Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme AE... AA... et d'autres requérants, d'une part, M. et Mme C... B... d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2016 et l'arrêté modificatif du 20 juin 2018 par lesquels le maire du Mesnil-Esnard a autorisé la société civile de construction vente (SCCV) European Homes 48 à construire, après démolition des constructions existantes, un immeuble collectif d'habitation. Par un jugement nos 1700202, 1701836, 1802887, 1803048 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 19DA00965 du 3 novembre 2020, la cour a rejeté l'appel formé contre ce jugement par M. AA... et certains autres requérants de première instance.
Par une décision n° 448360 du 23 décembre 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. AE... AA..., M. et Mme L... H..., A... AI... N..., M. et Mme J... O..., M. et Mme S... P..., M. D... AM... R..., M. et Mme F... T..., A... AH... K..., A... AL... M..., M. et Mme AB... E..., M. et Mme F... Z..., A... AJ... AF..., M. et Mme AD... V..., M. et Mme X... Q..., M. et Mme AC... G... et AG... U..., a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat :
Par des mémoires, enregistrés après renvoi les 5 mai 2022, 23 février 2023, 7 mars 2023 et 22 mars 2023, M. AE... AA..., M. et Mme L... H..., M. et Mme F... N..., M. et Mme J... O..., M. et Mme S... P..., M. D... AM... R..., M. et Mme F... T..., A... AK... W..., M. et Mme F... I..., A... AH... K..., M. et Mme C... M..., M. et Mme AB... E..., M. et Mme AC... G..., M. et Mme F... Z..., M. et Mme F... AF..., M. et Mme AD... V..., M. et Mme X... Q..., représentés par Me Isabelle Enard Bazire, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement nos 1700202, 1701836, 1802887, 1803048 du 28 février 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces permis de construire ;
3°) de mettre à la charge de la commune du Mesnil-Esnard la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils s'en rapportent à leurs précédentes écritures ;
- le jugement est entaché d'irrégularité car les premiers juges ne se sont notamment pas prononcés sur la branche, tirée de la fraude, du moyen tiré de la méconnaissance du plan local d'urbanisme, notamment l'article UC13 ;
- les permis de construire sont assortis de prescriptions illégales et entachés de vices de procédure et de violation, d'une part, des articles UC3, UC4, UC7, UC10, UC11, UC12 et UC13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Mesnil-Esnard, d'autre part, de l'article R. 111-18 du code de la construction et de l'habitation et de l'arrêté pris pour son application ;
- le fait pour la société European Homes 46 d'avoir dissimulé un nombre aussi important d'arbres est constitutif d'une fraude ;
- il résulte de l'article 12.4 du plan local d'urbanisme que pour 59 logements, un local vélo de 59 mètres carrés doit être réalisé, or en l'espèce, il manque 8,37 mètres carrés.
Par des mémoires, enregistrés après renvoi les 8 décembre 2022 et 20 mars 2023, la SCCV European Homes 48, représentée par Me Pierre Soler-Couteaux, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge des requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;
- le moyen relatif au local pour vélos est irrecevable en application de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme et, en tout état de cause, n'est pas fondé ;
- à supposer par impossible qu'un moyen soit fondé, il appartiendrait à la cour de surseoir à statuer pour permettre à la société de régulariser le permis de construire, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Par une lettre du 22 mars 2023, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.
Par un mémoire enregistré le 24 mars 2023, la SCCV European Homes 48 a présenté des observations.
