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23/05/2023 | FRANCE | N°22DA00198

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 23 mai 2023, 22DA00198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1902572 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen, d'une part, a condamné solidairement la société EGIS Villes et Transports, la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux (ETMF) et la société Soleffi TS à verser à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole la somme de 60 760,44 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2019, d'autre part, a condamné la société EGIS Villes et Transports à garantir la société ETMF et la société So

leffi TS à hauteur de 50 % du montant de la somme de 60 760,44 euros et a condamné la s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1902572 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Rouen, d'une part, a condamné solidairement la société EGIS Villes et Transports, la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux (ETMF) et la société Soleffi TS à verser à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole la somme de 60 760,44 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2019, d'autre part, a condamné la société EGIS Villes et Transports à garantir la société ETMF et la société Soleffi TS à hauteur de 50 % du montant de la somme de 60 760,44 euros et a condamné la société ETMF à garantir la société EGIS Villes et Transports et la société Soleffi TS à hauteur de 50 % du montant de la somme de 60 760,44 euros. Il a par ailleurs mis à la charge de la société ETMF et de la société EGIS Villes et Transports, chacune, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 750 euros à verser à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, une somme de 750 euros à verser à la société Soleffi TS et une somme de 750 euros à verser au syndicat intercommunal d'équipement des villes d'Harfleur et de Gonfreville-l'Orcher (SIEGHO). Il a également mis définitivement à la charge solidaire de la société ETMF et de la société EGIS Villes et Transports à hauteur de 2 920,25 euros pour chacune d'elles, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 5 840,50 euros. Enfin, le tribunal a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 2 février 2022 sous le n° 22DA00198, la société EGIS Villes et Transports, représentée par Me Jeambon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de limiter le recours de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole à 20 % des sommes réclamées par cette collectivité ;

3°) de condamner le syndicat intercommunal d'équipement des villes d'Harfleur et de Gonfreville-l'Orcher (SIEHGO) ainsi que les sociétés ETMF et Soleffi TS à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, du SIEGHO et des sociétés ETMF et Soleffi TS, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole venue aux droits de la communauté de l'agglomération havraise (CODAH), a commis une faute au regard de l'article R. 554-22 du code de l'environnement, dès lors que le plan fourni par la CODAH rendait impossible la localisation des réseaux ; l'expert, qui relève par ailleurs que la collectivité a participé à la reconnaissance des réseaux, n'en tire pas les conséquences nécessaires quant à sa responsabilité dans la survenance du dommage ;

- à défaut d'être exclusive, la responsabilité de la CODAH est prépondérante, de sorte qu'il convient de limiter les demandes de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole à 20 % des dommages subis ;

- dès lors que les travaux ont été réceptionnés sans réserve, conformément à la jurisprudence constante du Conseil d'Etat, le SIEHGO, en sa qualité de maître d'ouvrage, doit la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole ; si le tribunal a repris expressément ce principe dans son jugement, il n'en a cependant tiré aucune conséquence et s'est contenté de se prononcer sur les appels en garantie entre les constructeurs ;

- sa créance à l'encontre du SIEGHO n'est pas prescrite dès lors qu'elle était dans l'impossibilité d'agir contre lui avant l'action judiciaire initiée par la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole le 12 juillet 2019 ; c'est donc l'action judicaire de cette dernière et non la réception des travaux qui fait courir la prescription, qui en tout état de cause a été interrompue par le référé expertise, conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 ;

- la réception a pour objet de vérifier que l'ouvrage réalisé est conforme aux stipulations du marché et ne porte pas sur un ouvrage étranger aux travaux dont la réalisation a été confiée aux entreprises ; par conséquent, s'agissant d'un dommage affectant l'ouvrage d'un tiers, le SIEGHO ne peut invoquer le défaut de conseil du maître d'œuvre ; en tout état de cause, le maître d'ouvrage était informé des dommages affectant le réseau d'eau ;

- la société ETMF et la société Soleffi TS, dont les manquements sont à l'origine des dommages subis par la communauté urbaine, doivent la garantir intégralement de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;

