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27/04/2023 | FRANCE | N°21DA01139

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 27 avril 2023, 21DA01139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Gurdebeke a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

1°) d'annuler la décision née le 27 novembre 2018 par laquelle le préfet de la Somme a implicitement rejeté son recours gracieux formé contre l'arrêté du préfet de la Somme du 8 août 2018 qui a assorti la modification d'une installation de stockage de déchets non dangereux à Lihons de prescriptions complémentaires ;

2°) de réformer l'article 3.2.4. de cet arrêté du 8 août 2018 précité en remplaç

ant :

- les valeurs limites qu'il fixe pour les rejets des chaudières par celles prescrites par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Gurdebeke a demandé au tribunal administratif d'Amiens :

1°) d'annuler la décision née le 27 novembre 2018 par laquelle le préfet de la Somme a implicitement rejeté son recours gracieux formé contre l'arrêté du préfet de la Somme du 8 août 2018 qui a assorti la modification d'une installation de stockage de déchets non dangereux à Lihons de prescriptions complémentaires ;

2°) de réformer l'article 3.2.4. de cet arrêté du 8 août 2018 précité en remplaçant :

- les valeurs limites qu'il fixe pour les rejets des chaudières par celles prescrites par la circulaire ministérielle du 10 décembre 2003 ou, le cas échéant, par celles qui figurent dans le tableau du mémoire du 10 août 2020 au paragraphe 47 pour la chaudière n°1 et au paragraphe 48 pour la chaudière n° 2 ;

- les valeurs limites qu'il fixe pour les rejets de la torchère par celles qui figurent dans le tableau du paragraphe 73 du mémoire du 10 août 2020 ;

- les valeurs limites de flux massiques qu'il fixe pour les chaudières et la torchère en appliquant la méthodologie exposée dans la note d'analyse d'Europoll ;

3°) d'annuler les prescriptions de l'alinéa 1er de l'article 7.3.3., l'alinéa 2 de l'article 8.2.11 et de l'article 9.2.9 du même arrêté du 8 août 2018 ;

4°) de réformer l'article 8.1.11 de l'arrêté préfectoral du 8 août 2018 portant sur la couverture de l'alvéole n° 17 en le remplaçant par la rédaction initialement retenue par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement ;

5°) d'annuler l'article 8.4.3. du même arrêté du 8 août 2018 en tant qu'il exige la réalisation d'un suivi mensuel du volume des lixiviats collectés par casier bioréacteur et la réalisation d'un bilan de la première année d'exploitation des casiers exploités en mode bioréacteur, de l'impact de cette technique sur la production de biogaz et sur la production de lixiviats.

Par un jugement n° 1900029 du 25 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2021 et un mémoire enregistré le 3 mars 2023, la société Gurdebeke, représentée par Me David Deharbe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du préfet de la Somme du 27 novembre 2018 ;

3°) de réformer les articles 3.2.3 et 3.2.4 de l'arrêté du 8 août 2018 ;

4°) d'annuler les prescriptions figurant à l'article 3.2.3 de l'arrêté en ce qu'elles fixent la vitesse mini d'éjection des conduits n° 1 et 3 à hauteur de 8 m/s ;

5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à l'Etat, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de tirer les conséquences de l'annulation de la décision attaquée en procédant aux réformations et annulations énoncées précédemment, et en application de l'article L. 911-2 du même code, de statuer à nouveau sur le recours gracieux qu'elle a présenté, en mettant en œuvre toutes les procédures et formalités requises au titre du code de l'environnement, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard ;

6°) à titre infiniment subsidiaire, de prendre toutes mesures propres à lui procurer les éléments de nature à former sa conviction sur le bien-fondé de son moyen tiré de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant les articles 3.2.3 et 3.2.4 de l'arrêté préfectoral ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas examiné les conclusions tendant à la désignation d'un expert, présentées dans la note en délibéré, en ce qu'il n'a pas visé les conclusions de la note en délibéré et en ce qu'il n'a pas rouvert l'instruction afin de soumettre au débat contradictoire les relevés datant du 3 mars 2021 ;

- le tribunal a ainsi méconnu les dispositions du code de justice administrative qui définissent les différents moyens d'investigation et la jurisprudence du Conseil d'Etat qui se justifie par l'application du principe d'égalité des armes ;

