Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Matériels portuaires et industriels (MPI) a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le décompte des pénalités dressé le 14 novembre 2019 par la communauté de communes de la Côte d'Albâtre, de condamner la communauté de communes de la Côte d'Albâtre à lui verser la somme de 92 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts pour chaque année échue, au titre de la situation finale du marché relatif à la pose d'une potence pour le port de plaisance de Saint-Valéry-en-Caux, à titre subsidiaire, de réduire le montant des pénalités de retard appliquées par la communauté de communes de la Côte d'Albâtre dans le décompte des pénalités, de condamner la communauté de communes de la Côte d'Albâtre à lui verser la somme de 23 901,84 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts pour chaque année échue, au titre des prestations supplémentaires exécutées dans le cadre du marché, de condamner la communauté de communes de la Côte d'Albâtre au paiement des intérêts moratoires dus sur la situation n° 2 notifiée le 10 octobre 2019, selon le taux d'intérêt directeur de la Banque centrale européenne majoré de huit points, ainsi que de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros et de mettre à la charge de la communauté de communes de la Côte d'Albâtre la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000971 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les demandes de la société MPI et mis à sa charge le versement à la communauté de communes de la Côte d'Albâtre d'une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juin et 23 novembre 2022, la société Matériels portuaires et industriels (MPI, représentée par Me Frolich, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'ordonner le remboursement des sommes indûment retenues au titre de pénalités de retard par la communauté de communes de la Côte d'Albâtre à concurrence de 92 000 euros ;
3°) de condamner la communauté de communes de la Côte d'Albâtre à lui verser la somme de 92 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts pour chaque année échue, au titre de la situation finale du marché relatif à la pose d'une potence pour le port de plaisance de Saint-Valéry-en-Caux ;
4°) à titre subsidiaire, de moduler le montant des pénalités de retard appliquées par la communauté de communes de la Côte d'Albâtre dans le décompte des pénalités ;
5°) de condamner la communauté de communes de la Côte d'Albâtre à lui verser la somme due au titre de la situation finale du marché, de laquelle seront retranchées les pénalités de retard modulées et assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et à la capitalisation de ces intérêts pour chaque année échue ;
6°) de condamner la communauté de communes de la Côte d'Albâtre à lui verser la somme de 23 901,84 euros, au titre des prestations supplémentaires impayées assortie des intérêts au taux légal à compter de la réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts pour chaque année échue ;
7°) de condamner la communauté de communes de la Côte d'Albâtre au paiement de la somme de 20 019,84 euros TTC au titre des grues mobiles qu'elle a mis à sa disposition ;
8°) de condamner la communauté de communes de la Côte d'Albâtre au paiement des intérêts moratoires dus sur la situation n° 2 notifiée le 10 octobre 2019, selon le taux d'intérêt directeur de la Banque centrale européenne majoré de huit points, conformément aux dispositions de la loi n°2013-100 du 28 janvier 2013 et de son décret d'application n°2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, ainsi que de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de la situation n°2 pour un montant de 40 euros ;
9°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Côte d'Albâtre la somme de 4 000 euros en application de l'article 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la communauté de communes n'apporte aucune justification concernant les pénalités de retard appliquées et le retard dans l'exécution du marché ne lui est pas imputable, elle a d'ailleurs pallié l'absence de potence par une prestation de grutage à ses frais pour éviter la paralysie de l'activité portuaire, ce qui du reste démontre sa bonne foi ;
- le tribunal s'est mépris en refusant de moduler les pénalités qui représentent 51,3 % du marché et qui sont ainsi excessives au regard notamment de ses conséquences financières ;
- pour assurer la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et en l'absence d'ordre de service, elle a dû procéder au raccordement électrique définitif de la potence pour un montant de 3 882 euros TTC ; cette prestation, qui incombait au titulaire du lot n° 1, a fait l'objet d'un accord du maître d'ouvrage le 13 juin 2019 ; au regard du mémoire technique et de la décomposition du prix global et forfaitaire, elle était seulement chargée du câblage depuis la potence jusqu'à la réservation mise à sa disposition par le titulaire du lot n° 1 ;
- pour maintenir l'activité du port pendant la réalisation de la potence, la collectivité lui a demandé, par un ordre de service, une prestation supplémentaire portant sur la mise à disposition de grues mobiles pour un montant de 20 019,84 euros toutes taxes comprises.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre et 9 décembre 2022, la communauté de communes de la Côte d'Albâtre, représentée par Me Briec, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation du jugement en tant qu'il a omis de statuer sur la recevabilité de la requête de la société MPI comme étant pourtant tardive et a implicitement estimé la requête de première instance formée par la société MPI comme recevable et de la rejeter comme irrecevable pour tardiveté;
3°) à la mise à la charge de la société MPI de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur la fin de non-recevoir qu'elle avait soulevée tirée de la tardiveté de la requête de la société MPI, entachant le jugement d'irrégularité;
- la requête de première instance a été introduite tardivement au regard des stipulations de l'article 37 du CCAG-de Fournitures Courantes et de Services applicables et de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;
- la requête n'est pas fondée.
