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03/05/2023 | FRANCE | N°21DA02719

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 03 mai 2023, 21DA02719


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... ex-épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Douai à lui verser la somme de 400 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi à la suite de négligences commises lors de la naissance de son enfant le 20 janvier 1984 et d'enjoindre au centre hospitalier de lui communiquer les dossiers concernant son accouchement et les deux autres accouchements qui ont eu lieu le 20 janvier 1984 au sein de la maternité de cet établissement.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... ex-épouse C... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Douai à lui verser la somme de 400 000 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi à la suite de négligences commises lors de la naissance de son enfant le 20 janvier 1984 et d'enjoindre au centre hospitalier de lui communiquer les dossiers concernant son accouchement et les deux autres accouchements qui ont eu lieu le 20 janvier 1984 au sein de la maternité de cet établissement.

Par un jugement n° 1808593 du 29 septembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2021, Mme D..., représentée par Me Julien Lefevre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Douai à lui verser la somme de 400 000 euros au titre du préjudice subi à la suite de négligences commises lors de la naissance de son enfant le 20 janvier 1984 ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier de lui communiquer les dossiers concernant son accouchement et les deux autres accouchements qui ont eu lieu le 20 janvier 1984 au sein de la maternité de cet établissement ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Douai une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'action en indemnisation n'est pas tardive dès lors que la prescription a commencé à courir en 2016 ;

- le contentieux est lié dans la mesure où sa demande indemnitaire préalable a été adressée au centre hospitalier le 7 avril 2020 ;

- elle a été victime d'une substitution d'enfant à la suite de son accouchement au centre hospitalier de Douai en raison de la méconnaissance par le personnel des règles de prise en charge d'un enfant dès sa naissance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, le centre hospitalier de Douai, représenté par Me Didier Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'action de l'appelante est atteinte par la prescription quadriennale ;

- aucune faute n'a été commise à la suite de l'accouchement de l'intéressée le 20 janvier 1984.

Par une ordonnance du 19 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D... a accouché le 20 janvier 1984 au sein de la maternité du centre hospitalier de Douai d'une fille prénommée Audrey. Elle relève appel du jugement n° 1808593 du 29 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de cet établissement de santé à lui verser la somme de 400 000 euros en réparation de son préjudice causé par une substitution d'enfant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances de l'Etat, des départements, des communes et des établissements publics : " Sont prescrites, au profit de (...), toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". L'article 2 de la loi dispose que : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...), tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Aux termes de l'article 3 de ladite loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". L'article L. 1142-28 du code de la santé publique dispose que : " Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins (...) se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage (...) ". Ces dispositions, qui ont porté à dix ans le délai de prescription des seules créances non prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, n'ont pas eu pour effet de relever de la prescription les créances déjà prescrites à cette date par l'application de la loi du 31 décembre 1968.

3. Il résulte de l'instruction et, notamment, de la fiche de liaison rédigée à la suite de la naissance de l'enfant que, le 20 janvier 1984, Mme D... a donné naissance à une fille prénommée Audrey. Il résulte des écritures mêmes de Mme D... que dès la naissance de sa fille, elle s'est interrogée sur son lien de filiation compte tenu de l'existence d'une incertitude sur son groupe sanguin, A- ou B-, alors que le groupe B- serait incompatible avec les groupes sanguins des parents, A...+ pour Mme D... et O+ pour le père. Ainsi, compte tenu de ce qu'une incertitude sur le groupe sanguin de sa fille serait née chez Mme D... dès l'année 1984, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle doit être légitimement regardée comme ayant ignoré l'existence de sa créance jusqu'à l'année 2016 au cours de laquelle son médecin lui aurait appris l'incompatibilité entre le groupe sanguin des époux C... et celui d'Audrey. Il en résulte que la créance de l'intéressée, née au cours de l'année 1984, était prescrite le 1er janvier 1989, sans que l'intervention de la loi du 4 mars 2002 ait eu pour effet de relever cette créance de la prescription quadriennale.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Douai à lui verser la somme de 400 000 euros. Par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires, celles à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au centre hospitalier de Douai.

Délibéré après l'audience publique du 11 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°21DA02719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02719
Date de la décision : 03/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : LEFEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-05-03;21da02719 ?
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