- le préfet ne dispose pas d'un pouvoir inconditionné pour imposer des mesures de police ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en ce qu'il a estimé que le préfet n'avait pas à justifier le bien-fondé de sa position dans la fixation des valeurs limites d'émission ;

- les prescriptions portant sur les poussières, le COVNM et le H2S ne sont pas nécessaires pour les chaudières ; celles portant sur les poussières et le NOx ne sont pas nécessaires pour la torchère ;

- les prescriptions de l'article 3.2.4 fixant les valeurs limites de concentration dans les rejets pour les différents paramètres sont dépourvues de base légale ; elles ne respectent pas l'exigence de proportionnalité et sont entachées d'erreur d'appréciation ;

- les valeurs limites de flux massiques sont entachées d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 17 mars 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté ministériel du 2 février 1998 relatif aux prélèvements et à la consommation d'eau ainsi qu'aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation ;

- l'arrêté ministériel du 26 août 2013 relatif aux installations de combustion d'une puissance supérieure ou égale à 20 MW soumises à autorisation au titre de la rubrique 2910 et de la rubrique 2931 ;

- l'arrêté ministériel du 15 février 2016 relatif aux installations de stockage des déchets non dangereux ;

- l'arrêté ministériel du 3 août 2018 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique 2910 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Yann Borrel, représentant la société Gurdebeke.

Une note en délibéré présentée par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a été enregistrée le 25 avril 2023.

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par un arrêté du 27 mars 2006, le préfet de la Somme a autorisé la société Gurdebeke à exploiter une installation de stockage de déchets non dangereux à Lihons. Le 17 juillet 2015, il a autorisé cette société à étendre son exploitation. Par une demande déposée le 11 décembre 2017 et complétée le 10 janvier 2018, la société Gurdebeke a présenté une demande de modification des conditions d'exploitation des casiers de son installation, pour être autorisée à exploiter une partie d'entre eux en mode bioréacteur. Par un arrêté du 8 août 2018, le préfet de la Somme a fait droit à cette demande et l'a soumise à de nouvelles prescriptions. Le recours gracieux formé par la société a été implicitement rejeté par une décision du préfet de la Somme née le 27 novembre 2018. La société a contesté ces décisions et a sollicité la réformation de l'arrêté du 8 août 2018 devant le tribunal administratif d'Amiens. Elle relève appel du jugement de rejet du 25 mars 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire.

3. En premier lieu, la société Gurdebeke a produit devant les premiers juges une note en délibéré dans laquelle elle demandait, à titre subsidiaire, que soit ordonnée une expertise portant sur les seuils retenus à l'article 3.2.4 de l'arrêté du 8 août 2018. Si l'appelante soutient qu'elle n'a été en mesure de présenter cette demande d'expertise qu'après avoir entendu les conclusions du rapporteur public, il résulte de l'instruction que cette demande pouvait être formulée après la communication du mémoire en défense du préfet intervenue le 20 avril 2020. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, la note en délibéré n'avait pas à être soumise au débat contradictoire. Par ailleurs, si le tribunal était tenu de viser cette note en délibéré, ce qu'il a fait, il n'avait pas à en mentionner les conclusions.

4. En deuxième lieu, la société Gurdebeke a produit devant le tribunal administratif, à l'appui de sa note en délibéré, une note Europoll datée de 2021. Si l'appelante soutient qu'elle n'a pas été en mesure de la produire avant la clôture de l'instruction intervenue le 8 décembre 2020, il ne résulte pas de l'instruction qu'une étude analogue ne pouvait pas être produite plus tôt. En outre, cette note Europoll, qui ne portait que sur les concentrations en H2S dans l'air ambiant à proximité de la zone en cours d'exploitation et vers le village de Lihons, ne contenait aucun élément susceptible de contredire la solution retenue par les premiers juges, qui ont d'ailleurs relevé l'existence d'une baisse importante des concentrations de cette substance sur le site. Il ne peut ainsi être reproché au tribunal d'avoir statué sans tenir compte de ce document.

