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06/04/2023 | FRANCE | N°22DA01055

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 avril 2023, 22DA01055


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la not

ification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 25 juin 2021 par lequel le préfet du Nord lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte, et, dans cette attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2105883 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2022, Mme B..., représentée par Me Bauduin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 25 juin 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte, et, dans cette attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision rejetant sa demande de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation particulière ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation particulière ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît le droit au séjour qu'elle tient des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie prive et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation particulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2023, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse A..., ressortissante marocaine née le 6 mai 1995, est entrée en France le 16 mars 2011, selon ses déclarations. A la suite de son mariage avec un compatriote titulaire d'un titre de séjour, elle a demandé, le 3 décembre 2020, la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2021 du préfet du Nord refusant de lui délivrer le titre sollicité, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Ces dispositions n'ont pas pour effet de priver un étranger susceptible de bénéficier du regroupement familial de se prévaloir, le cas échéant, de l'atteinte disproportionnée qu'un refus de titre de séjour porterait au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a épousé, le 12 août 2020 à Valenciennes, un compatriote titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de parent d'enfant français. Si le préfet du Nord fait valoir que la vie commune du couple était inférieure à une année à la date de l'arrêté contesté et qu'ainsi, le lien conjugal invoqué ne présentait pas un caractère suffisamment " stable et ancien ", il ressort également des pièces du dossier que, le 30 avril 2021 à Valenciennes, Mme B... a mis au monde un enfant issu de cette union. Il ressort, en outre, de diverses pièces médicales, bancaires et fiscales produites par Mme B... que celle-ci vit depuis l'année 2011 en France, où réside régulièrement l'une de ses sœurs. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la décision, contenue dans l'arrêté contesté du 25 juin 2021, refusant de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", porte au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi dont ce refus de titre de séjour est assorti doivent également être annulés.

4. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 25 juin 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Nord délivre à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, dans cette attente, lui délivre dans les meilleurs délais un récépissé de demande de titre de séjour. Il y a lieu de prescrire une injonction en ce sens et d'impartir à l'administration, pour délivrer à Mme B... le titre de séjour mentionné précédemment, un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais relatifs à l'instance :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2105883 du 22 avril 2022 du tribunal administratif de Lille et l'arrêté pris le 25 juin 2021 par le préfet du Nord à l'encontre de Mme B... épouse A... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord délivrer à Mme B... épouse A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans cette attente, de lui délivrer dans les meilleurs délais un récépissé de demande de titre de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... épouse A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... épouse A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2023.

La rapporteure,

Signé : D. Bureau

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière

C. Huls-Carlier

2

No 22DA01055


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01055
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : BAUDUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-06;22da01055 ?
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