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06/04/2023 | FRANCE | N°22DA00398

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 avril 2023, 22DA00398


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 30 juillet 2019 par laquelle le maire de la commune de Chambly lui a indiqué avoir procédé à l'aménagement de son poste de travail, d'annuler la décision du 25 septembre 2019 de la même autorité qui a décidé de la maintenir sur le poste au service de l'état-civil dans le cadre de son temps partiel thérapeutique, d'enjoindre à la commune de Chambly de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter d

u jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de cond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 30 juillet 2019 par laquelle le maire de la commune de Chambly lui a indiqué avoir procédé à l'aménagement de son poste de travail, d'annuler la décision du 25 septembre 2019 de la même autorité qui a décidé de la maintenir sur le poste au service de l'état-civil dans le cadre de son temps partiel thérapeutique, d'enjoindre à la commune de Chambly de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de condamner la commune de Chambly à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis à raison des fautes commises dans l'aménagement de son poste et de mettre à la charge de la commune de Chambly la somme de 2 000 euros sur le fondement de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1903217 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 22 février, 11 mars et 28 mars 2022, Mme A... B..., représentée par Me Cochereau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 30 juillet 2019 par laquelle le maire de la commune de Chambly lui a indiqué avoir procédé à l'aménagement de son poste de travail ;

3°) d'annuler la décision du 25 septembre 2019 par laquelle le maire de la commune de Chambly a décidé de la maintenir sur le poste au service de l'état-civil dans le cadre de son temps partiel thérapeutique ;

4°) de condamner la commune de Chambly à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis à raison des fautes commises dans l'aménagement de son poste ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Chambly la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les juges de première instance ont commis des erreurs de fait et d'appréciation des faits en considérant que l'ensemble des aménagements du poste de travail avaient été réalisés au moment de sa reprise de poste en juillet 2019 ;

- ils ont commis des erreurs de droit en considérant que la commune de Chambly avait rempli ses obligations, au regard des textes, en aménageant partiellement et tardivement son poste de travail, et en considérant que la décision refusant de la réintégrer sur son poste de travail dans le cadre du temps partiel thérapeutique était légale et dénuée de détournement de pouvoir ;

- ils ont commis des erreurs de droit et d'appréciation des faits en refusant de l'indemniser de ses préjudices découlant des fautes de l'administration et en la condamnant au paiement de la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles, alors que ses ressources sont limitées et que son recours n'était pas abusif.

Par mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2023, la commune de Chambly, représentée par Me Béguin, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 janvier 2023 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 17 février 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouttier, représentant Mme B..., et de Me Zadeh, représentant la commune de Chambly.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., adjointe administrative territoriale de 2ème classe au sein de la commune de Chambly et exerçant ses fonctions au service de l'accueil, a été victime d'un traumatisme cervical lors d'un accident de trajet survenu le 10 septembre 2015, qui a été reconnu imputable au service. Après avoir subi une opération chirurgicale pour hernie discale cervicale en février 2018, elle a repris ses fonctions dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique au service de l'état-civil le 10 novembre 2018. Placée en arrêt de travail le 1er avril 2019, elle a sollicité, par un courrier du 15 juillet 2019, sa réaffectation sur son poste initial au service de l'accueil et l'aménagement de son poste de travail. Le maire de la commune de Chambly par un courrier du 30 juillet 2019 l'a maintenue sur son poste au service de l'état-civil et a estimé avoir procédé à l'aménagement de ce poste de travail. Il a confirmé, par un courrier du 25 septembre 2019, que Mme B... serait affectée au service de l'état-civil dans le cadre de son temps partiel thérapeutique. Par un jugement du 22 décembre 2021 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation de ces décisions et à la condamnation de la commune de Chambly à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis à raison des fautes commises dans l'aménagement de son poste. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 juillet 2019 relative à l'aménagement du poste de travail :

2. Mme B... a été victime d'un accident de trajet le 10 septembre 2015. Elle a repris ses fonctions en tant qu'agent d'accueil au sein du service de l'administration générale de la mairie le 15 novembre 2015. La médecine du travail a préconisé, le 27 juin 2016, une étude de son poste qui a été réalisée par un ergonome le 23 janvier 2017. Conformément aux conclusions de cette étude, dans les mois qui ont suivi, son poste de travail a été adapté par le regroupement des fonctions des deux ordinateurs en un seul grâce à un boîtier de commande acheté en avril 2017, au remplacement du siège par un modèle plus adapté, livré le 5 avril 2017, au déplacement de la machine à affranchir puis à sa suppression pour tous les agents. Le devis pour la mise à disposition d'un casque téléphonique n'a été réceptionné que le 28 juin 2017 et il s'est avéré que sa mise en service supposait une mise à jour de l'ensemble de l'infrastructure téléphonique. Une réflexion a dû être menée sur les possibilités techniques et leurs coûts de réalisation et ce matériel n'a jamais été fourni. Toutefois, eu égard aux contraintes techniques mises en avant par la commune, cette circonstance n'est pas, à elle seule, suffisante pour révéler une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.