Par ordonnance du 15 décembre 2022, la date de clôture de l'instruction a été fixée au 3 janvier 2023 à 12 heures.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par courrier du 16 mai 2023, que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office, tirés d'une part de l'irrecevabilité des conclusions, présentées au titre de l'appel incident, tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il aurait implicitement mais nécessairement considéré que la demande formée par la société MPI était recevable, de telles conclusions n'étant pas recevables dès lors que la communauté de communes de la Côte d'Albâtre n'a pas d'intérêt à demander l'annulation d'un jugement qui lui est favorable et d'autre part de l'irrecevabilité des conclusions tendant à ce que la société MPI lui verse la somme de 12 445,80 euros TTC au titre des préjudices financiers qui sont nouvelles en appel.
La société Matériels portuaires et industriels représentée par Me Frolich, a répondu le 19 mai 2023 aux moyens susceptibles d'être relevés d'office par la cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et services annexé à l'arrêté du 19 janvier 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Liénart, représentant la communauté de communes de la Côte d'Albâtre.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes de la Côte d'Albâtre a confié à la société MPI, par un acte d'engagement signé le 17 juillet 2018, l'exécution du lot n° 2 du marché relatif à la dépose et à la pose d'une potence pour le port de plaisance de Saint-Valéry-en-Caux pour un prix global et forfaitaire de 149 500 euros hors taxes, ce lot comprenant, en outre, une prestation de maintenance préventive annuelle pour un montant de 1 900 euros hors taxes. Le délai d'exécution des prestations de fourniture et de mise en place de la potence, fixé à six mois, expirait le 19 mars 2019. L'ouvrage a été réceptionné le 19 septembre 2019. La société MPI a transmis à la communauté de communes la situation n° 2 valant paiement final pour un montant de 134 550 euros hors taxes, puis a sollicité, par une lettre du 26 novembre 2019, le paiement de cette situation et une " remise gracieuse des pénalités ". La communauté de communes, par un courrier du 19 novembre 2019, reçu le 28 novembre 2019, a transmis, au titulaire, l'état du solde du marché arrêté à la somme de 35 075 euros hors taxes, ainsi que le décompte des pénalités de retard infligées à hauteur de 92 000 euros. Elle a également rejeté la demande de " remise gracieuse " le 6 décembre 2019. La société MPI a notifié à la communauté de communes, par un courrier du 11 décembre 2019, un mémoire en réclamation par lequel elle demandait le paiement de la somme de 100 970 euros toutes taxes comprises, l'exonération totale des pénalités de retard et le paiement de prestations supplémentaires pour un montant de 23 901,84 euros toutes taxes comprises. La communauté de communes de la Côte d'Albâtre, qui a réglé le solde du marché le 10 décembre 2019, a rejeté la réclamation préalable le 13 février 2020. Par un jugement du 26 avril 2022 le tribunal administratif de Rouen a notamment rejeté les conclusions de la société MPI tendant à la condamnation de la communauté de communes à lui verser la somme de 115 901,84 euros au titre du solde du marché. La société MPI relève appel de ce jugement. La communauté de communes de la Côte d'Albâtre conclut au rejet de la requête d'appel et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif en tant qu'il a omis de statuer sur sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête de la société MPI, qu'ila implicitement estimé cette requête comme recevable et demande à la cour de la rejeter comme irrecevable pour tardiveté.