5. En troisième lieu, si la société Gurdebeke soutient que le tribunal aurait dû faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour réformer les valeurs limites d'émission des substances polluantes, il résulte des pièces versées au dossier de première instance par les parties que le tribunal, qui s'est notamment fondé sur l'absence d'étude produite par la société en dépit de la demande formulée par le service instructeur, pouvait former sa conviction au regard des éléments dont il disposait, sans procéder à une mesure d'instruction telle qu'une expertise. Ainsi, le moyen soulevé doit être écarté, de même que celui tiré du principe de l'égalité des armes.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 août 2018 :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article L. 181-3 : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".

7. Aux termes de l'article L. 181-14 du même code : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en œuvre ou de son exploitation. / En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-32. / L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ". Aux termes de l'article R. 181-45 du même code : " Les prescriptions complémentaires prévues par le dernier alinéa de l'article L. 181-14 sont fixées par des arrêtés complémentaires du préfet (...) Ces arrêtés peuvent imposer les mesures additionnelles que le respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 rend nécessaire ou atténuer les prescriptions initiales dont le maintien en l'état n'est plus justifié. (...) ".

8. Aux termes de l'article R. 515-60 de ce code : " Sans préjudice des dispositions des articles R. 181-43 et R. 181-54, l'arrêté d'autorisation fixe au minimum : /a) Des valeurs limites d'émission pour les substances polluantes dont la liste est arrêtée par le ministre chargé des installations classées et pour les autres substances polluantes qui, eu égard à leur nature et à leur potentiel de transferts de pollution d'un milieu à l'autre, sont susceptibles d'être émises en quantités significatives. Ces valeurs limites d'émission peuvent être remplacées par des paramètres ou des mesures techniques garantissant un niveau équivalent de protection de l'environnement. L'arrêté fixe également des prescriptions permettant d'évaluer le respect de ces valeurs limites à moins qu'il ne se réfère aux règles générales et prescriptions techniques fixées par les arrêtés pris en application de l'article L. 512-5 ; (...) ".

9. D'autre part, aux termes de l'article L.512-5 de ce code : " Pour la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, le ministre chargé des installations classées peut fixer par arrêté (...) les règles générales et prescriptions techniques applicables aux installations soumises aux dispositions de la présente section. Ces règles et prescriptions déterminent les mesures propres à prévenir et à réduire les risques d'accident ou de pollution de toute nature susceptibles d'intervenir ainsi que les conditions d'insertion dans l'environnement de l'installation et de réhabilitation du site après arrêt de l'exploitation. / Ces arrêtés s'imposent de plein droit aux installations nouvelles. (...) Ces arrêtés fixent également les conditions dans lesquelles certaines de ces règles peuvent être adaptées aux circonstances locales par l'arrêté préfectoral d'autorisation ". Aux termes de l'article R. 181-54 : " Le présent article s'applique aux projets relevant du 2° de l'article L. 181-1. (...) / Pour les installations soumises à des règles techniques fixées par un arrêté ministériel pris en application de l'article L. 512-5, l'arrêté d'autorisation peut créer des modalités d'application particulières de ces règles. (...) ".

En ce qui concerne le pouvoir de police spéciale du préfet :

10. La circonstance que le ministre chargé des installations classées n'a pas défini, en application des dispositions de l'article L. 512-5 du code de l'environnement, des valeurs seuils pour certains des paramètres mentionnés à l'article 3.2.4 de l'arrêté contesté ne faisait pas obstacle à ce que le préfet fasse usage du pouvoir propre de police spéciale des installations classées pour la protection de l'environnement qu'il tient de la combinaison des dispositions législatives et réglementaires citées aux points 6 ,7 et 8 et impose les prescriptions, telles que des valeurs limites d'émission pour les substances polluantes, qu'il estimait nécessaires en l'espèce pour préserver les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Le moyen tiré de ce que l'arrêté est entaché d'erreur de droit du fait de l'édiction de telles prescriptions doit donc être écarté.

En ce qui concerne les prescriptions fixées à l'article 3.2.4 de l'arrêté du 8 août 2018 :

S'agissant de la portée des arrêtés ministériels :

11. D'une part, si la société Gurdebeke soutient que certains des seuils fixés par l'arrêté contesté correspondent à ceux prévus par l'arrêté ministériel du 2 février 1998 alors que les installations en cause ne relèveraient pas du champ d'application de cet arrêté, elle n'invoque aucune circonstance faisant obstacle à la prise en compte de ces seuils par le préfet dans le cadre de son pouvoir d'appréciation.