- c'est à tort que le tribunal lui impute une erreur de conception puisqu'il a estimé que la superposition des relevés de réseaux avec les plans des micropieux aurait permis d'éviter les sinistres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2022, le syndicat intercommunal d'équipement des villes d'Harfleur et de Gonfreville-l'Orcher (SIEHGO), représenté par Me Taulet, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les sociétés EGIS Villes et Transports et ETMF de leurs appels en garantie, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les appels en garantie formés par les sociétés ETMF et EGIS Villes et Transports seraient recevables et fondés, à ce que la société EGIS Villes et Transports soit condamnée à le garantir à hauteur des condamnations qui seraient prononcées à son encontre et, dans tous les cas, à ce que soit mise à la charge des sociétés ETMF et EGIS Villes et Transports, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Il soutient que :

- l'appel en garantie présenté par la société EGIS se fonde sur la réception des travaux prononcée sans réserve le 20 septembre 2013 ; le fait générateur réside dans les dommages aux canalisations de la CODAH datant de 2012 et cette réception ; la créance de la société EGIS est donc prescrite en vertu de la loi du 31 décembre 1968 ;

- les dommages subis par la victime ne trouvent nullement leur origine dans des désordres affectant l'ouvrage public construit ;

- la réception sans réserve, qui n'emporte que l'acceptation de l'ouvrage public, ne peut fonder un appel en garantie au-delà de ce que l'acte de réception recouvre ; la jurisprudence citée par la société EGIS n'est pas invocable en l'espèce puisqu'elle s'oppose à tout recours du maître de l'ouvrage contre les entreprises de travaux ; la société EGIS lui oppose la réception sans réserve qu'elle a proposée et sollicite que le syndicat intercommunal la garantisse de toute condamnation, ce qui confine à des manœuvres frauduleuses voire dolosives de sa part ;

- la société EGIS a commis une faute contractuelle en lui proposant une réception sans réserve sans appeler son attention sur les dommages occasionnés à un tiers ; elle doit donc le garantir à hauteur des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2022, la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, représentée par Me Gorand, conclut au rejet de la requête d'appel de la société EGIS Villes et Transports et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cette société, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé ;

- elle n'a pas méconnu son obligation d'information prévue par le décret du 14 octobre 1991 alors applicable ;

- elle n'a commis aucune faute dès lors qu'en réponse à la déclaration d'intention de commencement de travaux (DICT), elle a communiqué les plans de ses réseaux et a participé à leur reconnaissance ; l'expert a relevé que, bien que peu précis, les plans mentionnaient les réseaux concernés et que les entreprises n'avaient pas réalisé, malgré le risque élevé d'un forage à proximité de ses réseaux, le travail de superposition entre les relevés de pieux et les plans fournis ; elles n'ont pas sollicité d'informations complémentaires ;

- le rapport d'expertise a également relevé les nombreuses négligences du maître d'œuvre EGIS, tant au niveau de sa mission de conception, que de suivi du chantier.

Par une ordonnance du 5 décembre 2022, la clôture d'instruction dans l'instance n° 22DA00198 a été fixée en dernier lieu au 5 janvier 2023 à 12 heures.

Un mémoire en défense complémentaire, présenté par le syndicat intercommunal d'équipement des villes d'Harfleur et de Gonfreville-l'Orcher (SIEHGO), représenté par Me Taulet, a été enregistré le 26 janvier 2023.

Un mémoire en défense présenté par la société Toleffi TS, représentée par Me Jougla, a été enregistré le 9 février 2023.

II - Par une requête enregistrée le 2 février 2022 sous le n° 22DA00199 et des mémoires complémentaires enregistrés les 5 janvier et 10 février 2023, la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux (ETMF), représentée par Me Billebeau, demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

2°) de rejeter toute demande dirigée contre elle par l'une quelconque des parties à l'instance ;

3°) à titre très subsidiaire, de condamner la société EGIS Villes et Transports à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner le syndicat intercommunal d'équipement des villes d'Harfleur et de Gonfreville-l'Orcher (SIEHGO) à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

5°) dans tous les cas, de mettre à la charge de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, ou à défaut de toute partie succombant ou condamnée, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle soutient que :

- il appartient à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole de démontrer que chaque participant aux travaux publics, dont elle demande la condamnation solidaire, est directement l'auteur du dommage qu'elle allègue ; aucune preuve n'est rapportée qu'elle aurait occasionné les six perforations des canalisations ; le caractère tardif de l'expertise judiciaire n'a permis d'effectuer aucune constatation permettant d'attribuer un ou plusieurs dommages à la société ETMF ;

