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09/05/2023 | FRANCE | N°22DA00385

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 mai 2023, 22DA00385


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CM-CIC Leasing solutions a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Porcheux à lui verser la somme de 169 959,96 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation pour motif d'intérêt général du contrat conclu le 15 avril 2014, de condamner la commune de Porcheux à lui restituer le matériel objet du contrat résilié et de mettre à la charge de la commune de Porcheux la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice

administrative.

Par un jugement n° 1904196 du 28 décembre 2021 le tribunal ad...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CM-CIC Leasing solutions a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Porcheux à lui verser la somme de 169 959,96 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation pour motif d'intérêt général du contrat conclu le 15 avril 2014, de condamner la commune de Porcheux à lui restituer le matériel objet du contrat résilié et de mettre à la charge de la commune de Porcheux la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904196 du 28 décembre 2021 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par la société CM-CIC Leasing solutions, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées par la société CM-CIC Leasing solutions et rejeté les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 21 février, 21 octobre et 1er décembre 2022, la société CM-CIC Leasing solutions, représentée par Me Pichon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Porcheux à lui verser la somme de 87 264,51 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation pour motif d'intérêt général du contrat conclu le 15 avril 2014 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Porcheux la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la résiliation pour motif d'intérêt général du contrat du 15 avril 2014 engage la responsabilité sans faute de la commune de Porcheux ;

- elle a subi un préjudice financier ;

- elle n'a commis aucune faute.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 mars, 6 octobre, 10 novembre et 19 décembre 2022, la commune de Porcheux, représentée par Me Schmitt, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société CM-CIC Leasing solutions la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société a commis une faute de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;

- l'évaluation du préjudice est en tout état de cause excessive ;

- la société n'a entrepris aucune démarche pour récupérer le matériel et a ainsi contribué à la survenance de son préjudice.

Par ordonnance du 20 décembre 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Migault, représentant la société CM-CIC Leasing solutions et de Me Blanchard, représentant la commune de Porcheux.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat conclu le 15 avril 2014, la société GE Capital Equipement Finance a loué à la commune de Porcheux un photocopieur jusqu'au 30 septembre 2019. Par courrier du 23 avril 2015, la commune de Porcheux l'a informée de sa décision de résilier le contrat pour un motif d'intérêt général tiré de ce que la panne du matériel depuis deux mois entraînait un dysfonctionnement du service. La société CM-CIC Leasing solutions, venant aux droits de la société GE Capital Equipement Finance, a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Porcheux à l'indemniser pour faute contractuelle. Par un jugement n° 1600071 du 17 avril 2018, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la commune de Porcheux à verser à la société CM-CIC Leasing Solutions une somme de 14 633,97 euros toutes taxes comprises correspondant à des impayés de loyer et une somme de 1 463,397 au titre d'une pénalité contractuelle de retard, mais a rejeté la demande d'indemnité et de pénalités de résiliation. Par un arrêt n° 18DA01149 et 18DA01251 du 9 mars 2020, la cour administrative d'appel a réduit la somme mise à la charge de la commune au titre des impayés de loyers à 2 276,40 euros, rejeté les demandes indemnitaires fondées sur la responsabilité sans faute pour motif d'intérêt général comme nouvelles en appel et a enjoint à la commune de restituer le photocopieur. La société CM-CIC Leasing Solutions est revenue devant le tribunal administratif d'Amiens pour être indemnisée à raison de la résiliation pour motif d'intérêt général en mettant en avant, notamment, le coût d'acquisition du matériel qu'elle estime devenu obsolète. Par un jugement n° 1904196 du 28 décembre 2021 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de la société CM-CIC Leasing Solutions tendant à la condamnation de la commune de Porcheux à lui verser la somme de 169 959,96 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette résiliation et jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction à restitution du matériel, mesure déjà ordonnée par la cour administrative d'appel. La société CM-CIC Leasing Solutions, relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En relevant par le jugement attaqué que " Si la société requérante fait valoir qu'elle n'aurait pas pu relouer le photocopieur (...) elle ne conteste pas qu'elle aurait pu retourner le matériel au fournisseur. " les premiers juges n'ont fait que fonder leur décision sur le moyen opposé par la commune défenderesse tiré de ce que la faute de la société était de nature à l'exonérer de toute responsabilité et que la société a, par son abstention, directement concouru à la survenance des préjudices invoqués. Par suite, le moyen tiré de ce que les juges de première instance ont soulevé un moyen d'office sans en avoir préalablement informé les parties, méconnaissant le principe du contradictoire et entachant d'irrégularité leur jugement, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. La société CM-CIC Leasing solutions reprend, devant la cour, ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Porcheux en limitant sa demande à la somme de 87 264,51 euros toutes taxes comprises, correspondant au préjudice subi du fait de la résiliation du contrat conclu le 15 avril 2014 pour motif d'intérêt général, de la perte des sommes qui auraient dû être versées pour l'amortissement du matériel et du manque à gagner. Elle ne reprend pas, en cause d'appel, ses conclusions tendant à ce que le matériel lui soit restitué.

