Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Les Verchères II, M. C... B... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, à titre principal, la délibération du 12 décembre 2019 par laquelle le conseil de la métropole européenne de Lille a approuvé son plan local d'urbanisme intercommunal ou, à titre subsidiaire, d'annuler cette délibération en tant qu'elle a classé la partie ouest de la parcelle AL 90 située sur la commune de Neuville-en-Ferrain en zone naturelle de loisirs (NL) et en espace naturel relais.
Par un jugement n° 2005099 du 4 mars 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mai 2022 et un mémoire enregistré le 2 mars 2023, la société Les Verchères II, M. C... B... et Mme D... B..., représentés par Me Eric Forgeois, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la délibération du 12 décembre 2019 du conseil de la métropole européenne de Lille en tant qu'elle a classé la partie ouest de la parcelle AL 90 située sur la commune de Neuville-en-Ferrain en zone NL et en espace naturel relais ;
3°) de mettre à la charge de la métropole européenne de Lille la somme de 3 000 euros à leur verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que le classement de la partie ouest de la parcelle AL 90 est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation, tant en ce qui concerne le classement en zone NL qu'en ce qui concerne celui en espace naturel relais.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2022, la métropole européenne de Lille, représentée par Me Thibault Soleilhac, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation de la délibération du 12 décembre 2019 seulement en ce qu'elle a classé la partie ouest de la parcelle AL 90 en zone NL et en espace naturel relais, enfin à la mise à la charge des appelants de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 27 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat en application des article R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Denis Perrin, premier conseiller,
- les conclusions de M. Stéphane Eustache, rapporteur public,
- et les observations de Me Eric Forgeois, représentant la SCI Les Verchères II et M. et Mme B..., et E..., représentant la métropole européenne de Lille.
Considérant ce qui suit :
Sur l'objet du litige :
1. La société civile immobilière (SCI) Les Verchères II dont la gérante est Mme B... est propriétaire de la parcelle AL 90, désormais cadastrée sous les numéros AL 268, 269 et 270, située route d'Halluin sur le territoire de la commune de Neuville-en-Ferrain qui est couvert par le plan local d'urbanisme intercommunal que le conseil de la métropole européenne de Lille a approuvé par une délibération du 12 décembre 2019.
2. La société ainsi que M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 4 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération ou à défaut à son annulation en tant seulement que le plan local d'urbanisme intercommunal a classé ces parcelles en zone naturelle et en espace naturel relais.
Sur la légalité du classement en zone naturelle d'une partie de la parcelle AL n° 90 :
3. Aux termes de l'article L. 151-9 du code de l'urbanisme relatif à l'affectation des sols dans les plans locaux d'urbanisme : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. (...) ". Aux termes de l'article R. 151- 24 de ce code : Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues.".
4. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste.
5. Le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal s'est notamment fixé pour objectifs de " préserver et reconquérir la trame verte et bleue en conservant les espaces non bâtis permettant le maintien de la biodiversité et la circulation des espèces " et " d'affirmer le rôle structurant de l'armature agricole et naturelle ". A ce titre, il a prévu de classer en zone naturelle ou agricole 50 % des surfaces du territoire métropolitain. Par ailleurs, il a retenu un objectif spécifique au territoire des monts du Ferrain, dont il a souhaité préserver et valoriser le paysage.
6. La parcelle des appelants se situe en limite de l'espace boisé classé du mont d'Halluin, partie des monts du Ferrain. Si ce secteur comprend des constructions, il reste peu dense et très arboré. Au sein de cet espace, la parcelle en cause est le dernier terrain vierge de construction en venant par la route depuis le sud, du côté ouest de la route, avant l'espace boisé classé. Si ce terrain est contigu de trois habitations au sud, il est bordé par des étangs au nord ainsi que par une vaste parcelle non bâtie et largement arborée à l'est. De l'autre côté de la route, se trouvent une dent creuse puis trois habitations avant d'arriver à une vaste zone non bâtie, ensuite occupée par l'espace boisé constitué par l'arboretum du Manoir aux loups.
7. Le plan local d'urbanisme intercommunal a classé l'ensemble des parcelles non bâties de ce secteur, dont celle des appelants, en zone naturelle de loisirs NL. En procédant ainsi, la métropole européenne de Lille a entendu préserver une zone non bâtie assurant le maintien de la biodiversité et participant au paysage identitaire des monts du Ferrain, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables qu'elle a adopté.