Sur la recevabilité de l'appel incident :
2. La communauté de communes de la Côte d'Albâtre présente des conclusions d'appel incident tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il aurait implicitement mais nécessairement considéré que la demande formée par la société MPI était recevable. Toutefois le jugement attaqué fait intégralement droit aux conclusions qu'avait présentées la communauté de communes en défense, en rejetant au fond la demande de la société MPI. Par suite, la communauté de communes de la Côte d'Albâtre est sans intérêt pour poursuivre l'annulation du jugement en tant qu'il aurait, selon elle, admis la recevabilité de cette demande.
3. La communauté de communes de la Côte d'Albâtre présente aussi des conclusions d'appel incident tendant à ce que la société MPI lui verse la somme de 12 445,80 euros TTC au titre des préjudices financiers supportés en raison de la défaillance de cette société. Mais ces conclusions sont nouvelles en appel et sont dès lors irrecevables.
Sur les pénalités de retard :
4. En premier lieu, d'une part aux termes de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services dans sa version applicable au litige (CCAG-FCS) : " 37. 2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ". L'article 37. 3. prévoit que : " Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception du mémoire de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation ". Aux termes de l'article 3.2 de ce même cahier fixant les modalités de computation des délais d'exécution des prestations : " 3. 2. 1. Tout délai mentionné au marché commence à courir à 0 heure, le lendemain du jour où s'est produit le fait qui sert de point de départ à ce délai ". D'autre part, aux termes de l'article 12.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché conclu entre la société MPI et la communauté de communes de la Côte d'Albâtre : " Lorsque le délai contractuel d'exécution ou de livraison est dépassé, par le fait du titulaire, celui-ci encourt, par jour de retard et sans mise en demeure préalable, une pénalité fixée à 500 euros ". Selon l'article 5 de l'acte d'engagement, le délai d'exécution, qui court à compter de la date fixée par ordre de service, est de six mois.
5. Par un courrier du 22 mars 2019, confirmé par courrier du 11 juin 2019 reçu le 18 juin 2019, la communauté de communes de la Côte d'Albâtre a notifié à la société MPI sa décision de lui infliger des pénalités de retard en application de l'article 12.1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services, compte tenu de ce que cette société ne respectait pas les délais d'exécution du marché. Toutefois le premier courrier ne mentionnait que treize jours de retard et le second ne comportait pas de précisions sur les jours et montants en cause. Ce n'est que par un courrier du 19 novembre 2019, reçu le 28 novembre 2019 par la société MPI, que la communauté de communes de la Côte d'Albâtre lui a transmis, avec le solde du marché, le décompte précis des pénalités de retard en indiquant qu'elles concernaient cent-quatre-vingt-quatre jours et s'élevaient à 92 000 euros. La communauté de communes n'est par suite pas fondée à soutenir que le recours gracieux de la société MPI formé le 26 novembre 2019 devait être regardé comme un mémoire en réclamation, que le différend devait être regardé comme apparu à cette date au sens de l'article 37-2 du CCAG FCS et que la saisine du tribunal aurait dû intervenir dans un délai de deux mois suivant le rejet de ce recours par l'administration le 6 décembre 2019. La société MPI a déposé son mémoire en réclamation le 11 décembre 2019, dans un délai de deux mois après réception du décompte reçu le 28 novembre 2019 conformément à l'article 37-2 précité du CCAG FCS. La communauté de communes de la Côte d'Albâtre a rejeté la réclamation le 13 février 2020 et la société appelante a saisi le tribunal administratif de Rouen le 16 mars 2020. La demande de première instance était donc recevable.
6. Il résulte de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas contesté, que le délai d'exécution de la prestation arrivait à échéance le 19 mars 2019. Ainsi, dès lors que la réception est intervenue le 19 septembre 2019, le montant des pénalités de retard s'élève, en vertu de l'article 12.1 précité, compte tenu du nombre de jours de retard constatés, soit cent-quatre-vingt-quatre jours, à la somme de 92 000 euros ainsi que le précise le décompte des pénalités transmis le 14 novembre 2019 par la communauté de communes. Les circonstances que le retard serait dû au fournisseur de la société MPI, à des problèmes de livraison de certains composants, et que la société MPI a, pour pallier ces défaillances, mis à disposition de la communauté de communes des grues mobiles pour assurer la continuité de l'activité portuaire, sont sans incidence sur l'existence des retards qui lui incombent et le bien-fondé des pénalités.
