Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement no 1807629 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Van den Schrieck, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le vérificateur ne les a pas fait bénéficier du dialogue contradictoire prévu par les articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales et par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, opposable à l'administration en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, avant de leur adresser la demande de renseignements prévue à l'article L. 16 du même livre, ce qui entache la procédure d'imposition d'une irrégularité substantielle les ayant privés d'une garantie ; contrairement à ce qu'a prétendu l'administration en première instance, cette absence de dialogue ne leur est pas imputable, pas davantage que l'absence de réception de courriers qui leur ont été adressés à une période durant laquelle ils effectuaient un séjour à l'étranger ou qui n'ont pas été laissés à leur disposition, à la suite d'un dysfonctionnement du service de distribution, pendant l'intégralité du délai de conservation ;
- l'administration ne leur a pas communiqué, en dépit de la demande expresse qu'ils ont formulée, par leur conseil, dans les observations présentées sur la proposition de rectification, les documents contenant les renseignements auxquels le service a eu accès dans le cadre de l'exercice de B... droit de communication auprès du parquet de Dunkerque ; la circonstance qu'ils auraient pu avoir connaissance de ces documents est sans incidence sur l'obligation de communication qui s'impose à l'administration quelle que soit la procédure d'imposition qu'elle met en œuvre ; cette irrégularité, qui affecte les droits de la défense, entache la procédure à l'issue de laquelle les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige ont été établis ;
- dès lors qu'ils ont toujours nié tout lien avec la personne mise en cause dans l'enquête préliminaire diligentée par le parquet et que cette procédure a abouti à un classement sans suite, qui s'impose à l'administration, le vérificateur n'a pu légalement fonder les rehaussements en litige sur des éléments recueillis dans le cadre de cette enquête sans méconnaître la présomption d'innocence, protégée notamment par les stipulations du 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'administration n'a pas établi qu'ils auraient appréhendé la moindre somme inscrite sur le compte bancaire ouvert par un ressortissant luxembourgeois, ce que seule une balance de trésorerie aurait pu démontrer ; il ne ressort pas de la proposition de rectification que l'administration se serait livrée à un contrôle de cohérence entre leurs revenus déclarés et leur train de vie, de sorte qu'elle ne s'est pas conformée aux dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'administration n'est pas tenue, dans le cadre d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, d'organiser un dialogue contradictoire écrit, dans l'hypothèse où le contribuable se dérobe à ses offres de dialogue oral ; tel est le cas, en l'espèce, les contribuables n'ayant honoré aucun des trois rendez-vous qui leur ont été successivement fixés par le vérificateur et qui, bien qu'ayant été avisés de la mise à disposition des courriers leur proposant ces rendez-vous, ne les ont pas retirés dans les délais impartis et n'ont pas davantage cherché à prendre l'attache du service afin de convenir d'autres dates ; dans ces conditions, le service a pu, sans commettre d'irrégularité de procédure, tirer les conséquences de l'abstention volontaire de M. et Mme D..., en leur adressant la demande d'éclaircissement et de justification prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, puis, le pli correspondant n'ayant pas été retiré par les intéressés dûment avisés, en taxant d'office les crédits injustifiés mis en évidence sur leurs comptes bancaires ;
- M. et Mme D... n'établissent pas avoir adressé au service la lettre d'observations datée du 14 octobre 2015, à laquelle ils font référence et qui contiendrait une demande de communication des renseignements obtenus par le service dans le cadre de l'exercice de B... droit de communication ; le service n'a pas reçu cette demande ; la seule attestation établie par le conseil des appelants ne peut leur suffire à apporter la preuve du contraire ; dans ces conditions, il ne peut être reproché à l'administration, qui a dûment informé M. et Mme D..., dans la proposition de rectification qu'elle leur a adressée, de la teneur et de l'origine des renseignements recueillis par le service notamment auprès du parquet, d'avoir méconnu ses obligations au regard de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; les intéressés avaient d'ailleurs déjà connaissance de ces renseignements et ils étaient à même d'en demander la communication à l'autorité judiciaire ;
- contrairement à ce que soutiennent M. et Mme D..., le rapprochement des mouvements et soldes créditeurs constatés sur des comptes bancaires, des revenus déclarés par les titulaires de ces comptes, comme l'a fait le service, procède bien de l'examen de la situation patrimoniale des intéressés ; l'article L. 12 du livre des procédures fiscales n'impose d'ailleurs pas au service, sous peine d'irrégularité de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, d'établir une balance de trésorerie ; en toute hypothèse, le contribuable conserve la possibilité, en l'absence d'une telle balance de trésorerie, de produire toute justification devant le juge de l'impôt et d'obtenir, le cas échéant, une réduction des suppléments d'impôt mis à sa charge ;