Par un mémoire enregistré le 27 mars 2023, M. AA..., M. et Mme H..., A... N..., M. et Mme O..., M. et Mme P..., M. R..., M. et Mme T..., A... W..., M. et Mme I..., A... K..., M. et Mme M..., M. et Mme E..., M. et Mme G..., M. et Mme Z..., M. et Mme AF..., M. et Mme V... et M. et Mme Q..., ont présenté des observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d'habitation collectifs et des maisons individuelles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... Y...,
- les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public,
- les observations de Me Hélène Colliou, représentant les requérants,
- et les observations de Me Elodie Vilchez, représentant la SCCV European Homes 48.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux arrêtés des 19 décembre 2016 et 20 juin 2018, le maire du Mesnil-Esnard (Seine-Maritime) a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) European Homes 48 un permis de construire et un permis modificatif en vue de l'édification d'un immeuble d'habitation collectif. M. et Mme AA... et d'autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler ces arrêtés pour excès de pouvoir et ce tribunal a rejeté leurs demandes par un jugement du 28 février 2019. Par un arrêt n° 19DA00965 du 3 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre ce jugement.
2. Par une décision n° 448360 du 23 décembre 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi présenté par M. AE... AA... et d'autres requérants, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 3 novembre 2020 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Sur la régularité du jugement :
3. Le jugement, qui cite toutes les dispositions précisément invoquées par les demandeurs, ne méconnaît pas l'article R. 741-2 du code de justice administrative et est suffisamment motivé.
4. Le point 44 du jugement, aux termes duquel : " il n'est, par suite, pas démontré que la société pétitionnaire aurait, dans les pièces jointes à sa demande de permis modificatif, notamment le plan VRD modifié, tenté de fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur le nombre d'arbres conservés dans le projet en litige ", a ainsi répondu au moyen tiré de ce que la pétitionnaire, en minorant la végétation présente sur le site, aurait obtenu le permis de construire par fraude. Le moyen tiré de l'omission à statuer qui entacherait le jugement doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les demandes de permis de construire :
5. D'une part, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
6. D'autre part, lorsqu'un permis de construire a été délivré sans que soit respectée une formalité ou une forme préalable ou en violation de dispositions relatives à l'utilisation du sol, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci a été précédé de l'exécution régulière de la formalité omise, répond aux exigences de forme ou assure le respect des règles de fond applicables au projet. L'irrégularité ainsi régularisée ne peut plus être utilement invoquée à l'appui d'un recours dirigé contre le permis initial.
S'agissant de la végétation et de l'insertion du projet dans le bâti avoisinant :
7. Aux termes de l'article R. 431-4 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire comprend : / a) Les informations mentionnées aux articles R. 431-5 à R. 431-12 (...) ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / (...) e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer (...) ". Aux termes de l'article R. 431-9 : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-10 : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse ".
8. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande de permis modificatif présentée par la société European Homes 48 avait notamment pour objet de réaménager les espaces verts du projet et qu'à l'appui de cette demande étaient produits, d'une part, une notice prévoyant le remplacement des trente-huit arbres dont l'abattage était prévu et la plantation de vingt-six arbres supplémentaires et, d'autre part, un plan, intitulé " plan des espaces verts ", localisant les arbres conservés et les arbres plantés, distinguant parmi ces derniers vingt-six arbres de haute tige et trente-huit arbres de taille plus modeste. Il ressort de la comparaison de ce plan avec la vue en trois dimensions de la zone de liaison entre les deux bâtiments, figurant dans le même dossier, que l'implantation d'arbres à cet endroit n'est ni prévue ni vraisemblable et de sa comparaison avec le plan de repérage des sous-bassins, relatif aux dispositifs de gestion des eaux pluviales, que quatre arbres de haute tige indiqués comme conservés se situent à l'emplacement où il est prévu d'enterrer un module de stockage des eaux pluviales. Par ailleurs, un autre plan versé au même dossier, intitulé " A3 espaces verts " indique, à l'inverse, que les arbres de haute tige situés à l'endroit prévu pour l'implantation du module de stockage des eaux pluviales seront abattus. Dans ces conditions, les éléments du dossier de demande de permis de construire modificatif ne répondaient pas aux exigences des articles R. 431-8, R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme. Ils ne mettaient pas l'autorité administrative en mesure de porter, en connaissance de cause, son appréciation sur le respect des dispositions des articles UC 13.4 et UC 13.5 du règlement du plan local d'urbanisme imposant, d'une part, le remplacement de la totalité des arbres abattus et, d'autre part, qu'un minimum de 50 % de la surface au sol de la parcelle soit traité en espaces verts. Il y a donc lieu d'accueillir le moyen tiré de la méconnaissance des articles UC 13.4 et UC 13.5 du règlement du plan local d'urbanisme.
