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16/05/2023 | FRANCE | N°22DA00856

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 16 mai 2023, 22DA00856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Lens à lui verser une somme de 18 030,86 en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1905896 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 avril 2022 et 28 février 2023, Mme B..., représentée par Me Manon Leuliet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen

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2°) de condamner le centre hospitalier de Lens à lui verser les sommes respectives de 15 000 euro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Lens à lui verser une somme de 18 030,86 en réparation de ses préjudices.

Par un jugement n° 1905896 du 8 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 avril 2022 et 28 février 2023, Mme B..., représentée par Me Manon Leuliet, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Lens à lui verser les sommes respectives de 15 000 euros et 3 030,86 euros au titre de ses préjudices moral et financier ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Lens une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le comportement de la direction face à ses restrictions médicales et au refus de la réintégrer sur un poste adapté à son état de santé doit être regardé comme un harcèlement moral ;

- elle a été exposée à des brimades de ses collègues ainsi qu'à des propos discriminatoires en raison de ses origines ;

- ces agissements constitutifs de harcèlement moral ont dégradé son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2022, le centre hospitalier de Lens, représenté par Me Jean-François Ségard, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle à 55 % par décision du 24 février 2022.

Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,

- et les observations de Me Manon Leuliet, représentant Mme B... et de Me Jean François Ségard, représentant le centre hospitalier de Lens.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B... a été recrutée en 2000 en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié au centre hospitalier de Lens. Elle a été placée en congé pour maladie ordinaire du 13 décembre 2007 au 12 décembre 2008, en congé de longue maladie du 16 février 2009 au 23 août 2010, en congé de longue durée du 24 août 2010 au 23 août 2014 et en disponibilité d'office pour raison de santé du 24 août 2014 au 15 février 2016, date à laquelle elle a été placée en congé de maladie ordinaire. Elle a été placée en arrêt maladie pour accident de travail du 2 au 21 mars 2016 puis a repris le travail le 22 mars 2016. Puis Mme B... a été placée en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 3 mars 2018. Elle relève appel du jugement n° 1905896 du 8 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de son employeur à indemniser les conséquences dommageables du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. En premier lieu, Mme B... soutient que le comportement de la direction du centre hospitalier face aux prescriptions médicales et au refus de la réintégrer sur un poste adapté à son état de santé doit être regardé comme un harcèlement moral. Il résulte des avis médicaux produits au dossier émanant soit du service interne de l'hôpital de médecine du travail, soit d'experts indépendants, que l'agent a été reconnu apte au service à condition de ne pas avoir de contact avec les patients. Un avis du 25 mai 2013 recommande de l'affecter sur un poste sans station debout prolongée compte tenu d'une pathologie aux membres inférieurs. En dépit de cet avis, l'administration l'a maintenue au sein du service de nettoyage des locaux de l'hôpital en service de soirée lorsqu'elle a repris ses fonctions le 14 janvier 2016 à l'issue d'une période de congés de longue maladie, de longue durée et de disponibilité d'office. Or, l'administration ne pouvait pas continuer d'affecter Mme B... dans un service de nettoyage qui nécessite une station debout prolongée. En outre, il résulte des motifs du jugement du tribunal administratif de Lille n° 1911001 du 30 mars 2022 que le centre hospitalier de Lens n'a produit aucun élément permettant d'établir l'absence de poste disponible afin de l'affecter à l'issue de la période de disponibilité d'office pour raisons de santé. Toutefois, ces éléments de fait ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral compte tenu, d'une part, de la difficulté de trouver un poste disponible et adapté aux prescriptions de la médecine du travail et des experts ayant déconseillé une affectation en unité de soins ou en contact avec le public à compter du 14 janvier 2016 et, d'autre part, du comportement irrespectueux de l'agent qui a été sanctionné d'un blâme le 13 octobre 2016 en raison de menaces proférées à l'encontre d'une supérieure et qui a fait l'objet de plusieurs rapports défavorables quant à son attitude les 17 avril 2002, 30 janvier 2004, 27 juin 2015, 21 décembre 2016, 19 janvier 2017 et 2 mars 2017.

5. En deuxième lieu, l'appelante n'établit pas avoir souffert de brimades de la part de ses collègues. Au contraire, il résulte de l'instruction que Mme B... était à l'origine de tensions au sein du service de nettoyage et provoquait des altercations avec ses encadrants. En particulier, le rapport rédigé le 19 janvier 2017 déplore les retards de l'agent, des propos péremptoires et ses railleries à l'encontre de ses collègues. Dans ces circonstances, l'appelante ne justifie pas que les propos tenus par ses collègues à son égard seraient susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

6. En dernier lieu, si Mme B... soutient avoir été victime de propos discriminatoires à raisons de ses origines, elle n'apporte aucune précision suffisante pour permettre à la juridiction d'en apprécier le bien-fondé.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier de Lens qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'intimé présentées à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Lens au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Lens.

Délibéré après l'audience publique du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA00856


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00856
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : SHBK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-16;22da00856 ?
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