Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société immobilière de Lomme Mont-à-camp a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la délibération du 12 décembre 2019 par laquelle le conseil de la métropole européenne de Lille a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal ainsi que la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux.
Par un jugement n° 2006672 du 28 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 avril 2022, et un mémoire, enregistré le 9 décembre 2022, la société immobilière de Lomme Mont-à-Camp, représentée par Me Dominique Guérin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la délibération du 12 décembre 2019 du conseil de la métropole européenne de Lille et la décision implicite ayant rejeté son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la métropole européenne de Lille la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le reste du terrain, non affecté par l'emplacement réservé, sera enclavé ;
- l'information donnée aux conseillers communautaires n'était pas suffisante ;
- il n'est pas établi que les conseillers communautaires aient accepté de recevoir l'information sur les questions inscrites à l'ordre du jour par voie dématérialisée ;
- la note de synthèse ne comprenait aucune information sur les emplacements réservés et en particulier sur l'emplacement réservé litigieux ;
- le plan local d'urbanisme ne fixe pas les caractéristiques précises de l'emplacement réservé litigieux ;
- le classement d'une partie de la parcelle BO 58 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 octobre 2022 et 1er mars 2023, la métropole européenne de Lille, représentée par Me Thibault Soleilhac, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que l'annulation de la délibération du 12 décembre 2019 soit limitée à la seule extension de l'emplacement réservé S2 sur la parcelle cadastrée n° BO 58 sur le territoire de la commune de La Madeleine et enfin à la mise à la charge de la société immobilière de Lomme Mont-à-Camp de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 20 avril 2023, la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des article R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Eloise Liénart, représentant la société immobilière de Lomme Mont-à-Camp, et de Me Marius Combe, représentant la métropole européenne de Lille.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société immobilière Lomme Mont-à-Camp est propriétaire d'une parcelle située rue Faidherbe à La Madeleine et cadastrée BO 58. Le plan local d'urbanisme intercommunal de la métropole européenne de Lille, approuvé par une délibération du 12 décembre 2019, a inscrit un emplacement réservé sur une partie de cette parcelle en vue de la réalisation d'une aire de stationnement. La société a formé un recours gracieux, le 10 février 2020, contre cette décision et, faute de réponse, a saisi le tribunal administratif de Lille de conclusions tendant à l'annulation de la délibération et du rejet implicite de son recours gracieux. Elle relève appel du jugement du 28 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Si la société immobilière Lomme Mont-à-Camp a indiqué dans sa demande de première instance, au soutien de son moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation, que la partie de sa propriété non affectée par l'emplacement réservé serait enclavée par celui-ci, le tribunal administratif y a répondu, contrairement à ce que soutient l'appelante, au point 8 du jugement contesté, en considérant que cet argument ne constituait pas une critique utile de l'objectif d'intérêt général poursuivi par la création de cet emplacement. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.
Sur la légalité de la délibération du 12 décembre 2019 :
En ce qui concerne le délai de convocation du conseil de la métropole :
3. Aux termes de l'article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relative au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / Pour l'application des dispositions des articles L. 2121-8, L. 2121-9, L. 2121-11, L. 2121-12, L. 2121-19 et L. 2121-22 et L2121-27-1, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. Ils sont soumis aux règles applicables aux communes de moins de 3 500 habitants dans le cas contraire ".
4. Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. En cas d'urgence, le délai peut être abrégé par le maire sans pouvoir être toutefois inférieur à un jour franc. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que les membres du conseil de la métropole européenne de Lille ont été convoqués le 6 décembre 2019 pour la séance du 12 décembre 2019. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire que la délibération du conseil devait comporter la mention de la date de convocation des conseillers. Le moyen tiré de la méconnaissance du délai de convocation doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'information des conseillers communautaires :
6. Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée ". Ces dispositions s'appliquent aux établissements publics de coopération intercommunale en application de l'article L. 5211-1 du même code.
7. Le défaut d'envoi, avec la convocation aux réunions du conseil municipal d'une commune de 3 500 habitants et plus, de la note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour prévue à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres du conseil municipal, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises. Ces principes s'appliquent aux établissements publics de coopération intercommunale, en vertu de l'article L. 5211-1 du même code.
