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16/03/2023 | FRANCE | N°21DA01816

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 16 mars 2023, 21DA01816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1809281 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a, d'une

part, prononcé une réduction des bases assignées à M. B..., en matière d'impôt sur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1809281 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, prononcé une réduction des bases assignées à M. B..., en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre des années 2013 et 2014, ainsi, par voie de conséquence, que des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, et des pénalités correspondantes, en ce qui concerne ces années, d'autre part, mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 juillet 2021 et le 20 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 mai 2021 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il prononce la décharge d'une partie des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige et qu'il met la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de remettre à la charge de M. B..., en droits et pénalités, les impositions et contributions dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif de Lille.

Il soutient que :

- en tant qu'elles concernent les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels M. B... a été assujetti au titre de l'année 2012, les conclusions d'appel incident présentées par l'intéressé présentent à juger un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal, dès lors que l'année 2012 n'est pas concernée par l'appel principal, qui est relatif aux années 2013 et 2014, et sont donc irrecevables ;

- les premiers juges ont retenu à tort que l'administration n'avait pas rapporté la preuve de ce que certains revenus regardés comme distribués et comme imposables entre les mains de M. B... sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts avaient été effectivement appréhendés par l'intéressé ; en tant que de besoin, l'administration entend, dans le cadre d'une demande de substitution de base légale, soutenir que ces revenus sont susceptibles d'être imposés, en tant que distributions occultes, sur le fondement du c. de l'article 111 du même code ;

- les premiers juges ont, également à tort, prononcé la décharge des revenus taxés d'office entre les mains de M. B..., au titre des années 2013 et 2014, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ; l'administration sollicite, dans le cadre d'une demande de substitution de base légale, le maintien de l'imposition de ces revenus sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ou, le cas échéant, sur le fondement du c. de l'article 111 du même code, en tant que revenus de capitaux mobiliers, une telle substitution n'ayant pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie de procédure, dès lors que l'administration a, en réalité, fait bénéficier M. B... des garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire ;

- l'administration a établi l'appréhension, par M. B..., des sommes correspondantes, en relevant, d'une part, que des recettes de la SARL Automotive World Trader, représentant un montant de 12 883 euros au titre de l'année 2013 et 5 216 euros au titre de l'année 2014, ont été encaissées sur un compte bancaire personnel de M. B..., d'autre part, que des recettes versées en espèces par des clients de la même société, qui s'élevaient à 6 700 euros au titre de l'année 2013 et à 1 950 euros au titre de l'année 2014, de même qu'une somme totale de 8 240,28 euros correspondant à un règlement par chèque de 4 120,14 euros reçu de la société Royal Colis Express ainsi qu'à un décaissement en espèces d'un même montant, n'ont pas été comptabilisées par la SARL Automotive World Trader, ont été nécessairement désinvesties et doivent ainsi être réputées avoir été appréhendées par M. B..., seul maître de l'affaire ; dans ces conditions, l'imposition de l'ensemble de ces sommes sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ou, à défaut, sur celui du c. de l'article 111 de ce code, est justifiée ;

