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09/05/2023 | FRANCE | N°22DA02068

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 mai 2023, 22DA02068


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans

le délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement ou, à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2200709 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 2 décembre 2021 du préfet de la Seine-Maritime, a enjoint à l'autorité préfectorale territorialement compétente de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 octobre 2022, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de l'appelante ni même de son père et il n'est pas établi que les enfants se trouveraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité hors de France ;

- Mme A... n'apporte aucune preuve de son mariage ;

- la vie commune avec son compagnon est récente ; celui-ci ne prouve pas ne pas pouvoir bénéficier de soin ni de suivi dans son pays d'origine ;

- l'arrêté attaqué est suffisamment motivé ;

- il ne méconnaît pas l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne méconnaît pas l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2022, Mme C... A..., représentée par Me Bidault, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2021 par lequel le préfet de

la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pour la durée de cet examen une autorisation provisoire de séjour, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la requête d'appel reproduit à l'identique le mémoire en défense du préfet en première instance, elle ne contient ainsi aucune critique du jugement attaqué ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Mme A... a été maintenue au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2022.

Par ordonnance du 17 février 2023 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 10 mars 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante nigériane née le 18 juin 1980 à Lagos, a sollicité un titre de séjour le 17 mars 2017. Par un arrêté du 23 mai 2019, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 8 novembre 2019 du tribunal administratif de Rouen et un arrêt du 12 mars 2020 de la cour administrative d'appel de Douai, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination du pays dans lequel elle était légalement admissible. Le 15 juillet 2021, Mme A... a de nouveau sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Seine-Maritime par arrêté du 2 décembre 2021, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an. Par un jugement du 4 octobre 2022 le tribunal administratif de Rouen a notamment annulé cet arrêté du 2 décembre 2021 et a enjoint à l'autorité préfectorale territorialement compétente de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Le préfet de la Seine-Maritime relève appel de ce jugement.

2. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en 2016 pour rejoindre son compagnon, alors handicapé après un accident vasculaire cérébral, avec lequel elle soutient être liée par un " mariage coutumier ". Celui-ci est titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2028. Mme A... et son compagnon vivent avec deux de leurs enfants, une fille étant restée dans le pays d'origine de l'appelante. Dans ces conditions, eu égard aux liens que l'appelante entretient avec ses enfants et son compagnon, dont la réalité et l'intensité ne sont d'ailleurs pas contestées en défense, le refus de titre de séjour opposé à Mme A... doit être regardé comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de ses deux enfants et porte une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale. Par suite, et alors même que leur fille devenue majeure réside toujours au Nigéria, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par Mme A..., que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 4 octobre 2022 le tribunal administratif de Rouen a notamment annulé l'arrêté du 2 décembre 2021. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme C... A... et à Me Bidault.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. B...

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 22DA02068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02068
Date de la décision : 09/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : BIDAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-09;22da02068 ?
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