- dans la mesure où le tribunal a retenu que la perforation trouve son origine dans l'erreur de conception initiale du maître d'œuvre, il ne peut être reproché à la société ETMF d'avoir concouru à la survenance du dommage ;

- en fournissant des plans imprécis, sans préconiser un repérage préalable, la communauté urbaine a commis, au regard de l'article R. 554-26 du code de l'environnement, une faute de nature à l'exonérer intégralement de toute responsabilité sans qu'il puisse être reproché aux entreprises de n'avoir pas sollicité des informations complémentaires ;

- en raison des négligences commises dans l'exécution de sa mission de maîtrise d'œuvre, la société EGIS doit la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;

- devant le tribunal, elle a rappelé la jurisprudence constante selon laquelle la réception prononcée sans réserve met fin aux relations contractuelles entre les parties et sauf stipulations contractuelles contraires s'oppose à tout recours du maître d'ouvrage contre l'entreprise de travaux ; en l'espèce, les travaux ayant été réceptionnés sans réserve le 20 septembre 2013, le tribunal a retenu à tort une part de responsabilité de la société ETMF alors qu'il devait condamner le SIEGHO à la garantir en totalité, sans qu'il y ait lieu de rechercher une faute de sa part ; le SIEHGO, en sa qualité de maître d'ouvrage, doit ainsi la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;

- la loi du 31 décembre 1968 n'est pas applicable à sa demande qui est un appel en garantie dirigé contre le SIEGHO et elle ne détient, sauf à ce qu'elle soit condamnée, aucune créance à l'encontre du syndicat ; le point de départ de la prescription correspond à la date d'introduction de la requête indemnitaire présentée par la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole ;

- l'appel en garantie formé contre elle par la société Toleffi TS doit être rejeté dans la mesure où cette société n'explique pas à quel titre elle devrait la garantir, alors que cette société a procédé aux percements litigieux.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 décembre 2022 et le 26 janvier 2023, le syndicat intercommunal d'équipement des villes d'Harfleur et de Gonfreville-l'Orcher (SIEHGO), représenté par Me Taulet, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les sociétés EGIS Villes et Transports et ETMF de leurs appels en garantie, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les appels en garantie formés par les sociétés ETMF et EGIS Villes et Transports seraient recevables et fondés, à ce que la société EGIS Villes et Transports soit condamnée à le garantir à hauteur des condamnations qui seraient prononcées à son encontre et, dans tous les cas, à ce que soit mise à la charge des sociétés ETMF et EGIS Villes et Transports, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Il soutient que :

- l'appel en garantie présenté par la société ETMF se fonde sur la réception des travaux prononcée sans réserve le 20 septembre 2013 ; le fait générateur réside dans les dommages aux canalisations de la CODAH datant de 2012 et cette réception ; la créance de la société ETMF est donc prescrite en vertu de la loi du 31 décembre 1968 ;

- les dommages subis par la victime ne trouvent nullement leur origine dans des désordres affectant l'ouvrage public construit ;

- la réception sans réserve, qui n'emporte que l'acceptation de l'ouvrage public, ne peut fonder un appel en garantie au-delà de ce que l'acte de réception recouvre ; la jurisprudence citée par la société ETMF n'est pas invocable en l'espèce puisqu'elle s'oppose à tout recours du maître de l'ouvrage contre les entreprises de travaux ; la société EGIS lui oppose la réception sans réserve qu'elle a proposée et sollicite qu'il la garantisse de toute condamnation, ce qui confine à des manœuvres frauduleuses voire dolosives de sa part ;

- la société EGIS a commis une faute contractuelle en lui proposant une réception sans réserve sans appeler son attention sur les dommages occasionnés à un tiers ; elle doit donc le garantir à hauteur des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 décembre 2022 et le 3 mars 2023, la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, représentée par Me Gorand, conclut au rejet de la requête d'appel de la société ETMF et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société ETMF ou de toute autre partie perdante, en application des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé ;

- elle n'a pas méconnu son obligation d'information prévue par le décret du 14 octobre 1991 alors applicable ;