- M. et Mme D... ne contestent pas le bien-fondé de l'intégration, dans les revenus imposables de leur foyer fiscal, au titre des années 2012 et 2013, des crédits inexpliqués inscrits sur le compte bancaire ouvert au nom de Mme D..., mais se bornent, par leur argumentation, à contester l'intégration, dans leurs revenus imposables au titre des mêmes années, de crédits inexpliqués identifiés sur un compte bancaire ouvert au nom de M. A... B..., ressortissant luxembourgeois, que l'administration a regardés comme à la disposition, en réalité, de M. D... ;
- dans le cadre de cette contestation, dès lors que les crédits en cause ont été taxés d'office, la charge de la preuve leur incombe ;
- les éléments recueillis par le service pour fonder l'imposition des crédits bancaires faisant l'objet d'une contestation par les appelants n'émanent pas exclusivement du parquet, mais aussi de l'établissement bancaire détenteur du compte en cause ; en outre, M. et Mme D..., qui allèguent que l'enquête préliminaire diligentée par le parquet a abouti à un classement sans suite, ne l'établissent pas, et n'apportent aucune précision quant au motif de ce classement, qui, par lui-même, ne s'impose pas à l'administration, à la différence des faits constatés, dans une décision définitive, par le juge pénal.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... D... ont, par un avis qui leur a été adressé le 12 décembre 2014, été informés de ce qu'ils feraient l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Dans ce cadre, le service vérificateur les a invités, par cet avis, à fournir les cordonnées des comptes financiers sur lesquels leur foyer fiscal avait pu réaliser, au cours de la période vérifiée, des opérations, ainsi que les relevés de ces comptes, cette demande ayant été précisée par un courrier recommandé qui leur a été adressé le 3 février 2015 et qui leur proposait de se rendre dans les locaux du service pour un premier entretien prévu le 18 février 2015. M. et Mme D..., qui n'ont retiré le pli correspondant que le 18 février 2015, n'ont pas apporté de réponse à cette demande de renseignements. En outre, le premier entretien n'ayant, dans ces conditions, pu se tenir à la date prévue, le vérificateur a proposé à M. et Mme D... deux autres dates, les 3 et 26 juin 2015, mais les plis recommandés correspondant à chacun des courriers proposant ces nouveaux rendez-vous ont été retournés au service avec une mention selon laquelle les destinataires, bien qu'avisés, ne les ont pas retirés. M. et Mme D... ne se sont ainsi rendus à aucun des rendez-vous qui leur avaient été proposés. Afin de poursuivre ses investigations, le vérificateur, qui a pu entre-temps avoir accès aux relevés des comptes bancaires des intéressés au titre de la période vérifiée, leur a adressé, le 8 juillet 2015, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, une demande d'éclaircissement et de justification concernant des crédits apparaissant sur ces relevés de comptes. Toutefois, le pli recommandé contenant cette demande a été retourné au service avec une mention selon laquelle, bien qu'avisés de sa présentation, ses destinataires ne l'ont pas réclamé avant l'expiration du délai de mise à disposition. En conséquence, le service a, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, taxé d'office, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, les crédits non expliqués ainsi identifiés. Le service a fait connaître à M. et Mme D... sa position sur ce point par une proposition de rectification en date du 18 septembre 2015, puis a mis en recouvrement, le 31 décembre 2015, les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, s'élevant à la somme totale de 36 128 euros, en droits et pénalités, résultant des rehaussements ainsi notifiés. Leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme D... ont porté le litige devant le tribunal administratif de Lille en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013. Ils relèvent appel du jugement du 7 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne le caractère contradictoire de l'examen de situation fiscale personnelle :
2. En vertu de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal.
3. Le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu, en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales, interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 de ce livre, marquera l'achèvement de B... examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. En outre, dans sa version adressée à M. et Mme D... et dont ces derniers ne contestent plus, en cause d'appel, avoir été rendus destinataires avant le début du contrôle dont ils ont fait l'objet, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur recherche un tel dialogue avant d'avoir recours à la procédure contraignante de demande de justifications prévue à l'article L. 16 du même livre. Il ne résulte, en revanche, ni de ces dispositions ni d'aucun principe qu'il incomberait au vérificateur de rechercher un dialogue sous forme écrite dans l'hypothèse où le contribuable n'aurait pas donné suite à une ou plusieurs offres de dialogue oral.