8. En premier lieu, il n'est pas sérieusement contesté que les convocations ont été adressées par voie postale à chacun des conseillers communautaires de la métropole européenne de Lille. Les dispositions citées au point 6 n'ont donc pas été méconnues.
9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, qu'à la convocation pour la réunion du 12 décembre 2019 était jointe une note de synthèse sur le plan local d'urbanisme. Si cette note ne comprenait elle-même aucune information sur les emplacements réservés et notamment sur l'emplacement réservé litigieux, l'information donnée aux élus devait être adaptée à la nature et à l'importance des affaires et la métropole n'était donc pas tenue de joindre à la convocation une justification détaillée du bien-fondé de chacun des emplacements réservés. En tout état de cause, il ressort du constat de l'huissier diligenté par la métropole qu'a été adressée à chaque conseiller communautaire, en même temps que la note de synthèse, une clé USB comprenant un document précisant l'objet des sept catégories d'emplacements réservés retenues par le projet de plan local d'urbanisme intercommunal ainsi que les caractéristiques de chaque emplacement réservé et notamment son motif, sa superficie et sa localisation. Le moyen tiré de ce que la note de synthèse n'était pas suffisamment détaillée doit donc être écarté.
10. En troisième lieu, il ressort également des pièces du dossier que l'huissier requis par la métropole a procédé, le 22 novembre 2019, à l'insertion dans les courriers adressés aux élus de clés USB comprenant l'ensemble des documents du plan local d'urbanisme intercommunal. Il avait auparavant constaté l'accessibilité de chacun de ces documents grâce à cette clé. Ce même huissier a constaté que ces documents étaient également consultables sous forme papier au siège de la métropole. Si la société appelante soutient que les conseillers communautaires n'ont pas consenti à consulter les pièces du plan local d'urbanisme sur une clé USB, un tel consentement n'était pas exigé par l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales qui ne concernait que la transmission de la convocation et en tout état de cause la transmission des clés USB a été faite par voie postale et c'est seulement leur contenu qui était dématérialisé. Le moyen tiré de l'absence d'accord des conseillers communautaires pour consulter les documents annexés à la délibération du 12 décembre 2019 par voie électronique doit donc être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que les conseillers communautaires ont pu accéder, au plus tard en même temps que la convocation, à une information adéquate leur permettant d'exercer utilement leur mandat.
En ce qui concerne la définition des caractéristiques de l'emplacement réservé dans le plan local d'urbanisme intercommunal :
12. Aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / 2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 151-34 du même code : " Dans les zones U, AU, A et N les documents graphiques du règlement font apparaître, s'il y a lieu : / (...) / 4° Les emplacements réservés aux équipements et installations d'intérêt général en précisant leur destination et les collectivités, services et organismes publics bénéficiaires (...) ".
13. L'intention d'une collectivité de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé, sans qu'il soit besoin pour la collectivité de faire état d'un projet précisément défini. Toutefois, le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur le caractère réel de l'intention de la commune.
14. En premier lieu, l'extrait du " livre des emplacements réservés ", relatif à la commune de La Madeleine et partie du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, indique, pour chaque emplacement réservé de cette commune, sa destination, son bénéficiaire, sa superficie et la voie sur laquelle il se trouve. Si ce document ne comprend pas le numéro de la voie où se situe l'emplacement réservé, le document graphique du même règlement permet la localisation précise des parcelles concernées et la délimitation exacte de l'emplacement réservé.
15. En deuxième lieu, la seule intention de la métropole européenne de Lille de créer une aire de stationnement sur une partie de la parcelle BO 58, qui correspond à un objectif d'intérêt général, suffit à justifier légalement son classement partiel en emplacement réservé sans qu'elle ait à justifier d'un projet précisément défini. Le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal n'avait donc pas à préciser autrement les motifs de cet emplacement réservé, ni à justifier de l'extension de l'emplacement réservé retenu par le précédent plan sur la parcelle voisine BO 59 à une partie de la parcelle BO 58.