- elle n'a commis aucune faute dès lors qu'elle a fourni, en réponse à la déclaration d'intention de commencement de travaux (DICT), les plans de ses réseaux et a participé à leur reconnaissance ; l'expert a relevé que, bien que peu précis, les plans mentionnaient les réseaux concernés et que les entreprises n'ont pas réalisé, malgré le risque élevé d'un forage à proximité de ses réseaux, le travail de superposition entre les relevés de pieux et les plans fournis ; elles n'ont pas sollicité d'informations complémentaires ;

- la société ETMF, qui était chargée d'une mission d'implantation des forages, a concouru à la survenance du dommage ; dès lors qu'elle a participé à l'exécution des travaux, sa responsabilité à son égard est engagée solidairement avec les deux autres sociétés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2023, la société Soleffi TS, représentée par Me Jougla, conclut à titre principal, d'une part, à ce que les sociétés EGIS Villes et Transports et ETMF soient déboutées de leurs requêtes d'appel et de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre elle et, d'autre part, à la confirmation du jugement, à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés EGIS Villes et Transports et ETMF à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre sur les demandes présentées par la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, à titre infiniment subsidiaire, à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 5 %, sans solidarité avec les sociétés EGIS Villes et Transports et ETMF. Dans tous les cas, la société Soleffi TS conclut à ce que la cour mette à la charge de la sociétés ETMF, de la société EGIS Villes et Transports et de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité du maître d'œuvre est prépondérante dès lors qu'il avait une mission de base complète, comprenant notamment le recensement, le repérage des réseaux et la coordination avec les concessionnaires ;

- la communauté urbaine a également une part de responsabilité dans les dommages qu'elle a subis, dès lors qu'elle a fourni des plans imprécis ;

- la société ETMF, en sa qualité de mandataire du groupement solidaire, avait la charge de la conception de l'ouvrage et de l'implantation des pieux, la cause exclusive des dommages résultant de l'erreur d'emplacement des pieux et non de l'exécution des forages qui lui incombait ;

- chargée de la réalisation des pieux, elle n'a commis aucun manquement de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée, en dépit de la solidarité des membres du groupement ;

- sa responsabilité ne saurait excéder 5 % des condamnations ;

- la société EGIS Villes et Transports et la société ETMF doivent la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre au bénéfice de la communauté urbaine.

Par une ordonnance du 6 mars 2023, la clôture d'instruction dans l'instance n° 22DA00199 a été fixée en dernier lieu au 27 mars 2023 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance n° 1700732 du 11 septembre 2018 par laquelle les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 5 840,50 euros TTC, ont été mis à la charge de la communauté de l'agglomération havraise (CODAH).

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 ;

- le décret n° 2011-1241 du 5 octobre 2011 ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Offer pour la société ETMF.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2011, le syndicat intercommunal d'équipement des villes d'Harfleur et de Gonfreville-l'Orcher (SIEHGO) a souhaité réaménager la route d'Orcher située sur le territoire de la commune de Gonfreville-l'Orcher. Par un acte d'engagement du 7 février 2011, la mission de maîtrise d'œuvre a été confiée à la société EGIS Villes et Transports tandis que le lot n° 6 " ouvrages béton pieux forés " a été attribué à un groupement solidaire d'entreprises, composé de la société Soleffi TS et de la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux (ETMF). Les 14 et 19 juin 2012, lors des travaux de forage, les canalisations du réseau d'eaux usées et pluviales, dont la communauté de l'agglomération havraise (CODAH) était alors gestionnaire, ont été perforées en plusieurs endroits. Les travaux de réaménagement se sont ensuite poursuivis normalement puis, le 20 septembre 2013, le SIEGHO a réceptionné les travaux sans réserve avec effet au 17 juillet 2013. Par une ordonnance du 25 septembre 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen, saisi par la CODAH, a ordonné une expertise afin notamment de déterminer et de chiffrer l'étendue des désordres occasionnés à ses ouvrages d'eau et d'assainissement lors de leur percement accidentel survenu au cours des travaux d'aménagement de la route d'Orcher. L'expert a déposé son rapport le 21 juin 2018 et sur la base de ses conclusions, par une demande préalable en date du 25 mars 2019, la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, venue aux droits de la CODAH, a demandé à la société EGIS Villes et Transports ainsi qu'aux sociétés ETMF et Soleffi TS, le versement d'une somme totale de 69 630,94 euros correspondant respectivement aux travaux de réparation des canalisations estimés par l'expert, soit la somme de 55 819 euros TTC, à des frais d'investigations techniques, soit la somme de 4 971,44 euros TTC, aux frais et honoraires de l'expert, soit la somme de 5 840,50 euros TTC et, enfin, aux frais exposés pour sa défense, soit la somme de 3 000 euros TTC. En l'absence de réponse, la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner solidairement ces trois sociétés au paiement de la somme globale de 69 630,94 euros.

2. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00198, la société EGIS Villes et Transports relève appel du jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée solidairement, avec les sociétés ETMF et Soleffi TS, à verser à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole la somme de 60 760,44 euros TTC, l'a condamnée à garantir la société ETMF et la société Soleffi TS à hauteur de 50 % du montant de cette somme et a mis à sa charge définitive, solidairement avec la société ETMF, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 5 840,50 euros.

3. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00199, la société ETMF relève appel du même jugement du 7 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée solidairement, avec les sociétés EGIS Villes et Transports et Soleffi TS, à verser à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole la somme de 60 760,44 euros TTC, l'a condamnée à garantir la société EGIS Villes et Transports et la société Soleffi TS à hauteur de 50 % du montant de cette somme et a mis à sa charge définitive, solidairement avec la société EGIS Villes et Transports, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 5 840,50 euros.

Sur la jonction :

4. Les requêtes, enregistrées sous les n° 22DA00198 et n° 22DA00199, tendent à l'annulation du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

5. Si la société EGIS Villes et Transports reproche au tribunal une omission à statuer sur ses conclusions tendant à ce que le SIEGHO la garantisse des condamnations prononcées à son encontre, il ressort cependant du point 17 du jugement, consacré aux appels en garantie formés par l'ensemble des parties à l'instance, que les premiers juges y ont répondu en retenant qu'" il résulte enfin de l'instruction que les dommages occasionnés aux canalisations ne sont pas imputables au SIEHGO, ce que ne contestent d'ailleurs ni la société Egis ni la société ETMF Eiffage qui ne se prévalent d'aucune faute à l'encontre du maître d'ouvrage. ". Par suite le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Même en l'absence de faute, la collectivité maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés

à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier d'un courriel daté du 22 juin 2012 rédigé par un agent du service Entretien Assainissement de la communauté de l'agglomération havraise (CODAH), qu'au cours d'une visite de terrain effectuée le jour même, en présence notamment de représentants de la société Soleffi TS et de la société ETMF, il a été contradictoirement constaté que des forages réalisés les 14 et 16 juin 2012 par la société Soleffi avaient endommagé les réseaux d'eau et d'assainissement de la CODAH, provoquant des dégradations en quatre points du réseau d'eaux pluviales et en un point du réseau d'eaux usées. Cet incident a été confirmé dans un compte-rendu de réunion de chantier en date du 12 juillet 2012, qui mentionne que lors du forage des pieux, un problème de rencontre du réseau eaux usées est survenu, contraignant l'entreprise Soleffi à recéper les pieux déjà coulés à 45 cm minimum de la voirie projet et à abandonner la zone pour prévoir une nouvelle implantation des pieux à 50 cm, celle-ci devant être réalisée par la société ETMF. Par ailleurs, il résulte du rapport du 21 juin 2018 de l'expert désigné par le tribunal, qu'au cours des opérations d'expertise menées en présence notamment des deux entreprises de travaux concernées, les parties ont reconnu, lors d'une visite sur place, que les réseaux avaient été perforés durant la réalisation des micropieux, en quatre points pour le réseau d'eaux pluviales, et en deux points pour le réseau d'eaux usées. La localisation de ces impacts, qui avait été précisément repérée dès le mois de juillet 2012 lors d'une première inspection au moyen d'une caméra, a été confirmée par une seconde exploration effectuée en juin 2017 selon le même procédé. Dès lors qu'il est constant que les sociétés Soleffi TS et ETMF étaient chargées, dans ce secteur, de l'exécution des travaux de réalisation des ouvrages béton pieux forés, le lien de causalité entre les travaux de réaménagement de la route d'Orcher effectués par la société EGIS Villes et Transports, la société ETMF et Soleffi TS et les dommages subis par la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole est ainsi établi. Contrairement à ce que soutient la société ETMF, sa participation à la survenance de ces désordres est établie. Par suite, comme l'a jugé le tribunal, en sa qualité de tiers par rapport au travail public exécuté, la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole est fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la société EGIS Villes et Transports, de la société Soleffi TS et de la société ETMF.