4. Il résulte de l'instruction que, comme il a été dit au point 1, M. et Mme D..., bien qu'avisés de la mise à disposition, au bureau de poste dont dépend leur domicile, du pli recommandé contenant le courrier que le vérificateur leur avait adressé le 3 février 2015, afin de leur proposer, pour les besoins d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils avaient été informés par un avis de vérification du 12 décembre 2014, un premier entretien fixé le 18 février 2015 dans les locaux du service et pour leur demander de fournir des renseignements concernant leur situation patrimoniale, n'ont retiré ce pli que le 18 février 2015, jour prévu pour l'entretien, se sont abstenus de se rapprocher du service pour obtenir un autre rendez-vous, ne se sont pas rendus aux lieu et date fixés pour le premier entretien et n'ont pas fourni les renseignements demandés. S'ils produisent un courrier manuscrit établi par M. D... et daté du 10 février 2015, annonçant la production de relevés de comptes bancaires, ils n'établissent par aucun élément la réception de ce courrier par le service, que le ministre conteste expressément, ni d'ailleurs l'envoi de ce courrier, par la copie du volet d'envoi d'un courrier en recommandé, dont l'ensemble des rubriques ne sont pas renseignées et qui ne peut être rapproché avec certitude de ce courrier manuscrit. Il résulte également de l'instruction que M. et Mme D..., bien qu'avisés de la mise à disposition de ces plis, n'ont pas réclamé, auprès du service de distribution du courrier, les plis recommandés contenant deux lettres que le vérificateur leur a adressés le 18 mai 2015 et le 10 juin 2015, afin de leur proposer de nouveaux entretiens, fixés le 3 juin 2015 et le 26 juin 2015, et qu'ils ne se sont rendus à aucun de ces deux rendez-vous. S'ils établissent s'être adressés au bureau de distribution désigné afin de retirer ces plis, respectivement, le 4 juin 2015 et le 26 juin 2015, et que ce service n'a pas été à même de le leur délivrer alors que le délai de conservation n'était pas expiré, ils n'allèguent pas avoir pris l'attache de l'expéditeur de ces plis, qu'ils étaient à même d'identifier dans le cadre des démarches qu'ils ont accomplies auprès des services de distribution, afin d'en connaître l'objet et la teneur. Enfin, M. et Mme D..., qui avaient connaissance de ce qu'ils faisaient l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, n'ont pas informé l'administration de leur projet de séjour à l'étranger au mois de juillet 2015, et n'ont pris aucune disposition pour que la demande d'éclaircissement et de justification, que le vérificateur leur a adressée le 8 juillet 2015, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, leur parvienne en temps utile. Dans ces conditions, si l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont M. et Mme D... ont fait l'objet n'a pas donné lieu, malgré les recommandations de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, à un dialogue contradictoire avec le vérificateur avant que le service ne leur adresse cette demande d'éclaircissement et de justification et si un tel dialogue ne s'est pas davantage tenu ensuite sous la forme écrite, avant que le service ne les informe, par la proposition de rectification qu'il leur a adressée le 18 septembre 2015, de sa décision de taxer d'office les crédits bancaires non justifiés mis en évidence sur des comptes bancaires dont disposaient les intéressés durant la période vérifiée, cette situation doit être regardée comme imputable à M. et Mme D..., qui, par leur absence de toute coopération avec le vérificateur, se sont eux-mêmes privés de cette garantie de procédure. Il suit de là que le moyen tiré de ce que les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige ont été établis à l'issue d'une procédure entachée d'une irrégularité substantielle doit être écarté.
En ce qui concerne la régularité de cet examen :
5. Si les dispositions, rappelées au point 2, de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales prévoient que l'administration peut, à l'occasion d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle, contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal, ce qui peut impliquer notamment que le service établisse une balance de trésorerie, ces dispositions ne lui font cependant pas l'obligation de se livrer à l'ensemble de ces opérations. Par suite, M. et Mme D... ne critiquent pas utilement la régularité de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet en soutenant que le service n'a pas établi une balance de trésorerie, et n'a pas n'a apprécié la cohérence entre leurs revenus déclarés et les éléments de leur train de vie, alors d'ailleurs qu'il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification qui leur a été adressée le 18 septembre 2015, à l'issue de ce contrôle, que le vérificateur a apprécié la cohérence entre, d'une part, les mouvements identifiés sur l'ensemble des comptes bancaires dont M. et Mme D... avaient la disposition au cours de la période vérifiée et, d'autre part, les revenus qu'ils ont portés sur les déclarations souscrites par eux au titre de chacune des deux années d'imposition en litige. En conséquence, le moyen manque, en tout état de cause, en fait.
