La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/05/2023 | FRANCE | N°21DA00591

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 mai 2023, 21DA00591


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se soit prononcé sur le point de savoir si elle est de nationalité française, le tribunal judiciaire de Lille ayant été saisi de cette question le 14 décembre 2020, à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de tre

nte jours et a fixé son pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, à titre principal, d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se soit prononcé sur le point de savoir si elle est de nationalité française, le tribunal judiciaire de Lille ayant été saisi de cette question le 14 décembre 2020, à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut d'enjoindre au préfet de l'Eure de réexaminer sa situation et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2004319 du 12 février 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Costamagna, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se soit prononcé sur le point de savoir si elle est de nationalité française, le tribunal judiciaire de Lille ayant été saisi de cette question le 14 décembre 2020 ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ayant été reconnue par un ressortissant français lorsqu'elle avait quatorze ans, elle est française par filiation, de sorte qu'il convient de surseoir à statuer sur sa nationalité jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur cette question ;

- la décision refusant l'admission au séjour est entachée d'une erreur de fait ; le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est dépourvue de base légale, la décision de refus de titre de séjour étant illégale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2021, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le tribunal administratif de Rouen a écarté l'exception de nationalité française ;

- aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par un arrêt du 3 février 2022, la cour de céans a sursis à statuer sur la requête de Mme B... jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Lille se soit prononcé sur la question de savoir si Mme B... est de nationalité française.

Par une ordonnance du 21 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 14 mars 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 8 février 1998 à Antalaha (Madagascar), est entrée en France le 5 septembre 2017 démunie de visa. Elle a épousé, le 25 janvier 2020, un ressortissant français et a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en tant que conjointe de français. Par un arrêté du 5 octobre 2020, le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 12 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme B... se prévalant de la nationalité française, la cour de céans a considéré, par un arrêt du 3 février 2022, que l'exception de nationalité soulevée présentant une difficulté sérieuse, il y avait lieu de poser une question préjudicielle à la juridiction judiciaire et, dans l'attente de sa réponse, de surseoir à statuer sur la requête.

Sur l'exception de nationalité française :

2. Le tribunal judiciaire de Lille, par un jugement du 2 septembre 2022 rendu en réponse à la question préjudicielle posée par la cour le 3 février 2022, a décidé que Mme C... n'est pas de nationalité française. Par suite, le moyen tiré de l'exception de nationalité française doit être écarté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, contrairement à ce que soutient l'appelante, celui-ci mentionne la présence de sa mère en France depuis au moins dix ans. En outre, la circonstance que le préfet de l'Eure a omis de faire état des démarches que l'appelante a engagées pour l'obtention de la nationalité française par filiation paternelle ne saurait être regardée comme constitutive d'une erreur de fait. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure ne se serait pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 5 septembre 2017. Si elle a épousé un ressortissant français, le 25 janvier 2020, elle n'établit pas l'ancienneté de la communauté de vie avec celui-ci en se bornant à produire un courrier d'EDF en date du 24 octobre 2019, une procuration bancaire datée du 10 juin 2020, un avis d'échéance ainsi qu'une quittance de loyer en date du 1er septembre 2020. Par ailleurs, si l'intéressée se prévaut de la présence de ses parents sur le territoire français, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où réside sa sœur et où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. Enfin, elle ne démontre pas que sa présence auprès de sa mère dont l'état de santé se serait dégradé et qui vit en France depuis dix-huit ans, serait indispensable. Par suite, eu égard notamment au caractère récent de sa présence et des conditions de son séjour en France, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que Mme B... n'est pas fondée à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 5, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision en litige doivent être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 18 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. Malfoy

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 21DA00591 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00591
Date de la décision : 09/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : COSTAMAGNA

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-09;21da00591 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award