8. En second lieu, aux termes de l'article 10 du décret du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution, alors en vigueur : " En ce qui concerne les travaux effectués à proximité d'ouvrages énumérés à l'article 1er autres que ceux mentionnés à l'article 9, les exploitants communiquent au moyen du récépissé prévu à l'article 8, sous leur responsabilité et avec le maximum de précisions possible tous les renseignements en leur possession sur l'emplacement de leurs ouvrages existant dans la zone où se situent les travaux projetés et y joignent les recommandations techniques écrites applicables à l'exécution des travaux à proximité desdits ouvrages. / Si les travaux, en raison de leurs conditions de réalisation telles que celles-ci sont précisées dans la déclaration souscrite par l'exécutant, rendent nécessaire le repérage, préalable et en commun, de l'emplacement sur le sol des ouvrages, les exploitants en avisent, au moyen du même récépissé, l'exécutant des travaux afin de coordonner les dispositions à prendre. / Les travaux ne peuvent être entrepris qu'après la communication des indications et recommandations fournies par les exploitants concernés. Toutefois, à défaut de réponse des exploitants concernés dans le délai fixé à l'article 8, les travaux peuvent être entrepris trois jours, jours fériés non compris, après l'envoi par l'exécutant des travaux d'une lettre de rappel confirmant son intention d'entreprendre les travaux ".

9. Ces dispositions font peser sur l'exploitant du réseau souterrain une obligation d'information précise sur le réseau à destination des entrepreneurs l'informant de leur intention de commencer des travaux publics. Il appartient toutefois aux entrepreneurs de solliciter avant de commencer leurs travaux, s'ils estiment la réponse à leur déclaration insuffisamment précise, des informations complémentaires pour identifier le réseau.

10. Il résulte de l'instruction que la société ETMF a fait parvenir à la CODAH une déclaration d'intention de commencement de travaux (DICT) datée du 21 mars 2012, précisant que les travaux nécessitant des terrassements et fouilles, consisteraient en un aménagement de la côte d'Orcher, par renforcement de la chaussée par la réalisation d'une dalle sur micropieux. L'emplacement des travaux était indiqué dans un plan joint à la déclaration. A la suite de cette déclaration, le service " connaissances des réseaux " de la direction Eau et Assainissement de la CODAH a retourné, le 23 mars 2012, le récépissé de déclaration d'intention de commencement de travaux en précisant qu'elle avait au moins un ouvrage concerné pour les réseaux d'eau potable, d'eaux usées et d'eaux pluviales et a par ailleurs indiqué l'emplacement de ses ouvrages sur des extraits de plans qu'elle a joints. Si, ainsi que l'a relevé l'expert, les plans fournis par le gestionnaire à l'échelle 1/ 2 000ème étaient peu précis, il ressort cependant du récépissé, contrairement à ce que soutient la société ETMF, que la CODAH l'a invitée expressément à prendre contact impérativement avec son représentant afin de procéder au repérage préalable et en commun de l'emplacement de ses ouvrages afin d'arrêter en commun les mesures à prendre pour en préserver la sécurité. Selon un document intitulé " fiche suivi chantier DICT " émanant de la CODAH, cosigné par l'un de ses agents et un représentant de la société ETMF, un " traçage-repérage " a été effectué lors d'une visite effectuée le 4 avril 2012, avant le commencement des travaux de forage. Si, comme l'a relevé l'expert dans son rapport, la CODAH a ainsi participé à la reconnaissance de ses réseaux et à leur indication, aucun élément ne permet d'établir que son représentant aurait effectué le marquage. En tout état de cause, comme l'a relevé le tribunal, la présence des regards correspondant aux réseaux enfouis, rendait en outre possible l'inspection visuelle puis le report, sur un plan, des réseaux d'eaux usées et pluviales permettant ensuite de les superposer au tracé envisagé pour l'implantation des micropieux. Par ailleurs, comme l'a également relevé le tribunal, il appartenait aux sociétés ETMF et Soleffi, ainsi qu'au maître d'œuvre EGIS chargé de la surveillance des travaux, de solliciter la CODAH pour obtenir des informations complémentaires pour le cas où elles se seraient estimées insuffisamment informées à l'issue du repérage effectué avec l'un de ses représentants, dont les sociétés appelantes n'allèguent au demeurant pas qu'il aurait commis des négligences en leur délivrant des informations inexactes lors de sa visite effectuée le 4 avril 2012. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la CODAH avait communiqué aux sociétés précitées, une information suffisamment précise sur la présence et l'emplacement de ses réseaux d'eau et d'assainissement et que, dans ces conditions, aucune faute du gestionnaire n'est susceptible de les exonérer, en totalité ou partiellement, des responsabilités encourues à raison des dommages causés à ses ouvrages. Dès lors, en tout état de cause, les conclusions de la société ETMF tendant à ce que la réparation des préjudices subis par la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole soit limitée à 20 % doivent être rejetées.