S'agissant du niveau du terrain et de la hauteur des constructions :
9. Il ressort de l'ensemble des documents des demandes de permis de construire et de permis de construire modificatif qu'ils permettaient à l'administration d'apprécier le niveau du terrain et la hauteur des constructions. Si des cotes altimétriques diffèrent de celles données par le site Géoportail, ce site indique que ses contenus " sont publiés à titre d'information à l'exclusion de toute garantie sur leur exactitude " et ces différences n'ont pas été corroborées par un constat diligenté sur le terrain. L'article R. 431-9 du code de l'urbanisme n'a ainsi pas été méconnu. Au surplus, l'incidence de ces différences sur l'appréciation de la conformité du projet à la réglementation n'a pas été explicitée.
S'agissant des servitudes de passage :
10. D'une part, si l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme dispose que la demande de permis de construire est déposée par le propriétaire du terrain, son mandataire ou une personne autorisée à exécuter les travaux, la pétitionnaire a attesté remplir cette condition conformément à l'article R. 431-5 du même code. La circonstance que la pétitionnaire a évoqué un raccordement au réseau public d'assainissement au sud alors que les propriétaires du terrain situé entre la construction et ce réseau n'avaient pas donné leur accord, n'établit pas le caractère frauduleux des demandes au regard de cet article R. 423-1 relatif à la propriété du terrain d'assiette du projet.
11. D'autre part, les demandes de permis de construire ont indiqué les modalités de raccordement aux réseaux publics conformément à l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme.
12. Enfin, le permis de construire, qui a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux avec la réglementation d'urbanisme, est délivré sous réserve des droits des tiers. Le moyen tiré de ce que l'administration n'a pas été mise à même de vérifier l'existence de servitudes de droit privé grevant le terrain d'assiette du projet ou un terrain voisin est donc inopérant.
En ce qui concerne la voirie du projet :
13. D'une part, pour l'application de l'article UC3.2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Mesnil-Esnard, il ne ressort ni de l'avis favorable au projet émis par le service départemental d'incendie et de secours ni d'aucune autre pièce du dossier que la voie d'accès au terrain d'assiette du projet, large de 5 mètres et comportant un espace réservé aux piétons, même s'il ne s'agissait pas d'un trottoir, n'était pas adaptée à l'importance du projet ni aménagée de manière à assurer l'accès des véhicules de secours, le croisement des véhicules et la protection des piétons.
14. D'autre part, le projet ne concerne pas un établissement recevant du public mentionné à l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme et l'article L. 421-6 du même code subordonne la délivrance du permis de construire à la conformité du projet aux seules dispositions d'urbanisme. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article R. 111-18 du code de la construction et de l'habitation et de l'arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d'habitation collectifs et des maisons individuelles est inopérant.
En ce qui concerne le raccordement au réseau d'assainissement :
15. Conformément à l'article UC4 du règlement du plan local d'urbanisme, qui prévoit qu'une construction doit être raccordée au réseau public d'assainissement, et sans méconnaître l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, l'article 5 du permis de construire a prévu soit une évacuation des effluents par refoulement et un raccordement au réseau situé route de Paris soit, sous réserve de l'obtention d'une servitude de passage de canalisation sur le terrain voisin, un raccordement gravitaire sur le réseau situé square François Couperin. Alors que cette prescription était suffisamment précise, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa mise en œuvre était impossible et l'obtention de la servitude ainsi envisagée n'était pas requise avant la délivrance du permis.