7. En second lieu, le juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, peut modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché.
8. La société appelante fait valoir que les 92 000 euros de pénalités qui lui ont été infligés sont manifestement excessifs car ils représentent 51,28 % du montant du marché et qu'elle a satisfait aux demandes de grutage formulées par le maître d'ouvrage. Toutefois la société MPI ne fournit pas d'éléments circonstanciés ayant trait notamment aux pratiques observées pour des contrats similaires ou aux caractéristiques particulières du contrat en litige pour étayer ses allégations. Par ailleurs et en tout état de cause, les grutages qu'elle a facilités n'ont pas suffi à remédier aux inconvénients résultant du retard d'exécution du marché. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que le montant des pénalités qui lui ont été infligées présenterait un caractère manifestement excessif.
Sur les prestations supplémentaires :
9. Le titulaire d'un marché ayant effectué des prestations non prévues au contrat, a droit, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par ce marché, à être rémunéré de celles-ci si elles ont été décidées par le maître d'ouvrage. En outre, il a le droit d'être indemnisé du coût des prestations supplémentaires indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art, sauf dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation.
En ce qui concerne le raccordement électrique de la potence :
10. Aux termes de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières du marché conclu entre la société MPI et la communauté de communes, les prestations sont réglées par un prix global et forfaitaire. En vertu de l'article 2 du même cahier des clauses administratives particulières, les stipulations du cahier des clauses techniques particulières sont, en cas de contradiction, prioritaires par rapport au mémoire technique du titulaire.
11. Aux termes de l'article 1.3 du cahier des clauses techniques particulières du marché conclu entre la société MPI et la communauté : " Les prix, qui seront indiqués par l'entrepreneur, pour chaque nature de prestation, tiendront compte de toutes les difficultés de réalisation quelles qu'elles soient. / En aucun cas, l'entrepreneur ne pourra réclamer, après remise de son offre, des plus-values ou majorations pour difficultés particulières d'exécution ". Enfin, en vertu de l'article 3.2.2 du même cahier des clauses techniques particulières, le titulaire du lot n° 2 assure, en ce qui concerne le branchement de la potence, la mise en place des réseaux adaptés en utilisant les réservations installées par le titulaire du lot n° 1 ou les réservations existantes avant l'intervention, ainsi que la fourniture et la mise en place d'une armoire électrique et des raccords nécessaires.
12. Même si le mémoire technique de la société MPI précisait que le câble d'alimentation serait fourni et monté dans les réservations du massif par le titulaire du lot n° 1, les stipulations du cahier des clauses techniques particulières, qui priment, précisaient, sans ambiguïté, que le branchement électrique de la potence, comprenant en particulier le câble d'alimentation, était à la charge exclusive de la société MPI. La circonstance qu'elle allègue que les réservations par le titulaire du lot 1 n'étaient pas disponibles sans au demeurant que cela ne résulte de l'instruction et qu'elle ait trouvé une solution technique conforme à la norme NF C 15-100 que la collectivité a acceptée, consistant à faire passer les câbles d'alimentation de la potence dans la gaine existante, est sans incidence sur ses obligations contractuelles résultant du cahier des clauses techniques particulières. Elle ne saurait lui ouvrir droit, quelles que soient les difficultés d'exécution rencontrées, à une indemnisation complémentaire car cette prestation était prévue par le marché. Aussi la société MPI n'est pas fondée à soutenir qu'elle doit être indemnisée pour le coût du raccordement électrique définitif de la potence pour un montant de 3 882 euros TTC.
