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27/04/2023 | FRANCE | N°22DA02104

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 27 avril 2023, 22DA02104


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.

Par un jugement n° 2201735 du 2 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
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Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2022, Mme B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 26 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois.

Par un jugement n° 2201735 du 2 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Joseph Mukendi Ndonki, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de lui enjoindre de délivrer, dans le même délai et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat à titre principal, une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, et à titre subsidiaire, la même somme à lui verser directement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est insuffisamment motivée ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- méconnaît les dispositions des articles L. 521-1, L. 424-3, L. 424-11 et " R. 741-4 " du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La décision fixant le pays de renvoi :

- est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- est insuffisamment motivée ;

- méconnait les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- est insuffisamment motivée ;

- est illégale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;

- méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

La décision portant assignation à résidence :

- est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle refusant d'accorder un délai de départ volontaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 23 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022 près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré présidente-assesseure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 5 mars 1975, est entrée en France le 6 novembre 2013 sous couvert d'un visa de douze jours pour visite familiale. Sa demande d'asile présentée en 2014 a été rejetée par une décision du 31 août 2015 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 30 juin 2016 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).

2. Par un arrêté du 24 février 2017, le préfet de la Seine-Maritime a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français. Par un jugement n° 1700687 du 12 avril 2017, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté. Par un arrêté du 10 janvier 2018, le préfet de la Seine-Maritime a rejeté la demande de titre de séjour de Mme B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement. Par un jugement n° 1801837 du 25 septembre 2018, le tribunal administratif a annulé cet arrêté en tant qu'il portait obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. En exécution de l'injonction de réexamen prononcée par ce jugement, le préfet de la Seine-Maritime a, par un arrêté non contesté du 12 août 2020, refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement. Entretemps, le 13 février 2020, Mme B... a sollicité un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 décembre 2020, le préfet de la Seine-Maritime a fait obligation à l'intéressée de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2100031 du 19 mai 2021, le tribunal a seulement annulé cet arrêté en tant qu'il prononçait une interdiction de retour sur le territoire français.

3. Enfin, après convocation par les services de police, par un arrêté attaqué du 26 avril 2022, le préfet de la Seine-Maritime a fait obligation à Mme B... de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois. Par un second arrêté attaqué du même jour, le préfet de la Seine-Maritime a assigné l'intéressée à résidence. Mme B... a contesté ces deux arrêtés devant le tribunal administratif de Rouen. Elle relève appel du jugement de rejet du 2 mai 2022.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, la décision attaquée, qui n'avait pas à faire référence à l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, a visé les dispositions dont elle a fait application et a relevé que Mme B... s'était maintenue irrégulièrement en France après le rejet de sa demande de titre de séjour. Elle a fait également état de la situation personnelle et familiale de l'intéressée, à la fois sur le territoire français et dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors même que l'arrêté contesté ne mentionne pas la qualité de demandeur d'asile de sa fille mineure, circonstance que Mme B... ne conteste pas n'avoir pas mentionnée aux services de la préfecture, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté.

5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013 (...) ".

6. Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) / 3. Aux fins du présent règlement, la situation du mineur qui accompagne le demandeur et répond à la définition de membre de la famille est indissociable de celle du membre de sa famille et relève de la responsabilité de l'État membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale dudit membre de la famille, même si le mineur n'est pas à titre individuel un demandeur, à condition que ce soit dans l'intérêt supérieur du mineur. Le même traitement est appliqué aux enfants nés après l'arrivée du demandeur sur le territoire des États membres, sans qu'il soit nécessaire d'entamer pour eux une nouvelle procédure de prise en charge (...) ". Aux termes de l'article 2 du même règlement : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) / g) " membres de la famille " (...) / - lorsque le demandeur est mineur et non marié, (...) la mère (...) ".

7. Les dispositions des articles L. 424-3 et L. 424-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient qu'un titre de séjour est délivré aux parents d'un mineur non marié ayant obtenu la reconnaissance de la qualité de réfugié. Et aux termes de l'article R. 521-18 du même code : " Lorsqu'un mineur non accompagné se présente sans représentant légal pour l'enregistrement d'une demande d'asile, le préfet compétent enregistre la demande sur la base des éléments dont il dispose et convoque l'intéressé à une date ultérieure pour compléter l'enregistrement de sa demande en présence de son représentant légal. / Lorsque l'ensemble des conditions prévues aux articles R. 521-5 à R. 521-7 sont réunies, l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 521-7 est éditée au nom du mineur non accompagné et remise en présence de son représentant légal ".

8. D'autre part, il résulte des dispositions du d) du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, statuant en procédure accélérée en application de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pris une décision de rejet de la demande d'asile d'un étranger.

