à trente jours. Or, il ressort du jugement attaqué du 11 octobre 2022 que les premiers juges ont omis de se prononcer sur les moyens dirigés spécifiquement contre le refus d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Dès lors, ce jugement est irrégulier.

3. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'il y a lieu d'annuler pour irrégularité le jugement du 11 octobre 2022 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il n'a pas statué sur les moyens dirigés contre la décision du préfet de la Seine-Maritime refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de cette décision et d'examiner par l'effet dévolutif de l'appel les autres moyens dirigés contre les autres décisions contenues dans l'arrêté préfectoral du 15 mars 2022.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du préfet de la Seine-Maritime refusant d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

4. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas ".

5. Dans l'arrêté attaqué du 15 mars 2022, le préfet de la Seine-Maritime, après avoir visé les dispositions dont il faisait application, a motivé son refus d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours en énonçant que sa situation personnelle ne justifiait pas qu'à titre exceptionnel, un délai supérieur lui soit accordé. Les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen préalable de sa situation doivent donc écartés.

6. Par ailleurs, si M. A... a invoqué la pandémie de la Covid 19 pour justifier que lui soit accordé un délai de départ volontaire supérieur au délai de droit commun de trente jours au motif que les frontières entre la France et l'Algérie étaient fermées, le préfet soutient, sans être sérieusement contredit, qu'à la date du 20 mars 2022, les passagers pouvaient circuler entre les deux pays au moyen ou bien d'un certificat de vaccination, ou bien d'un test PCR négatif. Le préfet de la Seine-Maritime n'a donc pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

Sur les autres décisions contenues dans l'arrêté préfectoral du 15 mars 2022 :

7. Il ressort des termes de l'arrêté préfectoral du 15 mars 2022 que le préfet de la Seine-Maritime énonce les considérations de droit et de fait sur lesquels il fonde ses décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté à l'encontre de ces deux décisions.

8. Il ressort également des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Seine-Maritime a examiné la demande de M. A... sur le fondement indiqué le 12 décembre 2021 de " conjoint de français " relevant de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien susvisé, mais aussi sur le fondement de l'article 7 b de cet accord visé dans le courrier du 11 février 2022 relatif à la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de salarié. Nulle part dans sa demande initiale puis dans son courrier du 11 février 2022, M. A... n'a demandé son admission exceptionnelle au séjour dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de régularisation dont dispose le préfet, ni n'a invoqué l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, alors que le préfet n'est pas tenu d'examiner la demande sur un autre fondement que celui indiqué. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux doit être écarté tant à l'encontre du refus de titre de séjour, qu'à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

9. Comme il vient d'être dit, M. A... n'a pas formé sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant.

10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement en France le 5 janvier 2021 pour y demander l'asile, qui lui a été refusé et qu'il s'est marié le 14 septembre suivant avec une ressortissante française. Ainsi à la date du 15 mars 2022 de l'arrêté attaqué, la durée de séjour en France de M. A... était récente ainsi que son mariage avec une ressortissante française, avec laquelle il ne justifie pas d'une ancienneté de vie commune. Si l'intéressé soutient que sa femme est sujette à des crises d'épilepsie, il n'est pas établi qu'elle ne pourrait trouver assistance auprès d'autres personnes, comme elle l'a fait jusqu'à son mariage. Par ailleurs, M. A... ne démontre pas être dépourvu de toute attache en Algérie, où vivent ses parents et son frère et où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, ni ne justifie une insertion particulière dans la société française. Dès lors, le préfet de la Seine-Maritime ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale en édictant les décisions attaquées. Le moyen tiré de la violation des stipulations précitées doit donc être écarté.

12. Enfin, compte tenu de la situation d'ensemble de M. A... précédemment exposée, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation aussi bien en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour, qu'en l'obligeant à quitter le territoire français.

13. Il résulte de tout ce que précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a omis de statuer sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, de rejeter la demande de M. A... tendant à l'annulation de cette décision et de rejeter le surplus des conclusions de la requête dirigée contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français contenus dans l'arrêté préfectoral du 15 mars 2022 ainsi que, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201350 du tribunal administratif de Rouen est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision refusant de lui accorder un délai de départ supérieur à trente jours sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 16 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- Mme Sylvie Stefanczyck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

Le président-assesseur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02163
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-06-13;22da02163 ?
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