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27/04/2023 | FRANCE | N°23DA00008

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 27 avril 2023, 23DA00008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 2208523 du 18 novembre 2022, le tribunal administ

ratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Par un jugement n° 2208523 du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 janvier 2023, le préfet du Nord, représenté par Jean-Alexandre Cano, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- le moyen retenu en première instance est infondé, sur le comportement frauduleux de M. C... n'ayant pas permis son renvoi en Belgique où il avait déposé une demande d'asile ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à M. C... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 novembre 2022, le préfet du Nord a obligé M. C..., ressortissant algérien, à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays d'éloignement. Par un jugement du 18 novembre 2022, le tribunal administratif de Lille, saisi par M. C..., a annulé cet arrêté. Le préfet du Nord relève appel de ce jugement.

Sur le moyen d'annulation accueilli par le tribunal administratif de Lille :

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 572-1 du même code : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. ".

3. Aux termes de l'article 31-2 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés : " Les Etats contractants n'appliqueront aux déplacements de ces réfugiés d'autres restrictions que celles qui sont nécessaires; ces restrictions seront appliquées seulement en attendant que le statut de ces réfugiés dans le pays d'accueil ait été régularisé ou qu'ils aient réussi à se faire admettre dans un autre pays. En vue de cette dernière admission, les Etats contractants accorderont à ces réfugiés un délai raisonnable ainsi que toutes facilités nécessaires. "

4. Aux termes de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: / a) prendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 21, 22 et 29, le demandeur qui a introduit une demande dans un autre État membre ; / b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) ".

5. Le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que si l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre.

6. Il en va toutefois différemment du cas d'un étranger demandeur d'asile. Les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent en effet nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Ainsi, lorsqu'en application des dispositions du règlement du 26 juin 2013, l'examen de la demande d'asile d'un étranger ne relève pas de la compétence des autorités françaises mais de celles d'un autre Etat, la situation du demandeur d'asile n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais dans celui des dispositions de l'article L. 572-1 du même code. En vertu de ces dispositions, la mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressé aux autorités étrangères compétentes pour l'examen de sa demande d'asile ne peut être qu'une décision de transfert prise sur le fondement de l'article L. 572-1 et non une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 611-1.

7. En l'espèce, d'une part, il ressort du fichier Eurodac, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que les empreintes digitales de M. C... le font apparaître comme demandeur d'asile en Belgique depuis le 12 septembre 2022.

8. D'autre part, en admettant même que cette information n'ait été révélée à la préfecture que le 15 novembre 2022, soit postérieurement à l'arrêté du 9 novembre 2022, à la suite de la demande de M. C... d'exercer son droit d'accès et de rectification aux informations le concernant dans le système d'information Eurodac, elle rend compte d'un état de fait antérieur à cet arrêté.

9. Enfin, si M. C... a indiqué, lors de son audition par la police le 8 novembre 2022 dans le cadre de la vérification de son droit de circulation ou de séjour, qu'il ne détenait aucun document l'autorisant à séjourner ou circuler " ni en France ni en Belgique ", qu'il n'était pas détenteur d'un titre de séjour délivré en France ou dans l'espace communautaire et qu'il n'avait pas demandé l'asile dans un pays européen, il a aussi déclaré qu'il était " allé vivre sur Tournai depuis deux mois " , qu'il avait une sœur en Belgique et qu'il n'était pas d'accord " pour retourner dans l'Etat membre dans lequel une demande d'asile a été introduite " et ces déclarations auraient dû conduire la préfecture à consulter, non seulement comme elle l'a fait le fichier visabio et le fichier automatisé des empreintes digitales, mais aussi le fichier Eurodac.

10. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il résulte des dispositions susanalysées que le préfet ne pouvait pas prendre à l'encontre de M. C..., dont l'examen de la demande d'asile relevait de la compétence de la Belgique, une obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille, par le jugement contesté, a annulé son arrêté du 9 novembre 2022.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Nord est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

Le rapporteur,

Signé:

D. Perrin

Le président de la 1ère chambre,

Signé:

M. B...

La greffière,

Signé:

S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°23DA00008 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00008
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-27;23da00008 ?
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