Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2020 par lequel le sous-préfet de Douai lui a ordonné de se dessaisir définitivement des armes dont il était détenteur, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et a retiré la validation de son permis de chasser.
Par un jugement n° 2100196 du 22 juin 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2022, le préfet du Nord demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.
Il soutient que son arrêté n'était pas entaché d'un vice de procédure.
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. M. A... a déclaré l'acquisition d'une arme à la sous-préfecture de Douai. Par un arrêté du 19 novembre 2020, le préfet du Nord lui a ordonné de se dessaisir définitivement des armes dont il était détenteur, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et a retiré la validation de son permis de chasser. A la demande de M. A..., le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté. Le préfet du Nord fait appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 312-67 du code de la sécurité intérieure : " Le préfet ordonne (...) le dessaisissement de l'arme (...) lorsque : (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement (...) du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; cette enquête peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ; (...) ".
3. D'autre part, il résulte du I de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale que les personnels de police et de gendarmerie habilités selon les modalités prévues au I de l'article R. 40-28 peuvent consulter sans autorisation du ministère public les données personnelles, qui se rapportent à des procédures judiciaires closes ou en cours, figurant dans le traitement automatisé dénommé "traitement d'antécédents judiciaires" autorisé par l'article R. 40-23, dans le cadre des enquêtes prévues à l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure applicable à l'instruction des décisions administratives concernant l'utilisation de matériels dangereux.
4. Dès lors que l'article R. 312-67 du code de la sécurité intérieure prévoit que des traitements automatisés de données personnelles peuvent être consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration, dans le cadre de ses pouvoirs de police, sur la détention d'armes, la circonstance que l'agent ayant procédé à cette consultation n'aurait pas été, en application des dispositions du code de procédure pénale, individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin, si elle est susceptible de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision prise sur la détention d'armes.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a estimé que l'arrêté attaqué était entaché d'un vice de procédure du fait que l'agent ayant consulté le traitement d'antécédents judiciaires n'était pas habilité.
6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....
Sur les autres moyens invoqués par M. A... :
S'agissant de la compétence :
7. L'auteur de l'arrêté, sous-préfet de Douai, bénéficiait d'une délégation de signature sur le fondement de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 et d'un arrêté du 23 octobre 2020 signé par le préfet du Nord et publié au recueil des actes administratifs n° 274 du même jour.
S'agissant de la motivation :
8. Conformément à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, l'arrêté énonce les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement.
S'agissant du fondement de la décision attaquée :
9. Aux termes de l'article 47 de la loi du 6 janvier 1978 dans sa rédaction alors applicable : " Aucune décision de justice impliquant une appréciation sur le comportement d'une personne ne peut avoir pour fondement un traitement automatisé de données à caractère personnel destiné à évaluer certains aspects de la personnalité de cette personne. / Aucune décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ou l'affectant de manière significative ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données à caractère personnel (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord a pris sa décision en tenant compte non seulement des renseignements recueillis lors de la consultation de traitements automatisés de données personnelles mais aussi de l'avis défavorable émis par la compagnie de gendarmerie départementale de Lille et des observations présentées par le conseil de M. A... dans le cadre de la procédure contradictoire préalable. La décision attaquée n'a donc pas pour seul fondement un traitement automatisé de données personnelles et le moyen tiré de la violation de l'article 47 de la loi du 6 janvier 1978 doit par suite être écarté.
S'agissant de l'erreur d'appréciation :
11. Aux termes de l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure : " Sont interdites d'acquisition et de détention d'armes (...) 1° Les personnes dont le bulletin n°2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour (...) viol et agressions sexuelles (...) ". Aux termes de l'article L. 312-3-1 du même code : " L'autorité administrative peut interdire l'acquisition et la détention des armes (...) aux personnes dont le comportement laisse craindre une utilisation dangereuse (...) ". Aux termes de l'article L. 312-11 de ce code : " (...) le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme (...) de s'en dessaisir (...) ". Aux termes de l'article L. 312-13 du même code : " Il est interdit aux personnes ayant fait l'objet de la procédure prévue à la présente sous-section d'acquérir ou de détenir des armes (...) ".
12. D'une part, M. A..., né en 1955, a été condamné par le tribunal correctionnel de Douai à quatre ans de prison dont deux avec sursis pour avoir commis, de 2001 à 2009, des atteintes sexuelles avec violence, contrainte, menace ou surprise sur quatre mineures alors âgées de six ou sept ans.
13. D'autre part, M. A... est signalé au fichier du traitement d'antécédents judiciaires comme auteur d'un délit de fuite après un accident par conducteur de véhicule terrestre commis le 6 février 2020 et n'a fourni à l'instance aucune précision sur les circonstances de ce délit.
14. Dans ces conditions, même si la condamnation pénale a fait l'objet d'un aménagement de peine, même si l'affaire du délit de fuite a été classée sans suite, même si un médecin généraliste a attesté que l'intéressé " ne présente aucune pathologie contre-indiquant l'utilisation d'arme à feu " et sans qu'il soit besoin de tenir compte de la circonstance que M. A... a demandé à la fédération des chasseurs du Nord, en juillet 2021, la validation de son permis de chasser en déclarant sur l'honneur ne pas faire l'objet d'une interdiction, le préfet du Nord n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.
15. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
17. La demande présentée par M. A..., partie perdante, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 juin 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....
Copie en sera transmise, pour information, au préfet du Nord.
Délibéré après l'audience publique du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
Le président assesseur,
Signé : M. SauveplaneLe président rapporteur,
Signé : M. C...
Le greffier,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
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N° 22DA01825