En ce qui concerne les frais de grutage :
13. Malgré les engagements fermes qu'elle a pris sur une livraison de la potence au 19 mai 2019 puis au 7 juin 2019, la société MPI a abandonné le chantier au cours du mois de juin, en laissant la potence installée et non raccordée au réseau électrique comme cela résulte notamment du procès-verbal d'huissier établi le 1er juillet 2019. La potence n'a été réceptionnée que le 19 septembre 2019, soit avec un retard de six mois par rapport au délai contractuel d'exécution qui arrivait à échéance le 19 mars 2019. Dans ces conditions, alors que les frais de fourniture de grues mobiles qu'elle a supportés sont entièrement imputables au retard d'exécution de ses prestations, la société MPI n'est pas fondée à demander une rémunération complémentaire d'un montant de 20 019,84 euros TTC à ce titre. Au demeurant, de son côté, la communauté de communes a également dû louer des grues mobiles à plusieurs reprises durant la période estivale.
Sur les intérêts moratoires :
14. Aux termes de l'article 7 du décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique : " Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas mises en paiement à l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement, le créancier a droit, sans qu'il ait à les demander, au versement des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévus aux articles 39 et 40 de la loi du 28 janvier 2013 susvisée ". Aux termes de l'article 7.3 du cahier des clauses administratives particulières : " Les sommes dues au(x) titulaire(s) sont payées dans un délai global de 30 jours à compter de la date de réception des demandes de paiement. / En cas de retard de paiement, le titulaire a droit au versement d'intérêts moratoires ainsi qu'à une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros. Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage ".
15. La société MPI soutient avoir droit au paiement d'intérêts moratoires pour le retard pris dans le paiement de sa situation n° 2, transmise le 10 octobre 2019 ainsi qu'à une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros. Si elle allègue avoir transmis la situation n° 2 par courriel dès le 30 septembre 2019, elle ne justifie que de la réception le 15 octobre 2019 de son courrier du 14 octobre 2019 par la communauté de communes. Ainsi le délai de trente jours court à compter de la date du 15 octobre 2019. Il ne résulte pas plus de l'instruction que la communauté de communes qui invoque une suspension du délai de paiement en raison du caractère erroné de cette situation en aurait informé la société MPI comme le prévoit l'article 4 du décret du 29 mars 2019. Par ailleurs, la circonstance que la communauté de communes n'a reçu que le 7 novembre 2019 le document concernant l'admission au 19 septembre 2019, des prestations effectuées par la société MPI ne saurait rendre prématurée la situation n° 2, dès lors que l'article 25-1 du CCAG FCS dispose que l'admission prend effet à la date de notification au titulaire de la décision d'admission soit en l'espèce le 4 octobre 2019. Il résulte de l'instruction que ce n'est que le 10 décembre 2019 que le solde de la situation a été réglé pour un montant de 60 490 euros TTC. Ainsi, alors que conformément à l'article 7 du décret du 29 mars 2013 précité, le paiement devait intervenir dans un délai global de trente jours à compter de la réception le 15 octobre 2019 de la situation n°2, la communauté de communes est redevable des intérêts moratoires pour la période allant du 15 novembre au 10 décembre 2019 dans les conditions prévues à l'article 7.3 du cahier des clauses administratives particulières, soit selon le taux d'intérêt appliqué par la banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en vigueur au 1er juillet 2019, majoré de 8 points, ainsi que de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société MPI est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Rouen n'a pas fait droit à sa demande de paiement des intérêts moratoires sur la somme de 60 490 euros TTC pour la période allant du 15 novembre au 10 décembre 2019 dans les conditions prévues à l'article 7.3 CCAG FCS ainsi qu'à sa demande de versement de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la communauté de communes qui n'est pas la partie essentiellement perdante. Enfin, il y a lieu de mettre à la charge de la société MPI une somme de 2 000 euros sur le même fondement, au titre des frais exposés par la communauté de communes de la Côte d'Albâtre essentiellement partie gagnante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La communauté de communes de la Côte d'Albâtre est condamnée à verser à la société MPI les intérêts moratoires sur la somme de 60 490 euros TTC pour la période allant du 15 novembre au 10 décembre 2019, selon le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement en vigueur au 1er juillet 2019, majoré de 8 points, ainsi que l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement pour un montant de 40 euros.
Article 2 : Le jugement n °2000971 du 26 avril 2022 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : La société MPI versera à la communauté de communes de la Côte d'Albâtre une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Matériels Portuaires et Industriels et à la communauté de communes de la Côte d'Albâtre.
Délibéré après l'audience publique du 23 mai 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. A...
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière
Anne-Sophie Villette
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N°22DA01211