16. Le moyen tiré de l'insuffisance ou de l'incohérence, dans le plan adopté, des données relatives à l'emplacement réservé litigieux doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation :
17. En premier lieu, d'une part, il ressort du livre III du rapport de présentation du plan local d'urbanisme intercommunal, relatif à l'explication et à la justification des choix retenus dans le projet, que le stationnement est une problématique sur l'ensemble du territoire métropolitain compte tenu du déséquilibre entre la possession d'un véhicule automobile par les ménages et le faible nombre de logements comprenant une aire de stationnement, ce qui a pour conséquence une " saturation des espaces publics ".
18. D'autre part, le projet d'aménagement et de développement durables retient également, au titre de son objectif n°1 intitulé " Un nouvel élan en matière d'attractivité et de rayonnement ", qu'il " convient d'apporter une réponse aux besoins de stationnement des habitants en tenant compte de la qualité de la desserte en transports en commun et aux particularités des fonctionnements liés aux différents tissus urbains ". L'objectif n° 3 du même projet, intitulé " Une métropole facilitatrice pour bien vivre au quotidien ", vise en particulier à " proposer une offre de stationnement adaptée " et indique notamment que le " stationnement " résidentiel privé " doit être adapté au contexte urbain, à la qualité de la desserte en transports collectifs et au taux de motorisation des ménages afin de préserver les espaces publics et le cadre de vie des quartiers ".
19. Enfin, la parcelle BO 58 est située au sein d'un secteur classé dans le plan local d'urbanisme intercommunal en zone " UVC1 : villes du canal urbain : centralités (100 %) " qui correspond à une zone particulièrement dense comprenant de nombreuses maisons individuelles sans aire de stationnement.
20. Dans ces conditions, la création d'une aire de stationnement sur la parcelle BO 58 n'apparaît pas manifestement injustifiée au regard des enjeux d'aménagement retenus par le plan local d'urbanisme intercommunal.
21. En deuxième lieu, les dispositions de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme ont pour objet de permettre aux auteurs d'un document d'urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics, à des installations d'intérêt général ou à des espaces verts, le propriétaire concerné bénéficiant en contrepartie de cette servitude d'un droit de délaissement lui permettant d'exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables. S'il est généralement recouru à ce dispositif pour fixer la destination future des terrains en cause, aucune disposition ne fait obstacle à ce qu'il soit utilisé pour fixer une destination qui correspond déjà à l'usage actuel du terrain concerné, le propriétaire restant libre de l'utilisation de son terrain sous réserve qu'elle n'ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation.
22. La société appelante soutient que la création d'un emplacement réservé sur une partie de la parcelle BO 58 aboutira à enclaver les garages installés au fond de cette parcelle et empêchera une construction en fond de parcelle.
23. Toutefois, la société reste libre de l'utilisation de son terrain, affecté à des garages, tant que cette utilisation n'est pas incompatible avec la destination prévue par la réservation. Elle bénéficie, en contrepartie de la servitude instituée par le plan, du droit de délaissement mentionné au point 21. Enfin, rien n'établit que les usagers du fond de la parcelle ne pourront pas bénéficier de servitudes de passage lorsque la collectivité réalisera son projet et le risque d'enclavement invoqué n'est donc en tout état de cause pas démontré.
24. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
25. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la métropole européenne de Lille, que la société immobilière Lomme Mont-à-camp n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille, par le jugement contesté, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 12 décembre 2019 et du rejet implicite de son recours gracieux contre cette décision.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
26. La métropole européenne de Lille n'étant pas partie perdante dans la présente instance, la demande présentée par la société appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société immobilière Lomme Mont-à-camp une somme de 1 000 euros au titre des frais engagés par la métropole européenne de Lille et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société immobilière Lomme Mont-à-camp est rejetée.
Article 2 : La société immobilière Lomme Mont-à-camp versera à la métropole européenne de Lille une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société immobilière Lomme Mont-à-camp et à la métropole européenne de Lille.
Délibéré après l'audience publique du 25 mai 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président assesseur,
- M. Denis Perrin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
Le rapporteur,
Signé : D. Perrin
Le président de la 1ère chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°22DA00867 2