En ce qui concerne l'implantation par rapport à la limite séparative :
16. Il ne ressort ni des plans de coupe de la demande de permis de construire modificatif ni d'aucune autre pièce du dossier que l'implantation des bâtiments A, B ou C du projet méconnaîtrait la règle, posée à l'article UC7.2 du règlement du plan local d'urbanisme, selon laquelle " la différence de niveau entre tout point de la construction et le point bas le plus proche de la limite séparative n'excède pas deux fois la distance comptée horizontalement entre ces deux points ".
En ce qui concerne la hauteur des constructions :
17. L'article UC10 du règlement du plan local d'urbanisme dispose que : " La hauteur de toute construction mesurée au point le plus haut du terrain naturel au pied de la construction ne peut excéder 10,50 mètres à l'égout de toiture ni 12 mètres au faîtage (R+2+C) ".
18. S'agissant de la hauteur exprimée en mètres, ne devaient d'abord être pris en compte, pour l'application de la disposition précitée, ni le niveau de tout point du sol comme il est soutenu ni, pour la hauteur à l'égout de toiture, le volume incluant des chiens assis situé, ainsi qu'il ressort des plans de coupe, au-dessus de cet égout. Il ne ressort ensuite pas des documents joints aux demandes que la hauteur ainsi mesurée méconnaissait la disposition précitée.
19. S'agissant de la hauteur exprimée en niveaux, le volume incluant des chiens assis, situé au-dessus de l'égout du toit, en recul par rapport aux niveaux inférieurs, paré non plus de briques mais de zinc et avec un balcon sur toute la façade devait être regardé, pour l'application de la disposition précitée, non comme un troisième étage mais comme des combles.
En ce qui concerne l'aspect extérieur des constructions :
20. D'une part, l'article UC11.1 du règlement du plan local d'urbanisme dispose que : " Les constructions doivent s'adapter à la topographie originelle du sol (...) La cote d'altimétrie de plancher du rez-de-chaussée ne pourra excéder 0,50 m (...) ". Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les différences d'altimétrie constatées entre les plans des demandes de permis de construire et les informations issues du site Géoportail ne suffisent pas à démontrer que le projet a méconnu ces dispositions.
21. D'autre part, le même article UC11 dispose que : " (...) 11.8 La toiture des bâtiments doit être à versants avec une pente comprise entre 30 et 60 degrés. La pente des versants peut être inférieure dans le cas d'une architecture contemporaine de qualité (...) 11.9 Le matériau de couverture sera obligatoirement du chaume ou de l'ardoise ou de la tuile. Les matériaux similaires à l'ardoise et à la tuile sont admis s'ils sont dans les teintes de produits naturels ; les teintes vives (rouge, orangées ou jaune par exemple) sont interdites ". Le permis de construire modificatif a prévu, conformément à ces dispositions, des toitures en ardoise d'une pente de 30 degrés. Quant aux chiens assis également prévus, d'abord ils constituaient des ouvrages en toiture et ne relevaient donc pas de la règle relative à la pente de la toiture fixée à l'article 11.8, ensuite leur couverture en zinc de couleur anthracite n'a pas méconnu l'article 11.9.
En ce qui concerne le stationnement des véhicules :
22. D'une part, l'article UC12.2 du règlement du plan local d'urbanisme dispose que : " Pour les constructions à usage d'habitation, il est exigé un minimum de deux places de stationnement par logement. Une seule place de stationnement est exigée par logement locatif social (...) Dans le cadre de la réalisation de logements collectifs et/ou avec parking en sous-sol, 1 place pour 100 m² de SHON sera demandée en surface afin d'accueillir les visiteurs ". Conformément à ces dispositions, le permis de construire modificatif a prévu 80 places de stationnement pour les 40 logements en accession, 25 places pour les visiteurs de ces logements d'une surface de plancher totale de 2440 m2 et 19 places pour les 19 logements sociaux.
