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28/03/2023 | FRANCE | N°22DA02167

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 28 mars 2023, 22DA02167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités portugaises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2202918 du 22 septembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 octobre et 24 novembre 2022, Mme A..., représ

entée par Me Antoine Tourbier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités portugaises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2202918 du 22 septembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 octobre et 24 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Antoine Tourbier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 24 août 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord d'instruire sa demande d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le père de son enfant séjournant régulièrement en France ;

- il ne prend pas en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance de l'article 6 du règlement de Dublin et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'enfant étant scolarisé en France et son père contribuant à son entretien et à son éducation.

La requête a été communiquée au préfet du Nord, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Baronnet, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante angolaise née le 26 janvier 1984, entrée en France en mars 2022, a présenté le 10 juin 2022 une demande d'asile auprès de la préfecture de l'Oise. La consultation du fichier Visabio a révélé qu'elle détenait un visa périmé depuis moins de six mois, qui avait été délivré par les autorités portugaises. Les autorités portugaises ont explicitement accepté le 29 juillet 2022 de prendre en charge l'intéressée et, par un arrêté du 24 août 2022, le préfet du Nord a ordonné le transfert de Mme A... aux autorités portugaises. Mme A... relève appel du jugement du 22 septembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) ".

3. Mme A... soutient qu'elle séjourne sur le territoire français avec sa fille, qui est née en 2012 et scolarisée et dont le père, de nationalité portugaise, réside et travaille en France et que le préfet aurait dû faire usage du pouvoir dérogatoire d'examiner sa demande d'asile qu'il tient des dispositions précitées de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013. Toutefois, la production d'une photographie, d'une attestation établie par le père datée du 22 octobre 2022 et d'un virement de 100 euros du 12 octobre 2022 ne suffit à établir ni que le père contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, ni la réalité et l'intensité des liens allégués entre le père et l'enfant. Par suite, Mme A... n'établit pas que le préfet du Nord aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de faire application du pouvoir discrétionnaire qu'il tient des dispositions citées au point 2. Le moyen doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Pour les mêmes raisons qu'exposées au point 3 du présent arrêt, Mme A... ne peut être regardée comme ayant fixé sa vie privée et familiale sur le territoire français. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, de autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Et aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les autorités portugaises ont accepté de prendre en charge Mme A... et sa fille et, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, la réalité et l'intensité des liens allégués entre l'enfant et son père, ressortissant portugais résidant en France, ne sont pas établis. Or, Mme A... ne justifie d'aucune autre circonstance qui s'opposerait à ce que sa fille l'accompagne au Portugal. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Nord n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant et des dispositions de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 août 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Antoine Tourbier.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

Le président-rapporteur,

Signé : M. C...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA02167


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA02167
Date de la décision : 28/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Marc Baronnet
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-28;22da02167 ?
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