Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.
Par un jugement no 1811310 du 5 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 décembre 2021 et le 20 mai 2022, M. A..., représenté par Me Roumazeille, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration, à l'occasion du contrôle sur pièces et de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont il avait précédemment fait l'objet, a pris une position formelle qui lui est opposable ;
- les travaux qu'il a réalisés concernaient uniquement l'habitation ancienne et non la grange rénovée ;
- l'administration n'apporte pas la preuve du contraire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2022, et un mémoire, enregistré le 10 novembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a acquis, le 19 janvier 2009, un ensemble immobilier situé à Le Doulieu (Nord) composé d'un bâtiment à usage d'habitation préexistant et d'une grange transformée en habitation. Le 30 mai 2018, M. A... a présenté une réclamation auprès de l'administration fiscale tendant à la prise en compte, au titre de ses revenus fonciers des années 2014 à 2016, des déficits fonciers nés antérieurement et résultant des travaux réalisés dans cet ensemble immobilier, ainsi qu'à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à sa charge au titre des années 2015 et 2016. A la suite du rejet de cette réclamation par une décision du 30 mai 2018, M. A... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille. Par un jugement du 5 novembre 2021 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 50 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'elle a procédé à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, l'administration des impôts ne peut plus procéder à des rectifications pour la même période et pour le même impôt, à moins que le contribuable ne lui ait fourni des éléments incomplets ou inexacts (...) ". Aux termes de l'article de l'article L. 80 A de ce livre, dans sa rédaction applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".
3. D'une part, il résulte de l'instruction que M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur ses revenus fonciers au titre des années 2008 à 2013, à l'occasion duquel deux demandes de renseignements lui ont été adressées les 15 novembre 2014 et 6 février 2015, et qui n'a abouti à aucune rectification. M. A... a également fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2013 et 2014, lequel a abouti à la mise à sa charge de cotisations d'impôt sur le revenu, sans pour autant que n'aient été remis en cause les revenus fonciers perçus par le contribuable. Par sa décision du 30 mai 2018 rejetant la réclamation de M. A..., l'administration fiscale n'a procédé à aucune rectification pour la même période mais s'est bornée à refuser de prendre en compte des déclarations rectificatives au titre des revenus fonciers perçus par l'intéressé en 2014, 2015 et 2016. De plus, ces précédentes vérifications ne faisaient pas obstacle à ce que l'administration fiscale remette en cause la déduction d'un déficit antérieur sur les années 2014 à 2016. Dès lors, l'administration n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 50 du livre des procédures fiscales, ni les principes de sécurité juridique et de loyauté à l'égard du contribuable.
4. D'autre part, la circonstance selon laquelle les précédentes vérifications dont a fait l'objet M. A... n'ont abouti à aucune rectification au titre de ses revenus fonciers ne peut être regardée comme impliquant une interprétation formelle d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, M. A... ne peut utilement soutenir que l'absence de rectification constitue une prise de position tacite de l'administration fiscale au sens du deuxième alinéa du même article créé par l'article 9 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, lequel n'était applicable ni à la date des contrôles dont a fait l'objet M. A..., ni au surplus à la date de la décision de rejet de sa réclamation.
5. En second lieu, aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent pas venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu. La réserve de jouissance est établie, notamment, par l'accomplissement ou non de diligences ayant pour objet de donner le bien en location.
6. Pour refuser à M. A... le bénéfice du report du déficit foncier résultant des travaux réalisés dans l'ensemble immobilier dont il est propriétaire à Le Doulieu, l'administration fiscale s'est fondée sur le fait que, d'une part, ces travaux avaient été réalisés sur le bâtiment à usage de grange transformé en habitation, lequel n'a jamais été mis à la location, d'autre part, sur l'impossibilité de différencier les travaux réalisés dans ce bâtiment de ceux réalisés dans le bâtiment à usage d'habitation préexistant, lequel a été mis en location, enfin, sur l'absence d'intention de mettre en location ce dernier bâtiment au moment de la réalisation des travaux en cause.
7. Il résulte de l'instruction, en particulier des pièces produites en appel par M. A..., dont, notamment, les attestations établies par le maire de la commune de Le Doulieu, par l'architecte en charge des travaux de transformation de la grange en habitation et par un salarié ayant participé à la réalisation de ces travaux, que ces derniers travaux étaient achevés à la date d'acquisition de l'ensemble immobilier par M. A..., le 19 janvier 2009, et que le permis de construire modificatif accordé le 12 décembre 2008 à l'ancien propriétaire et transféré à M. A... n'avait comme objet que de régulariser les travaux achevés avant cette date, lesquels n'étaient pas conformes au permis de construire initial. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'administration, les travaux mentionnés dans les devis afférents au bâtiment d'habitation préexistant sont compatibles avec l'état et les caractéristiques initiales de ce bâtiment. Dès lors, les travaux réalisés par M. A... doivent être regardés comme ayant porté sur le bâtiment d'habitation préexistant. Toutefois, il résulte également de l'instruction que le dernier paiement à la société en charge des travaux de rénovation de ce bâtiment est intervenu au mois de février 2010, les travaux réalisés par la suite n'étant que de faible importance et dissociables des travaux de rénovation. Dès lors, les travaux de rénovation de ce bâtiment doivent être regardés comme ayant été alors achevés, celui-ci pouvant être mis en location dès cette date. Or, ce bâtiment n'a été loué nu qu'au mois de mars 2012, soit plus de deux ans plus tard, sans que M. A... n'apporte le moindre élément sur l'accomplissement d'éventuelles diligences afin de le mettre en location dès l'achèvement des travaux de rénovation. De plus, le contribuable ne soutient ni n'établit qu'il aurait manifesté son intention de mettre en location ce bâtiment à un quelconque moment auprès de l'administration fiscale, et en particulier à l'occasion de la réalisation des travaux en cause ou suite à leur achèvement. Dès lors, M. A... doit être regardé comme s'étant réservé la jouissance de ce bien. En conséquence, l'administration fiscale a pu considérer, pour ce seul motif, que les travaux en cause n'étaient pas des charges déductibles des revenus fonciers en application de l'article 31 du code général des impôts, et, en conséquence, refuser de reporter le déficit foncier en ayant résulté sur les revenus fonciers de M. A... au titre des années 2014 à 2016 en application du 3° de l'article 156 du même code.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 13 avril 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.
Le rapporteur,
Signé : B. BaillardLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°21DA02915
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