4. En vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d'intérêt général, résilier unilatéralement un contrat administratif, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant. Il s'agit alors d'un cas de responsabilité sans faute. En cas de résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général, le cocontractant a droit à être indemnisé tant de la perte subie, c'est-à-dire des frais exposés sans contrepartie, que du manque à gagner. Toutefois l'indemnisation du cocontractant est soumise à conditions.

5. Tout d'abord, lorsque le juge administratif est saisi d'une demande d'indemnisation du manque à gagner résultant de la résiliation unilatérale d'un marché public pour motif d'intérêt général, il lui appartient, pour apprécier l'existence d'un préjudice et en évaluer le montant, de tenir compte du bénéfice que le requérant a, le cas échéant, tiré de la réalisation, en qualité de titulaire ou de sous-traitant d'un nouveau marché passé par le pouvoir adjudicateur, de tout ou partie des prestations qui lui avaient été confiées par le marché résilié. Dans l'hypothèse où, à la date à laquelle le juge statue sur le litige relatif à la résiliation, il résulte de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce que, alors même qu'il n'a pas exécuté de telles prestations dans les conditions mentionnées ci-dessus ou que leur exécution n'est pas en cours, le titulaire du marché résilié est susceptible d'être chargé, dans un délai raisonnable, de tout ou partie de ces prestations à l'occasion d'un nouveau marché, il appartient au juge de surseoir à statuer sur l'existence et l'évaluation du préjudice né de la résiliation. Ensuite, le juge doit aussi tenir compte de l'éventuelle faute du cocontractant qui aurait concouru, par son attitude, à la survenance du préjudice dont il demande réparation.

6. La société CM-CIC Leasing solutions soutient qu'elle n'est que simple financeur, qu'elle n'avait pas la possibilité de restituer le matériel au fournisseur aucune disposition ne prévoyant cette possibilité et que le matériel était devenu obsolète. Mais l'article 11.2 du contrat relatif aux modalités de restitution du matériel en cas de résiliation prévoyait l'obligation, pour le locataire, de restituer le matériel en un lieu désigné par le bailleur. A défaut, le bailleur pouvait faire enlever le matériel en tous lieux où il se trouvait. La société CM-CIC Leasing solutions n'a ainsi pas réagi pour reprendre son matériel qui était tenu à sa disposition du 27 avril 2015, date de résiliation du contrat et le 6 novembre 2020, date de restitution du bien. Elle a ainsi, par sa propre inertie, fait elle-même obstacle à ce qu'elle puisse récupérer ce matériel dès 2015, voire le relouer ou tenter de le revendre. Elle a donc directement concouru à la survenance du préjudice qu'elle invoque désormais, ce qu'elle ne conteste pas utilement devant la cour. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation en estimant que l'appelante avait contribué à la réalisation du préjudice dont elle demande l'indemnisation doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société CM-CIC Leasing solutions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 décembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions indemnitaires. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CM-CIC Leasing solutions la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Porcheux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société CM-CIC Leasing solutions est rejetée.

Article 2 : La société CM-CIC Leasing solutions versera à la commune de Porcheux la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CM-CIC Leasing solutions et à la commune de Porcheux.

Délibéré après l'audience publique du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. A...

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la préfète de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière

C. Huls-Carlier

2

N° 22DA00385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00385
Date de la décision : 09/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : AARPI SCHMITT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-09;22da00385 ?
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