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23/03/2023 | FRANCE | N°21DA02888

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 23 mars 2023, 21DA02888


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel le maire de Quiberville-sur-Mer a accordé à M. G... B... un permis de construire modificatif n° PC 76515 17 D0005 M02, ainsi que la décision ayant rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n°1902401 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2021, et de

s mémoires enregistrés les 29 septembre 2022 et 9 décembre 2022, M. et Mme D..., représentés pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 10 décembre 2018 par lequel le maire de Quiberville-sur-Mer a accordé à M. G... B... un permis de construire modificatif n° PC 76515 17 D0005 M02, ainsi que la décision ayant rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n°1902401 du 7 octobre 2021, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2021, et des mémoires enregistrés les 29 septembre 2022 et 9 décembre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Pierre-Xavier Boyer, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de la commune du 10 décembre 2018, ainsi que la décision de rejet du recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les écritures en défense de la commune de Quiberville-sur-mer ne sont pas recevables, le maire ne justifiant pas de son habilitation à la représenter en justice ;

- ils ont intérêt à agir contre le permis attaqué ;

- le dossier de permis modificatif est entaché d'incomplétudes qui ont été de nature à fausser l'appréciation de l'administration sur le projet ;

- il existe une incohérence entre la hauteur indiquée dans le dossier et dans l'arrêté, et celle mentionnée sur le panneau d'affichage ;

- le projet autorisé méconnaît l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme ;

- les hauteurs de la construction sont supérieures à celles mentionnées dans le dossier ; la conformité de la construction au projet n'est pas établie.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 mars 2022, le 12 octobre 2022 et le 14 octobre 2022, la commune de Quiberville-sur-Mer, représentée par la SCPA Dulière, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme D... de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants ne présentent pas d'intérêt à agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Corinne Baes-Honoré présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Thierry Duliere, représentant la commune de Quiberville-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 3 juillet 2017, le maire de Quiberville-sur-Mer a accordé à

M. B... un permis de construire une maison individuelle d'une surface de plancher de 82 m2 sur la parcelle située 78 rue des Loriots. Le 25 septembre 2018, le maire de Quiberville-sur-Mer a accordé à M. B... un premier permis de construire modificatif en vue de créer une fenêtre et de changer la taille des menuiseries de la construction projetée. Le 10 décembre 2018, le maire lui a accordé un deuxième permis de construire modificatif en vue de rehausser le vide sanitaire de 0,50 mètre et de créer un escalier de huit marches afin d'accéder à la porte d'entrée de la maison. M. et Mme D... ont formé un recours gracieux contre les deux permis de construire modificatifs et ce recours a fait l'objet d'un rejet explicite le 23 avril 2019. Ils ont alors demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le permis de construire modificatif du 10 décembre 2018 et le rejet du recours gracieux formé contre ce dernier. Ils relèvent appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur requête.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. M. et Mme D... établissent être propriétaires d'une parcelle immédiatement voisine du projet, laquelle est elle-même contiguë à une parcelle supportant déjà une habitation dont ils sont également propriétaires. Il ressort des pièces du dossier de la demande de permis modificatif de la façade Nord, complétée par la production de plans déposés en mairie le 6 novembre 2018, que la création d'un vide sanitaire d'une hauteur de 0,5 mètre a eu pour effet d'augmenter, dans la même mesure, la hauteur du faîtage qui est ainsi passée de 6,8 à 7.3 mètres. Si cette surélévation n'a pas aggravé la vue sur le terrain des requérants depuis le balcon de la façade Est du premier étage du bâtiment en cause, il résulte des photos versées au dossier que la vue depuis la terrasse du rez-de-chaussée de ce bâtiment sur le jardin de M. et Mme D... sera plus importante du fait du permis modificatif accordé.

5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Rouen a considéré qu'ils ne justifiaient pas d'un intérêt pour agir contre le permis modificatif. Il en résulte que ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur la recevabilité des mémoires en défense de la commune de Quiberville-sur-mer :

7. Aux termes de l'article L. 2122-23 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ".

8. Il ressort des pièces versées au dossier de première instance que par délibérations des 29 mars 2014 et 2 juin 2020, transmises respectivement les 16 avril 2014 et 12 juin 2020 à la

sous-préfecture de Dieppe, le conseil municipal de Quiberville a chargé son maire " d'intenter au nom de la commune les actions en justice et de défendre la commune dans les actions intentées contre elle ", en vertu du 16° de l'article L. 2122-23 du code général des collectivités territoriales. Cette délibération dispose qu'elle fera l'objet " de toutes les mesures de publicité, notification et transmission légales et réglementaires " et les requérants n'apportent aucun élément de nature à contredire ces mentions. Il s'ensuit que le maire a bien qualité pour représenter la commune de Quiberville-sur-Mer en défense et que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander que les écritures de la commune soient écartées.

Sur la légalité du permis de construire modificatif :

9. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce code : " Le projet architectural comprend également : / (...) b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; (...) ".

10. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. Par ailleurs, l'instruction d'une demande de permis de construire modificatif ne devant porter que sur les modifications envisagées, la régularité de la composition d'un dossier de demande de permis modificatif doit être appréciée en tenant compte de la nature et de l'ampleur de ces modifications.

11. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le permis modificatif n'a eu pour objet que de créer quelques marches, de modifier la hauteur de la construction et de la déplacer de 0,65 mètre, afin de respecter la règle de prospect. Si le dossier ne comportait pas de plan de masse coté dans les trois dimensions, il comportait un document déposé le 6 novembre 2018, intitulé " plan de coupe " matérialisant l'escalier, les différentes hauteurs des éléments de la construction, la hauteur totale au faîtage, la distance par rapport à la limite séparative et la hauteur de la construction par rapport au terrain. Il en résulte que l'ensemble des éléments joints à cette demande de permis modificatif ont permis à l'autorité administrative de porter une appréciation sur la conformité de ces modifications à la réglementation applicable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-17 du code de l'urbanisme : " A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres ".

13. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet nécessitait un remblai, la hauteur indiquée doit être regardée comme ayant été mesurée à partir du terrain naturel. Il ressort des plans que la hauteur de la construction s'élève à 7,3 mètres au-dessus du terrain naturel et que la distance avec la limite de propriété est de 3,65 mètres. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

14. En troisième lieu, la circonstance que le panneau d'affichage ait indiqué une hauteur au faîtage de 7,5 mètres, différente de la hauteur mentionnée sur les plans du 6 novembre 2018, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté.

15. En quatrième lieu, la circonstance que certaines hauteurs de la construction édifiée seraient supérieures à celles indiquées sur les plans, est également sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, qui s'apprécie à la date à laquelle il a été adopté.

16. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du maire de la commune du 10 décembre 2018 et de la décision de rejet du recours gracieux.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Quiberville-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la M. et Mme D... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

18. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... une somme globale de 1 000 euros titre des frais exposés par la commune de

Quiberville-sur-Mer et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 7 octobre 2021 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif de Rouen et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme D... verseront à la commune de Quiberville-sur-Mer une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... et Mme E... D..., à la commune de Quiberville-sur-Mer et à M. F... B....

Délibéré après l'audience publique du 9 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Denis Perrin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé:

C. Baes-HonoréLe président de la 1ère chambre,

Signé:

M. A...

La greffière,

Signé:

C. Sire

La République mande et ordonne au préfet de Seine-Maritime en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N° 21DA02888 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02888
Date de la décision : 23/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCPA DULIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-23;21da02888 ?
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