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09/05/2023 | FRANCE | N°22DA00726

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 mai 2023, 22DA00726


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 7 novembre 2019 par laquelle le directeur de la direction interdépartementale des routes Nord a procédé à une retenue sur son traitement pour service non fait, d'annuler la décision du 8 novembre 2019 par laquelle le directeur de la direction interdépartementale des routes Nord l'a affecté provisoirement à un nouveau poste, d'enjoindre au directeur de la direction interdépartementale des routes Nord de le réintégrer sur

son ancien poste dans un délai d'un mois à compter de la notification du ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 7 novembre 2019 par laquelle le directeur de la direction interdépartementale des routes Nord a procédé à une retenue sur son traitement pour service non fait, d'annuler la décision du 8 novembre 2019 par laquelle le directeur de la direction interdépartementale des routes Nord l'a affecté provisoirement à un nouveau poste, d'enjoindre au directeur de la direction interdépartementale des routes Nord de le réintégrer sur son ancien poste dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, avec restitution de son entier traitement depuis le 15 novembre 2019 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003342 du 9 février 2022 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2022, M. A... B..., représenté par Me Robilliart, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 7 novembre 2019 par laquelle le directeur de la direction interdépartementale des routes Nord a procédé à une retenue sur son traitement pour service non fait ;

3°) d'annuler la décision du 8 novembre 2019 par laquelle le directeur de la direction interdépartementale des routes Nord l'a affecté provisoirement à un nouveau poste ;

4°) d'enjoindre au directeur de la direction interdépartementale des routes Nord de le réintégrer sur son ancien poste dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, avec restitution de son entier traitement depuis le 15 novembre 2019 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 7 novembre 2019 a été édictée par une autorité incompétente ;

- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 4 de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 car elle est fondée sur une norme ayant fait l'objet d'une interprétation inexacte ;

- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il justifie avoir exécuté la totalité de ses missions ;

- elle constitue une sanction déguisée dès lors que sa nouvelle affectation emporte une perte de responsabilités et de rémunération ;

- elle est entachée d'une erreur de droit.

Par mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions à fin d'annulation du courrier du 8 novembre 2019 sont irrecevables dès lors que ce courrier constitue une simple proposition d'affectation et ne fait ainsi pas grief à M. B... ;

- les moyens soulevés par l'appelant à l'encontre de la décision du 7 novembre 2019 ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 25 octobre 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 novembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Robilliart, représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., technicien supérieur en chef du développement durable au sein de la direction interdépartementale des routes (DIR) du Nord, exerçait depuis le 1er janvier 2017 les fonctions de chef de la cellule " Politiques de la route ". Le 30 mars 2019, sa supérieure hiérarchique lui a demandé de compléter un tableau afin qu'il justifie du pointage de plusieurs missions qu'il avait indiqué avoir effectuées en 2018 et en 2019. M. B... a complété ce tableau le jour-même. Le 23 avril 2019, il a été reçu par sa supérieure hiérarchique dans le cadre d'un entretien visant à obtenir des informations complémentaires quant aux pointages de ses missions, les éléments transmis le 30 mars 2019 ayant été considéré insuffisants. Le directeur de la DIR du Nord a demandé à M. B..., par un courrier du 15 juillet 2019, de lui communiquer les justificatifs de missions déclarées les 6, 9 et 19 avril 2018, 22 et 20 mai 2018, 20 et 28 juin 2018, 4 et 11 juillet 2018, 29 août 2018, 26 septembre 2018, 1er et 29 octobre 2018, 8, 13, 16 et 27 novembre 2018, 4 décembre 2018, 24 et 25 janvier 2019 et 13, 21 et 28 février 2019. Par une décision du 15 juillet 2019, le directeur adjoint " entretien exploitation " de la DIR du Nord a prononcé la suspension, à titre conservatoire, de M. B... de ses fonctions à compter du même jour. Par une décision du 7 novembre 2019, le directeur de la DIR du Nord a notifié, à l'intéressé, une retenue sur traitement pour service non fait à hauteur de vingt-deux trentièmes de son traitement, au motif de l'absence de justification de vingt-deux missions déclarées. Par un courrier du 8 novembre 2019, le directeur de la DIR du Nord a informé M. B... de ce qu'à expiration du délai de la suspension à titre conservatoire dont il faisait l'objet, et dans l'attente de la procédure disciplinaire et de sa mutation, il était nécessaire de l'affecter sur un autre poste, notamment dans l'intérêt du service, a proposé à l'intéressé une affectation provisoire sur un poste de chargé de mission auprès de la DIR du Nord et l'a invité à se présenter le 15 novembre 2019 au secrétariat de la direction pour échanger sur cette proposition. M. B... a formé un recours hiérarchique par courrier du 6 janvier 2020, auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire à l'encontre de la décision du 7 novembre 2019 et du courrier du 8 novembre 2019. Par un jugement du 9 février 2022 le tribunal administratif de Lille a notamment rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 7 novembre 2019 et du courrier du 8 novembre 2019. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la direction interdépartementale des routes Nord :