- pour les motifs exposés dans les écritures produites au nom de l'Etat devant le tribunal administratif, ainsi que dans les décisions portant rejet des réclamations et dans les pièces de la procédure d'imposition, les autres moyens présentés, en première instance, par M. B... ne sont pas fondés ; en particulier, les propositions de rectification adressées à M. B... sont suffisamment motivées ; en outre, l'administration n'a pas méconnu les obligations posées par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle a communiqué à M. B..., en annexe à la réponse apportée le 28 octobre 2016 à ses observations, les documents obtenus par le service, notamment dans le cadre de l'exercice de son droit de communication à l'égard de la société Royal Colis Express, et sur lequel elle a fondé les impositions en litige ; par ailleurs, M. B... supporte, en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve en ce qui concerne les revenus initialement taxés d'office entre ses mains dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ; enfin, en imposant, entre les mains de M. B..., en tant que revenus distribués, d'une part, la somme de 4 120,14 euros correspondant à une recette versée par chèque par la société Royal Colis Express à la SARL Automotive World Trader mais non encaissée ni comptabilisée par cette dernière société et, d'autre part, la somme correspondant au décaissement en espèces effectué par la SARL Automotive World Trader en contrepartie de l'avoir qu'elle a indiqué, sans en justifier, avoir accordé, à hauteur de 4 120,14 euros, à la société Royal Colis Express, l'administration n'a pas soumis M. B... à une double imposition.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er novembre 2021, M. B..., représenté par la SELARL Franck Demailly, conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction, et, à titre principal, à la décharge, en droits et pénalités, des impositions demeurant en litige, à titre subsidiaire, à la décharge de la majoration pour manquement délibéré dont ces impositions ont été assorties, enfin, en toute hypothèse, à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les propositions de rectification qui lui ont été adressées n'ont pu valablement interrompre la prescription, dès lors qu'elles sont insuffisamment motivées pour ne pas comporter, pas même en annexe, des extraits des propositions de rectification établies à l'issue des contrôles dont la SAS Automotive World Trader et la SARL Comptoirs des Viandes Hallal ont fait l'objet ; en outre, cette insuffisance de motivation entache la régularité de la procédure d'imposition mise en œuvre à son égard ;

- l'administration n'était pas fondée à taxer d'office entre ses mains des sommes qu'elle a regardées à tort comme correspondant à des revenus d'origine indéterminée, alors qu'il s'agissait de remises personnelles effectuées dans la caisse des sociétés Automotive World Trader et Comptoirs des Viandes Hallal, au capital desquelles il était associé ; en outre, les versements par chèques portent sur des sommes prêtées ou données par sa sœur dans le cadre de l'entraide familiale, comme l'a d'ailleurs retenu, à juste titre, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; dès lors que l'administration n'a pas suivi cet avis, la charge de la preuve du contraire lui incombe ; or, elle n'apporte pas cette preuve en se bornant à soutenir que sa sœur ne dispose pas de ressources suffisante, sans prendre en compte son patrimoine ni le montant modeste de la somme versée ;

- l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce qu'il aurait appréhendé les sommes qu'elle regarde comme distribuées et qu'elle entend imposer sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ;

- l'administration n'apporte pas davantage la preuve, qui lui incombe également, de ce qu'il était, au cours des années en litige, le seul maître de l'affaire ;

- il a été doublement imposé à raison de la somme de 4 120,14 euros facturée par la SAS Automotive World Trader à la société Royal Colis Express et qui a ensuite fait l'objet, dès lors que la prestation commandée n'a pu être effectuée, d'un avoir interne par la SAS Automotive World Trader, lequel avoir a été comptabilisé par erreur en tant que remboursement versé en espèces ; or, l'administration n'établit pas qu'il aurait appréhendé une quelconque somme à ce titre ;