11. Il résulte de ce qui vient d'être dit, que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rouen a condamné solidairement la société EGIS Villes et Transports, la société ETMF et la société Soleffi TS, en leur qualité de participantes aux travaux publics d'aménagement de la route d'Orcher à l'origine des désordres affectant les ouvrages d'eau et d'assainissement de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, à réparer intégralement la totalité des préjudices directement en lien avec ces dommages, subis par cette collectivité.

Sur les appels en garantie :

En ce qui concerne les appels en garantie formés par les sociétés ETMF et EGIS Villes et Transports à l'encontre du SIEGHO :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes, sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". L'article 2 de la même loi précise que : " La prescription est interrompue par : (...) / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ". L'article 3 dispose que : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".

13. Il résulte de l'instruction que c'est par une demande préalable adressée le 25 mars 2019 aux sociétés EGIS Villes et Transports et ETMF, que la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole a sollicité l'indemnisation des préjudices consécutifs aux désordres affectant ses ouvrages d'eau et d'assainissement, qui ont pour origine l'exécution des travaux d'aménagement de la route d'Orcher. Par application des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 précitées, cette réclamation marque le point de départ de leur connaissance d'une potentielle obligation de paiement à la communauté urbaine, d'une indemnité réparant des dommages consécutifs à l'exécution de travaux publics, qui constitue le fait générateur de la créance que ces deux sociétés détiennent auprès du SIEGHO. Par conséquent, l'exception de prescription quadriennale opposée par le SIEGHO aux appels en garantie formés par les sociétés EGIS Villes et Transports et ETMF doit être écartée.

14. En second lieu, lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû à l'exécution de travaux publics, le constructeur est fondé, sauf clause contractuelle contraire et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucune réserve de sa part, même non chiffrée, concernant ce litige ne figure au décompte général du marché devenu définitif, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage, dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. Cette réception de l'ouvrage met également fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l'ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage.

15. Il résulte de l'instruction que la réception définitive des travaux exécutés par les sociétés ETMF, Soleffi TS et EGIS Villes et Transports dans le cadre du marché de travaux portant sur le réaménagement de la route d'Orcher a été prononcée sans réserve le 20 septembre 2013. Si le SIEGHO allègue que la réception du lot n° 6 a été acquise à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de la part de la société EGIS Villes et Transports, de tels agissements ne résultent pas de l'instruction dès lors qu'il ressort notamment des comptes rendus de chantier des mois de juin et juillet 2012 ainsi que du courriel de la CODAH daté du 22 juin 2012 cité au point 7, que le syndicat avait été informé de cette situation. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que le SIEGHO ait entendu prolonger la responsabilité du constructeur au-delà de la réception des travaux pour des dommages qui auraient été causés aux tiers antérieurement à celle-ci.

16. Il résulte de ce qui précède que la société EGIS Villes et Transports et la société ETMF sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions tendant à être garanties par le SIEGHO des condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole au motif qu'aucune faute n'était imputable au syndicat maître d'ouvrage des travaux d'aménagement de la route d'Orcher.

17. Il s'ensuit que la société EGIS Villes et Transports et la société ETMF doivent être garanties par le SIEGHO, en qualité de maître d'ouvrage, pour la totalité des préjudices que le jugement du 7 décembre 2021 attaqué les a condamnées à indemniser à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole.

18. Il y a lieu, dans cette mesure, de réformer le jugement du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Rouen.