S'agissant de la régularité de l'exercice du droit de communication :
6. En vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.
7. Il ressort des termes de la proposition de rectification que l'administration a adressée à M. et Mme D... le 18 septembre 2015 afin de leur faire connaître, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, les rehaussements qu'elle envisageait, à l'issue de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet, en ce qui concerne leurs revenus imposables des années 2012 et 2013, que ce document faisait connaître aux intéressés l'exercice, par le service vérificateur, de B... droit de communication auprès du parquet, qui avait initié une enquête pénale préliminaire en ce qui concerne M. D..., ainsi qu'auprès des établissements bancaires détenteurs des comptes bancaires dont ont disposé les intéressés au cours de la période vérifiée, comprise entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013. Cette proposition de rectification précise la nature des renseignements obtenus dans ce cadre, à savoir que M. D... a été suspecté de s'être fait ouvrir, sous une fausse identité luxembourgeoise, un compte bancaire et d'avoir disposé, au cours de la période vérifiée, des avoirs s'y trouvant inscrits. Elle précise aussi que le service a obtenu la communication des relevés de ce compte, ainsi que de ceux des autres comptes à la disposition du foyer fiscal durant cette période. Ainsi, M. et Mme D... ont été mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions en litige, la communication des documents concernant les renseignements utilisés par le service pour établir celles-ci. A cet égard, si M. et Mme D... soutiennent avoir formulé une telle demande, par l'intermédiaire de leur conseil, par un courrier adressé au service le 14 octobre 2015, qui faisait suite à la notification de la proposition de rectification du 18 septembre 2015, ils n'établissent pas, par la seule attestation établie le 3 août 2018 par leur conseil, l'envoi de ce courrier, alors que le ministre conteste expressément que l'administration ait été rendue destinataire d'une telle demande. Dans ces conditions, M. et Mme D... ne peuvent faire reproche à l'administration de ne pas leur avoir communiqué, avant la mise en recouvrement des impositions en litige, les documents contenant ces renseignements. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner si M. et Mme D... étaient à même d'obtenir, dans les mêmes conditions que l'administration, les éléments attendus, le moyen tiré de la méconnaissance, par l'administration, des obligations posées par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
8. En vertu de l'article L. 193 de ce livre, dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. L'article R. 193-1 du même livre précise que, dans ces cas, le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant B... caractère exagéré.
9. Il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. et Mme D... ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013 ont été établies d'office. Les intéressés supportent, en conséquence, la charge de la preuve, en application des dispositions, rappelées au point précédent, de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales et il leur revient, en application de l'article R. 193-1 du même livre, de démontrer le caractère exagéré de ces impositions.
En ce qui concerne l'incidence du classement sans suite de l'enquête pénale préliminaire :
10. M. et Mme D... soutiennent que l'enquête préliminaire diligentée par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dunkerque et qui avait conduit le parquet à mettre en cause M. D..., en lui imputant l'ouverture d'un compte bancaire sous une identité luxembourgeoise usurpée, a abouti à un classement sans suite. Toutefois, d'une part, ils n'apportent aucun commencement de preuve au soutien de cette allégation, ni ne donnent aucun élément susceptible d'expliquer le motif d'un tel classement sans suite. D'autre part et en tout état de cause, une décision par laquelle le parquet classe, sans lui donner de suite pénale, une enquête préliminaire, après avoir estimé, implicitement mais nécessairement, que les investigations conduites n'ont pas permis de réunir des éléments suffisamment concordants pour saisir la juridiction répressive, ne s'impose pas à l'administration fiscale, à qui il incombe de donner aux faits portés à sa connaissance, indépendamment de la qualification susceptible de leur être donnée ou non au regard de la loi pénale, la qualification qu'elle estime appropriée pour l'application de la loi fiscale. M. et Mme D... ne peuvent, dès lors, invoquer utilement, à l'appui de leur contestation du bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, le classement sans suite de l'enquête préliminaire dont a fait l'objet M. D..., ni davantage soutenir que ce classement sans suite faisait obstacle à ce que l'administration, pour établir les impositions e litige, se fonde sur des éléments recueillis au cours de cette enquête et portés à sa connaissance dans le cadre de l'exercice, par le service, de B... droit de communication. Enfin, le moyen tiré par M. et Mme D... de ce qu'en procédant ainsi, l'administration aurait méconnu, à leur détriment, la présomption d'innocence protégée notamment par les stipulations du 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit, pour les mêmes motifs et en tout état de cause, être écarté.
En ce qui concerne le caractère exagéré des impositions en litige :
11. En se bornant à soutenir que l'administration n'a pas établi une balance de trésorerie, alors que, comme il a été dit au point 5, il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification qui a été adressée le 18 septembre 2015, à M. et Mme D..., que le vérificateur a apprécié la cohérence entre, d'une part, les mouvements identifiés sur l'ensemble des comptes bancaires dont ils avaient la disposition au cours de la période vérifiée, y compris sur celui ouvert au nom d'un ressortissant luxembourgeois, dont les appelants ne contestant pas sérieusement avoir eu la disposition, et, d'autre part, les revenus qu'ils ont portés sur les déclarations souscrites par eux au titre de chacune des deux années d'imposition en litige, M. et Mme D... n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, ainsi qu'il a été dit au point 9, du caractère exagéré des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis d'office au titre des années 2012 et 2013, à l'issue de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l'objet.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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N°21DA02160
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N°"Numéro"