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06/04/2023 | FRANCE | N°22DA00481

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 avril 2023, 22DA00481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé, par deux requêtes distinctes, au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision n° 455 du 29 mai 2019 par laquelle La Poste l'a placé en congé de maladie ordinaire du 12 avril 2012 au 11 avril 2013 puis en disponibilité maladie du 12 avril 2013 au 11 avril 2017, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux, de désigner un expert pour notamment dire quelle était la nature du congé maladie dont il devait bénéficier à compter du 12 avril 2012 et s'il

était apte à reprendre ses fonctions ou d'autres fonctions à l'issue notamm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé, par deux requêtes distinctes, au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision n° 455 du 29 mai 2019 par laquelle La Poste l'a placé en congé de maladie ordinaire du 12 avril 2012 au 11 avril 2013 puis en disponibilité maladie du 12 avril 2013 au 11 avril 2017, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux, de désigner un expert pour notamment dire quelle était la nature du congé maladie dont il devait bénéficier à compter du 12 avril 2012 et s'il était apte à reprendre ses fonctions ou d'autres fonctions à l'issue notamment de ses droits à congé maladie, d'annuler la décision n° 239-005 du 26 août 2020 par laquelle la directrice générale adjointe, directrice des ressources humaines et des relations sociales du groupe La Poste l'a admis d'office à compter du 12 avril 2017 à faire valoir ses droits à la retraite au titre des articles L. 29 et L. 24, I, 2°, du code des pensions civiles et militaires de retraite, d'enjoindre à La Poste de réexaminer sa situation et de mettre dans chacune des deux instances à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement commun n° 1910440 et 2008530 du 24 décembre 2021 le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 février, 14 novembre, 16 décembre 2022 et 23 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Fillieux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner une expertise médicale sur son aptitude à reprendre ses fonctions ;

3°) d'annuler la décision n° 455 du 29 mai 2019 par laquelle La Poste l'a placé en congé de maladie ordinaire du 12 avril 2012 au 11 avril 2013 puis en disponibilité maladie du 12 avril 2013 au 11 avril 2017, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux ;

4°) d'annuler la décision n° 239-005 du 26 août 2020 par laquelle la directrice générale adjointe, directrice des ressources humaines et des relations sociales du groupe La Poste l'a admis d'office à compter du 12 avril 2017 à faire valoir ses droits à la retraite au titre des articles L. 29 et L. 24, I, 2°, du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

5°) d'enjoindre à La Poste de réexaminer sa situation ;

6°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'expertise sollicitée auprès du tribunal, refusée sans motif explicite, apparaît particulièrement utile compte-tenu des avis médicaux contradictoires s'agissant de son aptitude à reprendre ses fonctions ou au contraire son inaptitude à toutes fonctions ;

- il aurait dû être placé en congé de longue maladie dès le 28 novembre 2011, au titre de la maladie mentale, puis, à l'issue de ce congé, en congé de longue durée ;

- il avait la possibilité de prétendre au bénéfice d'un temps partiel thérapeutique et était apte à la reprise de ses fonctions ;

- La Poste ne pouvait le placer en disponibilité sans l'avoir préalablement invité à présenter une demande de reclassement et sans avoir recherché à procéder à un tel reclassement ;

- la décision du 26 août 2020 est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne se trouvait pas dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en estimant qu'il n'avait pas contesté l'avis du comité médial du 13 juillet 2018.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 octobre, 30 novembre 2022 et 6 janvier 2023, La Poste, représentée par Me Bellanger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande d'expertise sollicitée par l'appelant est dépourvue de toute utilité dès lors que celui-ci a déjà été examiné par plusieurs médecins experts ayant unanimement conclu à son inaptitude définitive à toutes fonctions jusqu'à sa mise à la retraite anticipée ;

- les moyens soulevés par M. A... sont infondés.

Par lettre du 14 mars 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que dans l'hypothèse où la cour annulerait la décision n° 455 du 29 mai 2019 de placement en congé de maladie ordinaire du 12 avril 2012 au 11 avril 2013 puis en disponibilité maladie du 12 avril 2013 au 11 avril 2017, la décision n° 239-005 du 26 août 2020 admettant d'office à compter du 12 avril 2017 l'intéressé à faire valoir ses droits à la retraite serait annulée par voie de conséquence.

Par ordonnance du 26 janvier 2023 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2023 à 12 heures.

La Poste, représentée par Me Bellanger, a produit une note en délibéré le 23 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Anger Bourez pour M. A... et de Me Gueutier pour La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... était employé par La Poste en qualité d'agent technique et de gestion de niveau 2, occupant les fonctions de guichetier confirmé au sein d'un bureau de poste. Par un avis du 13 juillet 2018, le comité médical de La Poste a estimé qu'il devait être placé en congé de maladie ordinaire du 12 avril 2012 au 11 avril 2013, suivi d'une mise en disponibilité à compter du 12 avril 2013. Il s'est prononcé en faveur de l'inaptitude définitive de M. A... à toutes fonctions. Par une décision du 29 mai 2019, La Poste a placé M. A... en congé de maladie ordinaire puis en disponibilité pour ces périodes. La commission de réforme de La Poste a émis deux avis favorables à la mise à la retraite d'office de M. A... pour invalidité les 18 juin 2019 et 15 octobre 2019. Par une décision n° 239-005 du 26 août 2020, la directrice générale adjointe du groupe La Poste a admis d'office M. A... à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 12 avril 2017. Par un jugement du 24 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2019 et de la décision implicite par laquelle La Poste a rejeté son recours administratif formé à l'encontre de cette décision, ainsi que de la décision du 26 août 2020. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif, qui avait préalablement estimé au vu des moyens et des pièces dont il était saisi que La Poste avait valablement pu admettre d'office M. A... à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 12 avril 2017, a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, rejeter ses conclusions tendant à la désignation d'un expert dès lors qu'il résultait nécessairement du jugement qu'une telle expertise était dépourvue d'utilité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2019 :