9. Mme B... soutient que les dispositions précitées l'autorisaient à se maintenir sur le territoire français dans l'attente d'une décision sur la demande d'asile présentée par sa fille mineure, et fait valoir que l'examen du recours de cette dernière devant la CNDA à l'encontre de la décision par laquelle l'OFPRA a rejeté sa demande d'asile, initialement prévu le 11 avril 2022, a été reporté à une audience ultérieure. Toutefois, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de la fille de Mme B... a été examinée en procédure accélérée, celle-ci, et par conséquent, sa mère, ne disposaient d'un droit de se maintenir sur le territoire français que jusqu'à la date de notification de la décision de l'OFPRA statuant sur cette demande, soit le 15 septembre 2021. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. D'une part, Mme B... fait valoir qu'elle était présente en France depuis près de neuf ans à la date de la décision contestée. Si elle se trouve sur le territoire avec sa fille, née le 12 juillet 2015, elle n'allègue pas disposer d'attaches familiales en France et a reconnu, lors de son audition le 26 avril 2022, que l'une de ses sœurs réside au Nigéria. Les attestations produites ne permettent pas d'établir une insertion sociale particulière de l'intéressée, qui ne se prévaut en outre que d'une activité professionnelle en tant qu'aide-coiffeuse, du 15 mars 2019 au 10 juillet 2020.

12. D'autre part, rien ne fait obstacle à ce que la fille de Mme B..., scolarisée depuis l'âge de trois ans, poursuive sa scolarité au Nigéria. Si la requérante soutient que sa fille sera exposée à un risque d'excision en cas de retour au Nigeria, aucun élément du dossier n'établit le caractère sérieux d'un tel risque.

13. Enfin, si la requérante fait valoir que la décision de la CNDA portant sur la demande d'asile présentée par sa fille n'est pas encore intervenue, et fait valoir qu'elle ne sera pas en mesure de se présenter à l'audience, il résulte de ce qui a été dit au point 9 que l'intéressée ne disposait d'aucun droit de se maintenir sur le territoire français dès lors que la demande d'asile a été examinée en procédure accélérée, et en tout état de cause rien ne fait obstacle à ce qu'elle puisse se faire représenter par un avocat à cette audience.

14. Il résulte de ce qui précède qu'en dépit de l'ancienneté de la présence en France de Mme B..., le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de Mme B... doit être écarté.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la décision refusant la délivrance d'un délai de départ volontaire :

18. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".

19. Mme B... fait valoir qu'elle n'a aucun motif de se soustraire à une mesure d'éloignement et qu'elle s'est d'ailleurs présentée spontanément au commissariat. Il n'est cependant pas contesté qu'elle ne présente aucun document de voyage en cours de validité. Elle a en outre explicitement déclaré, lors de son audition, ne pas vouloir exécuter la mesure d'éloignement prise à son encontre. Dans ces conditions, le risque que Mme B... se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français doit être regardé comme établi.

20. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que Mme B... se fasse représenter par un avocat lors de l'examen de la demande d'asile de sa fille devant la CNDA.

21. Enfin, si Mme B... fait valoir que la décision attaquée aura pour effet d'interrompre la scolarité de sa fille, cette circonstance ne suffit pas à établir une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de Mme B....

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

22. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que le moyen tiré, par voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".

24. La décision attaquée a visé les dispositions dont elle a fait application, a fait état de la présence en France de l'intéressée et a relevé qu'elle ne présentait pas une menace pour l'ordre public, qu'elle n'avait pas déféré à une précédente mesure d'éloignement et qu'elle ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit donc être écarté.

25. En troisième lieu, Mme B... fait valoir que l'examen, par la CNDA, du recours de sa fille a été reporté, sans qu'une nouvelle date d'audience ait été fixée. Toutefois, la décision attaquée ne fait pas obstacle à ce que l'intéressée puisse se faire représenter par son avocat à cette audience ou si, la Cour juge sa comparution en personne nécessaire, à ce que Mme B..., dès l'exécution de la mesure d'éloignement, demande l'abrogation de l'interdiction de retour en France pour être présente à cette audience.

26. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, les pièces du dossier ne permettent pas de regarder comme suffisamment établies les craintes dont Mme B... fait état pour sa fille. La requérante ne peut davantage soutenir utilement que le préfet ne pouvait pas se fonder sur les précédentes mesures d'éloignement qui ont fait l'objet d'une annulation, dès lors qu'il ne s'est fondé que sur l'absence d'exécution de la mesure d'éloignement non contestée du 12 août 2020.

27. Dans ces conditions, en l'absence de circonstances humanitaires justifiant qu'aucune interdiction de retour ne soit édictée, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

28. En premier lieu, il résulte des motifs de l'arrêté contesté que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de renvoi manque en fait.

29. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

30. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

31. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ni les risques d'excision pour la fille de Mme B..., ni les risques encourus par l'intéressée en cas de retour au Nigéria ne sont établis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions et des stipulations précitées doit être écarté.

Sur la décision portant assignation à résidence :

32. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus d'accorder un départ volontaire ne peut qu'être écarté.

33. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

34. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme B... à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Mukendi Ndonki.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La présidente- rapporteure,

Signé:

C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé:

M. A...

La greffière,

Signé:

S. Cardot

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 22DA02104 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02104
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : MUKENDI NDONKI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-27;22da02104 ?
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