2. Par une lettre du 8 novembre 2019 ayant pour objet " proposition d'affectation provisoire " à laquelle était jointe une fiche de poste, le directeur de la DIR du Nord a proposé à M. B... de l'affecter provisoirement sur un poste de chargé de mission et l'a invité à se présenter au secrétariat de la direction le 15 novembre 2019 pour échanger avec lui à ce sujet. Ce courrier ne comporte qu'une simple proposition d'affectation provisoire, n'a pas de caractère décisoire et ne fait pas grief à M. B.... Les circonstances que ce changement d'affectation soit effectivement intervenu ultérieurement dans l'intérêt du service, qu'il aurait entraîné, pour M. B..., une diminution de ses responsabilités équivalant à une rétrogradation à un poste de catégorie B alors qu'il était initialement affecté à un poste de catégorie A ou B+, qu'il aurait subi une baisse de rémunération à hauteur de 1 997 euros par an et qu'il aurait subi une sanction disciplinaire déguisée sont sans incidence sur le caractère non décisoire de ce courrier. Par suite, il n'est pas recevable à en demander l'annulation.

Sur la légalité de la décision du 7 novembre 2019 :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ". Aux termes de l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961 de finances rectificative pour 1961 : " (...) L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité (...) / II n'y a pas service fait : / 1° Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services ; / 2° Lorsque l'agent, bien qu'effectuant ses heures de service, n'exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s'attachent à sa fonction telles qu'elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l'autorité compétente dans le cadre des lois et règlements. (...) ". Selon le règlement intérieur de la DIR Nord qui définit les modalités de temps de travail mises en place au sein de la DIR Nord, les agents en horaire variable, ont l'obligation de consigner leur temps de travail dans le système de décompte du temps en vigueur, par " badgeage " ou par déclaration en cas de déplacements ou autre absence justifiée du bureau. Il est également prévu que les responsables ou chefs de cellule peuvent procéder aux contrôles qu'ils jugent nécessaires afin de vérifier le temps de travail effectif des collaborateurs.

4. Alors que sa supérieure hiérarchique lui avait demandé en mars 2019 de produire des justifications de déplacements, demande renouvelée par le directeur de la DIR Nord, le 15 juillet 2019, M. B... n'a produit, notamment lors d'un entretien ayant eu lieu le 23 avril 2019, aucun des justificatifs de ses déplacements sur le périmètre de la DIR Nord qu'il avait déclarés, en particulier sur le temps de pause méridienne, dans le logiciel réservé à cet effet.

5. M. B... soutient que les missions des agents de la DIR Nord ne sont encadrées ni dans leur nature, ni dans leurs modalités, et qu'il effectue un travail de terrain le conduisant à se déplacer sur tout le périmètre de la DIR Nord. Mais ces circonstances n'empêchaient pas sa hiérarchie de vérifier l'exactitude de ses déclarations quant à ses déplacements, conformément au règlement intérieur pris dans le cadre de l'article 4 de la loi du 29 juillet 1961. La circonstance qu'une telle demande de justificatifs pour les missions effectuées n'ait été imposée à aucun autre agent du service ne justifiait pas qu'il s'exonère d'apporter les justificatifs requis. Enfin si M. B... soutient qu'il n'a pas pu justifier toutes les missions effectuées sur les vingt-deux journées ayant donné lieu à une retenue sur traitement car ces éléments lui ont été demandés la veille de son départ en congés et que lors de son retour, son agenda et son ordinateur avaient été saisi par son employeur, il reconnaît toutefois qu'il a disposé d'une journée pour justifier de ses déplacements avant son départ et l'administration fait valoir, sans être contredite, qu'il a pu accéder, ultérieurement, à sa messagerie et à son agenda par son ordinateur et son téléphone jusqu'au 16 juillet 2019.

6. Dans ces conditions, l'absence de service fait résulte de la seule absence de justification, par M. B..., de la teneur des vingt-deux missions mentionnées ci-dessus qu'il a déclarées. Il suit de là que c'est sans commettre d'erreur de fait ou d'erreur de droit que le directeur de la DIR Nord a notifié à M. B... une retenue sur traitement pour service non fait à hauteur de vingt-deux trentièmes de son traitement, au motif de l'absence de justification de vingt-deux missions déclarées.

7. Dès lors, l'administration se trouvait en situation de compétence liée pour procéder à la retenue de vingt-deux trentièmes du traitement de M. B... pour absence de service fait. Par suite, les autres moyens soulevés, qui ne mettent pas en cause le bien-fondé de l'application de cette théorie de la compétence liée aux circonstances de l'espèce sont inopérants.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 février 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience publique du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière

C. Huls-Carlier

2

N° 22DA00726


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00726
Date de la décision : 09/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SELARL ROBILLIART

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-09;22da00726 ?
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