8. Si les appelants attestent, par la production d'un constat d'huissier du 30 mars 2022, que la parcelle en cause n'a pas de vue sur l'arboretum ou sur le sommet du mont d'Halluin, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'elle participe, par sa situation et par son absence de toute construction, à la préservation du paysage peu dense, très végétalisé et très arboré, caractéristique de la zone.
9. De même, si la parcelle en cause est aménagée en jardin, comme l'attestent le constat d'huissier précité ainsi qu'un constat d'huissier précédent établi le 9 juillet 2020, elle se situe néanmoins, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, en bordure d'un secteur à vocation naturelle.
10. Enfin, si la parcelle en cause est reliée aux réseaux et traversée par une allée et par une canalisation souterraine d'eaux usées, cette circonstance ne la prive pas pour autant de son caractère naturel.
11. Dans ces conditions, le classement en zone naturelle de la parcelle AL 90 n'est entaché ni d'erreur de fait, ni d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité du classement en espace naturel relais :
12. Aux termes de l'article L. 151-23 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. / Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant, les desservent. ".
13. Aux termes de l'article R. 151-43 du code de l'urbanisme : " Afin de contribuer à la qualité du cadre de vie, assurer un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres et répondre aux enjeux environnementaux, le règlement peut : / (...) / 4° Délimiter les espaces et secteurs contribuant aux continuités écologiques et définir des règles nécessaires à leur maintien ou à leur remise en état ; / (...) ".
14. L'article L. 151-23 du code de l'urbanisme permet au règlement d'un plan local d'urbanisme d'édicter des dispositions visant à protéger, mettre en valeur ou requalifier un élément du paysage dont l'intérêt le justifie. La localisation de ce secteur, sa délimitation et les prescriptions le cas échéant définies, qui ne sauraient avoir de portée au-delà du territoire couvert par le plan, doivent être proportionnées et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à l'objectif recherché. Une interdiction de toute construction ne peut être imposée que s'il s'agit du seul moyen permettant d'atteindre l'objectif poursuivi.
15. En se fondant sur les dispositions rappelées au point 12, le plan local d'urbanisme intercommunal a identifié des espaces naturels relais. Ceux-ci sont définis dans le rapport de présentation comme des sites " présentant une mosaïque de milieux avec les qualités écologiques couplées à des milieux anthropisés, mais présentant une réelle potentialité ". Ils participent ainsi à un des enjeux du projet d'aménagement et de développement durables, intitulé " une stratégie innovante et exemplaire sur le plan environnemental " qui, partant du constat de la faible proportion d'espaces naturels sur le territoire de la métropole et de leur tendance à la dégradation, vise à les conserver et à les restaurer dans le cadre d'un objectif dénommé " préserver et reconquérir la trame verte et bleue ".
16. Le plan local d'urbanisme intercommunal prévoit que, dans ces espaces, seuls sont autorisés les travaux d'amélioration des bâtiments existants et l'extension mesurée des habitations existantes.
17. D'une part, l'orientation d'aménagement et de programmation thématique " trame verte et bleue " a placé la parcelle des appelants au croisement d'un corridor écologique et d'une zone tampon à proximité d'un réservoir de biodiversité. La parcelle classée en espace naturel relais est en effet contiguë à l'espace boisé classé du mont d'Halluin, identifié comme un réservoir de biodiversité.
18. D'autre part, même si la parcelle en cause a été aménagée en jardin, elle est vierge de constructions et non imperméabilisée. Elle est également mitoyenne d'étangs situés au nord.
19. Dans ces conditions, le classement de cette parcelle répond à l'objectif du document d'urbanisme de préserver les espaces non artificialisés, en particulier quand ils assurent la liaison avec des espaces naturels.
20. Il résulte de ce qui précède que la métropole européenne de Lille n'a pas fait une inexacte application des dispositions rappelées ci-dessus en classant la partie ouest de la parcelle AL 90 en espace naturel relais.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil de la métropole européenne de Lille du 12 décembre 2019.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
22. La métropole européenne de Lille n'étant pas partie perdante à la présente instance, la demande présentée par les appelants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.
23. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Les Verchères II et de M. et Mme B... une somme globale de 1 000 euros au titre des frais engagés par la métropole européenne de Lille et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Les Verchères II et de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : La société Les Verchères II et M. et Mme B... verseront à la métropole européenne de Lille une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Verchères II, à M. et Mme C... et D... B... et à la métropole européenne de Lille.
Délibéré après l'audience publique du 11 mai 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- M. Denis Perrin, premier conseiller,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.
Le rapporteur,
Signé : D. Perrin
Le président de la 1ère chambre,
Signé : M. A...
La greffière,
Signé : C. Sire
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°22DA00978 2