3. Mme B... a été placée en arrêt de travail pour maladie de février à novembre 2018. A son retour, elle a été affectée au service de l'état-civil. Une étude de son nouveau poste de travail a préconisé, le 13 mars 2019, le remplacement du plan de travail par un bureau d'angle arrondi, la mise en place d'un bras articulé et la mise à disposition d'un scanner à main. Elle a, par ailleurs, pu utiliser le siège ergonomique et le repose-pieds fournis dans son poste précédent. En mars 2019, la commune de Chambly a remplacé l'ordinateur par un format plus compact et a mis en place un bras articulé pour l'écran. Mme B... a dû de nouveau être placée en congé pour maladie du 1er avril 2019 jusqu'au 24 août 2019. Informée de son retour, la commune de Chambly a, dès juillet 2019, émis un bon de commande pour l'acquisition d'un bureau arrondi et la mise à disposition d'un scanner à main. Si Mme B... fait valoir que le scanner à main n'était pas fonctionnel, elle n'établit pas avoir fait en vain des démarches afin d'en obtenir un autre. Dans ces conditions, l'administration ne peut être regardée comme n'ayant pas pris les mesures appropriées dans un délai raisonnable pour permettre l'exercice par Mme B... de ses fonctions dans des conditions de travail compatibles avec son handicap et dans un cadre respectueux de sa santé et de sa sécurité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par la commune doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 septembre 2019 du maire de Chambly refusant de réintégrer l'intéressée sur son poste de travail habituel dans le cadre du temps partiel thérapeutique :

4. Aux termes de l'article 60 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les fonctionnaires à temps complet, en activité ou en service détaché, qui occupent un emploi conduisant à pension du régime de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ou du régime général de la sécurité sociale peuvent, sur leur demande, sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d'aménagement de l'organisation du travail, être autorisés à accomplir un service à temps partiel qui ne peut être inférieur au mi-temps. (...) A l'issue de la période de travail à temps partiel, les fonctionnaires sont admis de plein droit à occuper à temps plein leur emploi ou, à défaut, un autre emploi correspondant à leur grade (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 57 de cette même loi : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 4° bis. Après un congé de maladie, un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, les fonctionnaires peuvent être autorisés à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique, accordé pour une période de trois mois renouvelable dans la limite d'un an pour une même affection. Après un congé pour accident de service ou maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le travail à temps partiel thérapeutique peut être accordé pour une période d'une durée maximale de six mois renouvelable une fois. (...) Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel pour raison thérapeutique perçoivent l'intégralité de leur traitement ; Ce temps partiel thérapeutique ne peut, en aucun cas, être inférieur au mi-temps (...) ".

5. Mme B... qui a repris ses fonctions le 24 août 2019 souhaitait reprendre son emploi à temps partiel vacant au sein du service de l'accueil. Toutefois le maire de la commune de Chambly a décidé de la maintenir sur le poste au service de l'état-civil dans le cadre de son temps partiel thérapeutique. Mme B... soutient que la commune intimée a commis une faute de nature à engager sa responsabilité lors de la gestion de sa carrière en n'ayant pas donné suite à son souhait de temps partiel thérapeutique au service d'accueil. Cependant, et alors qu'elle n'avait aucun droit à affectation sur son ancien poste, compte-tenu de l'absence de Mme B... de janvier à novembre 2018, le service accueil de la mairie a été réorganisé. Ainsi, les fonctions antérieurement exercées par Mme B... ont été confiées à un nouvel agent en mobilité interne et à un autre agent d'accueil déjà en poste. Si Mme B... soutient qu'un poste à temps partiel était vacant au service de l'accueil lors de sa reprise de fonctions le 10 novembre 2018, ce que conteste la commune, elle ne l'établit pas. La commune, alors qu'un poste à 50 % était libre à l'état-civil correspondant au grade de l'intéressée et qui comportait aussi des missions d'accueil du public, a décidé ainsi d'affecter Mme B... sur ce poste. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette nouvelle affectation porterait, par elle-même, atteinte aux droits et prérogatives que Mme B... tient de son statut ou à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux, ni qu'elle emporterait une perte de responsabilités ou de rémunération. Ainsi, ni les dispositions précitées ni aucune autre à valeur législative ou réglementaire ne lui imposait de la réintégrer sur son poste dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique à l'issue d'un congé de maladie. Par ailleurs, aucun élément au dossier ne permet de caractériser l'existence d'une sanction ou d'une discrimination à l'encontre de l'appelante. Enfin, le détournement de pouvoir invoqué n'est pas établi.

Sur les conclusions indemnitaires :

6. La commune de Chambly n'ayant pas manqué à ses obligations et ni commis d'illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité les conclusions précitées doivent être rejetées.

Sur les frais mis à la charge de Mme B... en première instance :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Ces dispositions laissent au juge administratif le soin d'apprécier, compte tenu de l'équité, s'il y a lieu ou non de condamner la partie perdante à payer à l'autre partie la totalité ou une fraction des sommes exposées par celle-ci et non comprises dans les dépens, et ne confèrent ainsi à la partie qui demande à en bénéficier aucun droit à en obtenir l'application en sa faveur.

8. Mme B... fait valoir qu'elle est une agente de catégorie C, dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue ayant à sa charge trois enfants mineurs dont les coûts habituels liés aux soins et à l'éducation représentent une charge importante pour elle-même et son époux, qu'ils ont tous deux également contracté plusieurs emprunts afin de financer leur domicile et leurs deux véhicules automobiles et que les frais mis à sa charge en première instance représentent une charge supplémentaire pour leur foyer. Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit aux conclusions de Mme B... sur ce point.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 décembre 2021, le tribunal administratif d'Amiens a mis à sa charge la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Chambly et non compris dans les dépens dans la procédure d'appel.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1903217 du tribunal administratif d'Amiens du 22 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de première instance de la commune de Chambly présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Chambly.

Délibéré après l'audience publique du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...

La présidente de chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne à la préfète de l'Oise en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière

C. Huls-Carlier

2

N° 22DA00398


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00398
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : AARPI OPPIDUM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-04-06;22da00398 ?
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