3. Aux termes de l'article 9 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le comité médical supérieur, saisi par l'autorité administrative compétente, soit de son initiative, soit à la demande du fonctionnaire, peut être consulté sur les cas dans lesquels l'avis donné en premier ressort par le comité médical compétent est contesté ". Aux termes de l'article 27 du même décret : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. (...) ".

4. Comme indiqué au point 1, par un avis du 13 juillet 2018, le comité médical a émis un avis d'inaptitude définitive. Par un courrier du 29 juin 2018 avertissant M. A... de la réunion de ce comité médical, M. A... avait été informé de la possibilité de contester l'avis à intervenir. Dans cette hypothèse, La Poste l'invitait à lui " faire parvenir dans les meilleurs délais [sa] requête ". Par un courriel du 19 août 2018, après en avoir confirmé la réception le 11 août 2018, M. A... a expressément contesté l'avis du comité médical. En réponse, par un courriel du 29 août 2018, la chargée des relations humaines a pris acte de son souhait de contester cet avis et lui a indiqué qu'il serait informé de la suite accordée à [sa] demande ". Toutefois, le comité médical supérieur n'a jamais été consulté. Dans les circonstances de l'espèce, l'administration devait saisir le comité médical supérieur et ne pouvait se prononcer sur la situation de M. A... avant de recueillir l'avis de ce comité. Une telle omission de consultation préalable du comité médical supérieur a privé M. A... d'une garantie et constitue une irrégularité de nature à entacher la légalité de la décision attaquée. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision du 29 mai 2019, ensemble le rejet de son recours gracieux, et du jugement attaqué en tant qu'il statue sur les conclusions précitées.

En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 26 août 2020 :

5. En premier lieu, la décision n° 239-005 du 26 août 2020 de la directrice générale adjointe, directrice des ressources humaines et des relations sociales du groupe La Poste a admis d'office M. A... à compter à faire valoir ses droits à la retraite du 12 avril 2017, au titre des articles L. 29 et L. 24, I, 2°, du code des pensions civiles et militaires de retraite. M. A... invoque des vices de procédure dont serait entaché l'avis du comité médical du 13 juillet 2018. Toutefois cet avis n'est pas visé par la décision précitée du 26 août 2020 qui se fonde sur les avis de la commission de réforme des 18 juin 2019 et 18 février 2020. Par suite, le moyen précité doit être écarté comme étant inopérant.

6. En deuxième lieu, si M. A... soutient que les avis émis par la commission de réforme les 18 juin 2019 et 18 février 2020 révèlent l'absence de sérieux et d'intérêt des praticiens l'ayant examiné il n'apporte aucun élément probant au soutien de ses affirmations. Les circonstances qu'un médecin n'a signé le procès-verbal de la réunion du 18 juin 2019 que le 29 juillet 2019 et indiqué n'avoir pas de remarques particulières à apporter et qu'un autre aurait indiqué, par courrier manuscrit, être opposé à la demande de contre-expertise sollicitée, sont sans incidence sur la régularité de ces avis.

7. En troisième lieu, M. A... soutient que la décision du 26 août 2020 est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne se trouvait pas dans l'incapacité permanente d'exercer des fonctions et qu'il avait la possibilité de prétendre au bénéfice d'un temps partiel thérapeutique et était apte à la reprise de ses fonctions. Toutefois il ressort des rapports d'examen psychiatrique des 9 avril 2018, 21 février et 9 décembre 2019 que le praticien a, notamment, relevé que l'état de santé de l'intéressé était dominé par un trouble dépressif avec un trouble obsessionnel compulsif associé à une alcoolo-dépendance et une poly-neuropathie carentielle. Les avis médicaux établis entre les mois de juin 2018 et février 2019 produits par M. A... ne permettent pas de remettre en cause les rapports circonstanciés d'examen psychiatrique et les avis du comité médical et de la commission de réforme précités. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 24 décembre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 mai 2019.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

9. Compte tenu du motif d'annulation de la décision du 29 mai 2019 retenu au point 7, il y a lieu d'enjoindre à La Poste de procéder au réexamen de la situation administrative de M. A... concernant la période du 12 avril 2012 au 11 avril 2017.

Sur les frais d'instance :

10. Aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de La Poste le paiement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à M. A... en application des dispositions précitées. En revanche les conclusions de La Poste tendant à la condamnation de M. A... sur le fondement des mêmes dispositions doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 29 mai 2019 de La Poste, ensemble le rejet du recours gracieux de M. A..., ainsi que le jugement du 24 décembre 2021 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées à l'encontre de ces décisions sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à La Poste de réexaminer la situation administrative de M. A... pour la période du 12 avril 2012 au 11 avril 2017.

Article 3 : La Poste versera la somme de 1 500 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... et les conclusions présentées par La Poste sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à La Poste.

Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C Huls-Carlier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 22DA00481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00481
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : HMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-06;22da00481 ?
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