23. D'autre part, l'article L. 151-35 du code de l'urbanisme dispose que : " Il ne peut, nonobstant toute disposition du plan local d'urbanisme, être exigé pour les constructions destinées à l'habitation mentionnées aux 1° à 3° de l'article L. 151-34 la réalisation de plus d'une aire de stationnement par logement ". Ce 1° concerne les " logements locatifs financés avec un prêt aidé par l'Etat ". Il résulte de ces dispositions, contrairement à ce qui est soutenu, que des places de stationnement n'avaient pas à être prévues pour les visiteurs des logements sociaux.
En ce qui concerne les espaces libres et plantations :
24. L'article UC13.2 du règlement du plan local d'urbanisme dispose que : " Les aires de stockage à l'air libre doivent être entourées de clôtures végétalisées (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif n'a pas modifié le projet initial sur ce point. Dès lors, le moyen exclusivement invoqué à l'encontre du permis de construire modificatif, tiré de la méconnaissance de cette disposition, est inopérant.
25. L'article UC13.3 du même règlement dispose que : " Les parcs de stationnement publics ou privés à l'air libre (...) doivent (...) faire l'objet d'un aménagement paysager ou architectural sur sa périphérie ". Il ressort de la demande de permis de construire modificatif que, conformément à cette disposition, les places de stationnement sont bordées par des arbres ou des espaces engazonnés.
En ce qui concerne l'article 6 du permis de construire modificatif :
26. D'une part, cet article 6 a imposé le respect des prescriptions émises par le service départemental d'incendie et de secours. Ces prescriptions étaient suffisamment précises et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que leur mise en œuvre était impossible.
27. D'autre part, si ce même article 6 a indiqué que " au-delà du risque couvert par cet avis, la construction ne pourra pas être autorisée sans une amélioration de la couverture défense extérieure contre l'incendie ou/et la diminution du niveau de risque du projet par l'usage ou sa conception ", il a ainsi repris, sans édicter aucune prescription modifiant la conception ou l'usage du projet, ce qui était qualifié de " commentaire " par l'avis émis, s'agissant de la défense extérieure contre l'incendie, par le directeur adjoint Travaux Neufs de Rouen Normandie Métropole.
En ce qui concerne le stationnement des vélos :
28. Le projet comporte un premier local de stationnement des vélos de 34,67 m² au rez-de-chaussée et un second de 50,33 m² au sous-sol, soit un total de 85 m². Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, le moyen tiré de ce que l'espace de stationnement des vélos ne serait pas d'une surface suffisante au regard de l'article 12.4 du plan local d'urbanisme, manque en fait et ne peut qu'être écarté.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
29. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
30. En l'espèce, la société European Homes 48 demande l'application de ces dispositions. Les vices relevés au point 8 sont susceptibles d'être régularisés par l'édiction d'un permis de construire modificatif, sans apporter au projet un bouleversement qui en changerait la nature même et sans qu'y fassent obstacle les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal en vigueur à la date du présent arrêt. Il y a lieu ainsi d'impartir un délai de quatre mois à la société European Homes 48 pour adresser à la cour un nouveau permis modificatif et de surseoir à statuer durant ce délai sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. AA... et autres jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois fixé au point 30 afin de permettre la régularisation du vice tiré de ce que, les éléments du dossier de demande de permis de construire modificatif ne répondant pas aux exigences des articles R. 431-8, R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme, ils ne mettaient pas l'autorité administrative en mesure de porter, en connaissance de cause, son appréciation sur le respect des dispositions des articles UC 13.4 et UC 13.5 du règlement du plan local d'urbanisme et du vice tiré de la méconnaissance des articles UC 13.4 et UC 13.5 du règlement du plan local d'urbanisme.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. AE... AA..., qui a été désigné à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune du Mesnil-Esnard et à la société civile construction vente European Homes 48.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.
Délibéré après l'audience publique du 28 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Anne Seulin, présidente,
M. Marc Baronnet, président-assesseur,
Mme Sylvie Stefanczyk, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. Y...La présidente de chambre,
Signé : A. Seulin
La greffière,
Signé : Anne-Sophie Villette
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Anne-Sophie Villette
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N°21DA02970