En ce qui concerne l'appel en garantie formé par le SIEGHO à l'encontre de la société EGIS Villes et Transports :

19. Ainsi qu'il a été dit au point 15 du présent arrêt, la réception définitive des travaux du lot n° 6 a mis fin à la relation contractuelle entre la société EGIS Villes et Transports et le SIEGHO. Par suite, et dès lors que sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû à l'exécution de travaux publics, le SIEGHO ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la faute consistant en un manquement à son devoir de conseil, qu'aurait commise la société EGIS Villes et Transports, en sa qualité de maître d'œuvre des travaux d'aménagement de la route d'Orcher. Par suite, l'appel en garantie formé par le SIEGHO à l'encontre de la société EGIS Villes et Transports doit être rejeté.

En ce qui concerne les appels en garantie formés entre les constructeurs participant aux travaux :

20. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la perforation des canalisations trouve son origine dans l'erreur de conception initiale du maître d'œuvre qui a fait le choix, malgré les risques existants, et alors qu'il était pleinement informé de la situation, de recourir à un procédé de battage de pieux à proximité immédiate de réseaux denses. Par ailleurs, selon la répartition des prestations opérée entre les membres du groupement d'entreprises constitué par les sociétés ETMF et Soleffi TS, il n'est également pas contesté que la société EGIS, qui était chargée du recensement des réseaux, n'a pas fait preuve, après les premiers désordres, de réactivité dans le suivi du chantier. Par ailleurs, l'expert a pu relever que la société ETMF, qui était chargée contractuellement de l'implantation des micropieux, a commis des négligences en s'abstenant de procéder à la superposition des relevés de réseaux avec les plans des micropieux. L'expert a par ailleurs indiqué qu'au vu des plans fournis par la CODAH et dont elle disposait, la société ETMF pouvait techniquement mesurer le décalage latéral des canalisations. Dès lors, tant la société EGIS que la société ETMF ont commis des fautes dans la conception et dans l'exécution des travaux qui sont à l'origine des dommages subis par la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole. En revanche, alors même qu'elle a percé les différentes canalisations, la société Soleffi TS, qui était contractuellement tenue à la seule réalisation des micropieux, n'a commis aucune négligence particulière dans l'exécution des travaux.

21. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société EGIS Villes et Transports à garantir la société ETMF et la société Soleffi TS à hauteur de 50 % de la condamnation de 60 760,44 euros. C'est également à bon droit qu'ils ont condamné la société ETMF à garantir la société EGIS Villes et Transports et la société Soleffi TS à hauteur de 50 % de la condamnation de 60 760,44 euros.

22. Enfin, dès lors qu'il est fait droit aux conclusions principales de la société Soleffi TS tendant au rejet de la requête n° 22DA00199 en tant qu'elles la concernent, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions subsidiaires d'appel incident et d'appel provoqué qu'elle présente à l'encontre de la société EGIS Villes et Transports et de la société ETMF.

Sur les frais de l'instance :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole et de la société Soleffi TS, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties tenues aux dépens ou les parties perdantes, la somme demandée par la société ETMF et la société EGIS Villes et Transport au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

24. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société EGIS Villes et Transports présentées sur le fondement des dispositions de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'égard du SIEGHO non plus que de faire droit aux conclusions du SIEGHO tendant aux mêmes fins, à l'encontre de la société EGIS Villes et Transports et de la société ETMF.

25. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société EGIS Villes et Transports et de la société ETMF, chacune, une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole et la société Soleffi TS et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le syndicat intercommunal d'équipement des villes d'Harfleur et de Gonfreville-l'Orcher est condamné à garantir la société EGIS Villes et Transports et la société ETMF de l'intégralité des condamnations mises à leur charge par l'article 1er du jugement n° 1902572 du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Rouen.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société EGIS Villes et Transports est rejeté.

Article 3 : La société EGIS Villes et Transports versera à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole et à la société Soleffi TS, chacune, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société ETMF est rejeté.

Article 5 : La société ETMF versera à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole et à la société Soleffi TS, chacune, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des autres parties est rejeté.

Article 7 : L'article 6 du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 7 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole, à la société EGIS Villes et Transports, à la société Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux, à la société Soleffi TS et au syndicat intercommunal d'équipement des villes d'Harfleur et de Gonfreville-l'Orcher.

Délibéré après l'audience publique du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

Nos 22DA00198, 22DA00199 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00198
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SELARL EKIS AVOCATS;SCP BILLEBEAU - MARINACCE;SELARL EKIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-23;22da00198 ?
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