12. D'autre part, pour le même motif, le moyen tiré de ce que certaines valeurs limites de rejet imposées aux installations concernées par l'arrêté en litige sont sans rapport avec celles fixées par les arrêtés ministériels visés ci-dessus du 3 août 2018, du 26 août 2013 et du 15 février 2016 doit être écarté.

S'agissant de la dangerosité des émissions des installations :

13. Il résulte de l'instruction qu'à l'appui de sa demande d'autorisation environnementale, la société Gurdebeke a produit une évaluation sanitaire des activités prévues énumérant les types de polluants attendus. Il en résulte que, s'agissant des chaudières, les poussières, le COVNM et le H2S ne figurent pas sur cette liste. Par ailleurs, ni les poussières ni le NOx ne sont au nombre des polluants attendus pour la torchère.

14. La société requérante soutient que les prescriptions portant sur ces polluants n'étaient pas nécessaires et que les valeurs limites d'émissions fixées pour l'ensemble des polluants, pour les chaudières et la torchère, ne sont pas proportionnées au regard de ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts mentionnés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

15. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction que, pour chacun des paramètres en litige, l'autorisation préfectorale initiale du 17 juillet 2015 imposait déjà le respect de valeurs limites et la société Gurdebeke n'a fait état d'aucune difficulté rencontrée, compte tenu des caractéristiques particulières de son activité, pour le respect de ces valeurs. De plus, la plupart des nouvelles valeurs limites prescrites par l'arrêté du 8 août 2018 sont supérieures à celles retenues auparavant.

16. D'autre part, le rapport de l'inspection des installations classé du 2 mai 2018 a relevé la présence de H2S à proximité des installations du site de Lihons et a constaté que la demande de révision des valeurs limites d'émission des rejets atmosphériques présentée par la société Gurdebeke ne pouvait pas être accueillie dès lors qu'elle n'avait pas fourni, ce qu'elle n'a pas davantage fait en cours d'instance, une analyse de l'impact sanitaire de cette révision.

17. Enfin, alors qu'un fonctionnement de l'installation en mode bio-réacteur a pour effet une augmentation de la production de biogaz et alors que la dangerosité des éléments pour lesquels des seuils ont été fixés n'a pas été contestée, la société Gurdebeke n'a produit à l'instance aucun élément probant ni aucune étude circonstanciée de nature à établir que les valeurs limites qu'elle revendique sont sans danger pour l'environnement et la santé ou qu'elle ne serait pas en mesure, pour des raisons techniques ou économiques, de respecter les seuils fixés par l'arrêté en litige.

18. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que les prescriptions de l'article 3.2.4 de l'arrêté contesté ne seraient pas nécessaires pour garantir la préservation des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne les valeurs limites de flux massiques :

19. La société Gurdebeke soutient, en se fondant sur les résultats d'une étude qu'elle a fait réaliser par le bureau d'études Europoll, que les valeurs limites de concentration prescrites par l'article 3.2.4. de l'arrêté n'ont pas été calculées à partir des valeurs du débit des effluents gazeux sortant des installations telles que mentionnées à l'article 3.2.3 du même arrêté mais à partir des valeurs du débit d'entrée du biogaz. Toutefois, l'erreur ainsi alléguée n'a pas été suffisamment explicitée et n'est pas de nature à remettre en cause les indications de calcul de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen invoqué à ce titre doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société Gurdebeke n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 mars 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet de la Somme du 27 novembre 2018 et à la réformation de l'arrêté du 8 août 2018.

21. Par voie de conséquence, les conclusions de la société Gurdebeke à fin d'injonction et celles qu'elle a présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Gurdebeke est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gurdebeke et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie de l'arrêt sera transmise, pour information, au préfet de la Somme.

Délibéré après l'audience publique du 6 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé:

C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé:

M. A...

La greffière,

Signé:

C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA01139 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01139
Date de la décision : 27/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : GREENLAW AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-27;21da01139 ?
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