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16/03/2023 | FRANCE | N°22DA01659

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 16 mars 2023, 22DA01659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

A... D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 mai 2022 F... lequel le préfet de l'Aisne a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour

temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

A... D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 mai 2022 F... lequel le préfet de l'Aisne a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

F... un jugement n° 2201834 du 27 juin 2022, le vice-président désigné F... la présidente du tribunal administratif d'Amiens a, d'une part, rejeté cette demande, d'autre part, retiré à A... B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordé F... le bureau d'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour :

F... une requête, enregistrée le 29 juillet 2022, A... B..., représentée F... Me Tourbier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 mai 2022 F... lequel le préfet de l'Aisne a refusé son admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité, pour avoir omis d'apporter une réponse expresse à un moyen, tiré d'une erreur de droit commise F... l'autorité préfectorale dans l'appréciation de l'intérêt supérieur de ses enfants, qu'elle avait invoqué dans sa demande et qui n'était pas inopérant ;

- le préfet de l'Aisne, qui ne pouvait se limiter à apprécier l'atteinte portée F... ses décisions à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs au regard de sa seule situation personnelle, a insuffisamment tenu compte de cet intérêt supérieur, alors qu'un retour en Albanie mettrait en péril la scolarité débutée en France F... ses filles, en leur faisant quitter un système scolaire dans lequel elles sont insérées, sans même leur permettre de terminer leur année scolaire ; en conséquence, cet arrêté méconnaît les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- pour lui retirer le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordé F... le bureau d'aide juridictionnelle, le premier juge a retenu à tort que sa demande présentait, au sens du 4° de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, un caractère dilatoire, alors qu'elle avait saisi pour la première fois la juridiction administrative pour exercer un recours suspensif prévu F... la loi et protégé F... le droit au recours effectif, tel qu'il résulte de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et non pour gagner du temps ; en outre, les moyens soulevés devant le premier juge n'étaient pas dépourvus de consistance et étaient étayés F... des pièces justificatives.

La requête a été communiquée au préfet de l'Aisne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

F... une décision du 15 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a refusé d'accorder à A... B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. A... D... C... épouse B..., ressortissante albanaise née le 8 avril 1985 à Tirana (Albanie), est entrée en France le 3 octobre 2021, selon ses déclarations. Sa demande d'asile, formée le 3 novembre 2021, a été rejetée F... une décision du 22 décembre 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui s'est prononcé dans le cadre de la procédure accélérée. F... un arrêté du 16 mai 2022, le préfet de l'Aisne a refusé d'admettre A... B... au séjour au titre de l'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. A... B... relève appel du jugement du 27 juin 2022 F... lequel le vice-président désigné F... la présidente du tribunal administratif d'Amiens, d'une part, a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté, d'autre part, lui a retiré le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordé F... le bureau d'aide juridictionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes de la demande que A... B... avait présentée devant le tribunal administratif d'Amiens que celle-ci comportait un moyen tiré de ce que, pour prendre les décisions contenues dans l'arrêté contesté, le préfet de l'Aisne avait porté une attention insuffisante à l'intérêt supérieur des deux filles mineures E... A... B..., en méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. A... B... faisait notamment grief au préfet de l'Aisne d'avoir exclusivement apprécié l'atteinte portée, F... les décisions contestées, à l'intérêt supérieur de ses filles F... référence à sa propre situation et regardait cette approche comme procédant d'une erreur de droit. Toutefois, cette critique ne constituait pas un moyen autonome, mais un argument développé au soutien du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Dès lors, en n'apportant pas de réponse expresse à cet argument, ce qu'il n'était pas tenu de faire, le vice-président désigné F... la présidente du tribunal administratif d'Amiens, qui a exposé dans son jugement, F... des termes suffisamment précis, les motifs pour lesquels il estimait que les décisions contestées n'avaient pas été prises en méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, n'a pas entaché ce jugement d'une insuffisance de motivation. Le moyen tiré F... A... B... de l'irrégularité du jugement attaqué doit donc être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. Aux termes des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

4. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que, pour estimer que les décisions refusant d'admettre A... B... au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, désignant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, n'étaient pas contraires aux stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, le préfet de l'Aisne a retenu que A... B..., entrée récemment sur le territoire français et qui n'établissait pas y avoir tissé des liens particuliers, ni être exposée, dans son pays d'origine, à des traitements prohibés F... l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, était en mesure de poursuivre, le cas échéant, dans son pays d'origine, où elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales puisque son époux y résidait, sa vie familiale avec ses deux filles mineures qui l'accompagnaient. En examinant ainsi la situation des deux filles mineures E... A... B... au regard de la situation de cette dernière, le préfet de l'Aisne ne s'est pas mépris dans l'appréciation qui lui incombait au regard des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, quand bien même il n'a pas fait mention, dans son arrêté, de la scolarisation récente en France des deux filles de A... B.... Au demeurant, cette circonstance n'était pas, à elle seule, de nature à le conduire à retenir une appréciation différente, quand bien même le délai de trente jours imparti à A... B... pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire français expirait avant la fin de l'année scolaire. Dans ces conditions, et alors que A... B... n'invoque aucune circonstance susceptible de faire obstacle à ce que ses filles, nées en 2005 et en 2007, poursuivent leur scolarité en Albanie, pays dans lequel elles ont habituellement vécu jusqu'en 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aisne, en refusant d'admettre A... B... au séjour, en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en désignant le pays de destination et en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, aurait, en méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, insuffisamment tenu compte de l'intérêt supérieur des deux filles de A... B....

Sur le retrait de l'aide juridictionnelle :

5. Aux termes de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Sans préjudice des sanctions prévues à l'article 441-7 du code pénal, le bénéfice de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat est retiré, en tout ou partie, même après l'instance ou l'accomplissement des actes pour lesquels il a été accordé, dans les cas suivants : / (...) / 4° Lorsque la procédure engagée F... le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat a été jugée dilatoire, abusive, ou manifestement irrecevable ; / (...) ". Aux termes de l'article 51 de la même loi : " Le retrait de l'aide juridictionnelle ou de l'aide à l'intervention de l'avocat peut intervenir jusqu'à quatre ans après la fin de l'instance ou de la mesure. Il peut être demandé F... tout intéressé. Il peut également intervenir d'office. / Le retrait est prononcé : / (...) / 2° F... la juridiction saisie dans le cas mentionné au 4° du même article 50. ".

6. Pour retirer, F... le jugement attaqué, le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui avait été accordé à A... B... F... le bureau d'aide juridictionnelle, le vice-président désigné F... la présidente du tribunal administratif d'Amiens a estimé que la demande de l'intéressée présentait un caractère manifestement dilatoire, au sens et pour l'application des dispositions précitées des articles 50 et 51 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

7. Il ressort de l'examen de la demande que A... B... a présentée devant le tribunal administratif d'Amiens que celle-ci comportait l'énoncé de deux moyens, qui n'étaient pas inopérants, et que l'un de ces moyens, tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, était appuyé F... une argumentation, étayée F... plusieurs pièces, critiquant l'appréciation portée F... le préfet de l'Aisne en ce qui concerne l'incidence des décisions, contenues dans son arrêté du 16 mai 2022, sur l'intérêt supérieur des deux filles de A... B.... Ainsi, cette demande, qui tendait à l'exercice d'un recours suspensif prévu F... la loi, ne présentait pas un caractère dilatoire au sens des dispositions précitées de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991. F... suite, c'est à tort, dans les circonstances de l'espèce, que le premier juge, a retiré, à A... B..., pour ce motif, le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui avait été précédemment accordé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que A... B... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, F... le jugement attaqué, le vice-président désigné F... la présidente du tribunal administratif d'Amiens a prononcé d'office le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui avait été précédemment accordée. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure particulière d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées F... A... B... doivent être rejetées. Enfin, il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de A... B..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens exposés dans l'intérêt de celle-ci.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201834 du 27 juin 2022 du vice-président désigné F... la présidente du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il retire à A... B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui avait été précédemment accordé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de A... B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à A... D... C... épouse B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Tourbier.

Copie en sera transmise au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public F... mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°22DA01659

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01659
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-16;22da01659 ?
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