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06/04/2023 | FRANCE | N°22DA02067

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 06 avril 2023, 22DA02067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 2200329 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2022, M. C

... B..., représenté par Me Marie Lepeuc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 2200329 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2022, M. C... B..., représenté par Me Marie Lepeuc, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 23 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, portant la mention

" vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ou, subsidiairement, d'enjoindre au réexamen de sa situation dans le même délai, et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans un délai de sept jours à compter du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à lui verser directement sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen soulevé dirigé contre la durée du délai de départ volontaire accordé à M. B... pour quitter le territoire français ;

- la décision refusant un titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 décembre2022, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré présidente-assesseure.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 25 avril 1996 à Oujda, est entré en France le 13 mars 2020 muni d'un visa court séjour délivré par les autorités consulaires françaises au Maroc, valable du 9 mars au 3 avril 2020. Le 18 mars 2021, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé. Par l'arrêté attaqué du 23 novembre 2021, le préfet de Seine-Maritime a rejeté cette demande, a obligé le requérant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé à l'expiration de ce délai. Par un jugement du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève régulièrement appel de ce jugement de rejet.

Sur la régularité du jugement :

2. Le requérant a soulevé devant les premiers juges le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation ayant entraîné une erreur de droit, en ce que le préfet n'a pas justifié le délai de trente jours pour quitter le territoire français alors que les liaisons aériennes entre la France et le Maroc ont été suspendues le 28 novembre 2021. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments du requérant, ont suffisamment motivé leur jugement en écartant ce moyen au motif qu'il ressortait des termes mêmes de la décision attaquée que le préfet avait procédé à un examen particulier de la situation de M. B....

Sur la légalité de l'arrêté :

En ce qui concerne la décision refusant un titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'une sclérose en plaques depuis 2016. Selon l'avis émis le 15 juin 2021 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un certificat médical du 4 janvier 2021, qu'un traitement par interféron a été poursuivi jusqu'en 2018. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... a ensuite bénéficié d'un traitement par tecfidera à compter de janvier 2021.

6. D'une part, si M. B... soutient que ses traitements ne sont pas pris en charge par le régime d'assistance médicale marocain mis en place pour les personnes les plus vulnérables (Ramed), ainsi qu'en atteste un neurologue marocain, et qu'il ne pourra donc pas accéder effectivement aux médicaments nécessaires pour traiter sa maladie, il résulte de ce qui précède qu'il a bénéficié d'un traitement au Maroc jusqu'en 2018. En outre, si le requérant soutient qu'après avoir été étudiant son état de santé ne lui a pas permis de travailler, les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir qu'il ne serait pas en mesure de trouver un emploi compatible avec son affection et il n'apporte aucun élément sur la situation financière qui serait la sienne au Maroc. Par aileurs, si l'intéressé a produit une attestation de non immatriculation à la caisse nationale de sécurité sociale du Maroc, il n'est pas établi qu'il ne pourra pas bénéficier d'une prise en charge médicale lorsqu'il aura rejoint son pays d'origine.

7. D'autre part, si M. B... fait valoir qu'il ne pourra pas circuler dans son pays d'origine, notamment en vue de se rendre à ses rendez-vous médicaux, dès lors qu'en raison de sa pathologie il n'est pas vacciné contre le virus de la covid-19, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa situation médicale particulière ferait obstacle à ce qu'il se rende dans un hôpital ou en pharmacie.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré récemment en France, en 2020, et qu'il est célibataire et sans charge de famille. S'il se prévaut de la présence de sa tante sur le territoire français, il ne fait état d'aucun élément d'insertion sociale ou professionnelle et n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors même que la décision contestée fera obstacle à ce qu'il dépose un dossier auprès de la maison départementale des personnes handicapées, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Maritime aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de M. B..., doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 8, le moyen tiré de la violation du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

14. En troisième lieu, pour contester le délai de trente jours accordé pour quitter le territoire, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la suspension des liaisons aériennes entre la France et le Maroc, intervenue après la décision contestée. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et des termes mêmes de la décision attaquée, que le préfet de la Seine-Maritime a procédé à un examen particulier de la situation de M. B.... Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

15. En quatrième lieu, pour les motifs exposés ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la décision fixant le pays de destination :

16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions d'appel à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Marie Lepeuc.

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 23 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La présidente- rapporteure,

Signé : C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière en chef adjointe,

Sylviane Dupuis

N° 22DA02067 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02067
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LEPEUC

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-06;22da02067 ?
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