- la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont ont été assortis les droits supplémentaires mis à sa charge n'est pas fondée, faute pour l'administration d'établir, par une démonstration explicite portant sur l'ensemble des chefs de rectification, l'intention délibérée d'éluder l'impôt qu'elle lui prête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... était le dirigeant et l'associé unique de la société par actions simplifiée (SAS) Automotive World Trader. Il était, en outre, le gérant et l'un des associés de la société à responsabilité limitée (SARL) Comptoirs des Viandes Hallal, dont il détenait la moitié des parts. M. B... a fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Pour les besoins de ce contrôle, le vérificateur a eu accès, d'une part, aux comptes bancaires personnels de l'intéressé et, d'autre part, aux comptes courants d'associé ouverts à son nom dans la comptabilité de la SAS Automotive World Trader et de la SARL Comptoirs des Viandes Hallal. Au terme de ses investigations, le vérificateur a mis en évidence des versements en espèces portés sur les comptes bancaires personnels de M. B..., que le vérificateur a identifiés comme provenant de la SARL Comptoirs des Viandes Hallal. Le vérificateur a, dans ces conditions, regardé l'ensemble des sommes correspondantes comme des revenus distribués imposables au titre de l'année 2012, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. L'administration a fait connaître à M. B... sa position sur ce point par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 22 décembre 2015. M. B... a formulé des observations, à la suite de cette notification, qui étaient accompagnées de justificatifs nouveaux et qui ont conduit l'administration à ramener de 37 895 euros à 24 643 euros le montant des revenus réputés distribués intégrés dans les revenus imposables de l'intéressé au titre de l'année 2012. Par ailleurs, le vérificateur a mis en évidence la perception, par M. B..., au titre des années 2013 et 2014, de revenus regardés comme étant d'origine indéterminée, s'élevant aux montants respectifs de 54 587 euros et 29 550 euros, et a estimé que les sommes correspondantes devaient être taxées d'office entre les mains de l'intéressé sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Le vérificateur a, en outre, constaté, au titre des mêmes années, le versement, sur les comptes bancaires personnels de M. B..., de sommes en espèces, s'élevant à 27 824 euros au titre de l'année 2013 et à 7 166 euros au titre de l'année 2014, qu'il a identifiées comme provenant des recettes de la SAS Automotive World Trader et qu'il a regardées comme des revenus distribués imposables, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. L'administration a fait connaître à M. B... sa position sur ces points par une nouvelle proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 24 mai 2016. Les observations présentées par M. B... sur cette notification n'ont pas amené le service à reconsidérer son appréciation. Le différend avec l'administration en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée regardés comme perçus par M. B... au titre des années 2013 et 2014 a été soumis, à la demande de l'intéressé, à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui a émis un avis favorable, pour l'essentiel, au maintien des rectifications envisagées. L'administration a décidé, au vu de cet avis, de maintenir, dans leur ensemble, les rehaussements notifiés à M. B... en matière de revenus d'origine indéterminée. Dans ces conditions, les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant des rehaussements maintenus à la charge de M. B... au titre des années 2012, 2013 et 2014 ont, compte-tenu de l'abandon de la majoration d'assiette de 25 % appliquée en matière de prélèvements sociaux, été mis en recouvrement le 31 décembre 2017 et le 31 janvier 2018, à hauteur d'une somme globale, en droits et pénalités, de 100 527 euros.

2. Sa réclamation ayant été rejetée, M. B... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a ainsi été assujetti au titre des années 2012, 2013 et 2014 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, prononcé une réduction des bases assignées à M. B..., en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre des années 2013 et 2014, ainsi, par voie de conséquence, que des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, et des pénalités correspondantes, en ce qui concerne ces années, d'autre part, mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, enfin, rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

3. Le ministre de l'économie des finances et de la relance relève appel de ce jugement, en tant qu'il prononce une réduction d'une partie des impositions contestées par M. B... et qu'il met la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B..., par la voie de l'appel incident, conteste le même jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction.

Sur la recevabilité de l'appel incident :

4. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal, portant notamment sur des années d'imposition différentes.

5. L'appel principal introduit par le ministre de l'économie, des finances et de la relance est dirigé contre le jugement du 27 mai 2021 du tribunal administratif de Lille en tant seulement qu'il a prononcé la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à la charge de M. B... au titre des années 2013 et 2014. L'appel incident formé, le 1er novembre 2021, par M. B... tend à l'annulation de ce jugement, en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti non seulement au titre des années 2013 et 2014, mais aussi au titre de l'année 2012. Ainsi, cet appel incident, qui, introduit après l'expiration du délai d'appel contre le jugement du tribunal administratif de Lille, concerne, pour partie, une année d'imposition autre que celles sur lesquelles porte l'appel principal du ministre, est irrecevable en tant qu'il concerne l'année 2012, comme l'oppose à bon droit le ministre, et ne peut, dès lors, qu'être rejeté dans cette mesure.

Sur les motifs de décharge retenus par les premiers juges :

6. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la proposition de rectification adressée le 24 mai 2016 à M. B..., que l'administration a entendu soumettre à l'impôt sur le revenu, entre les mains de l'intéressé, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, d'une part, la somme de 6 700 euros au titre de l'année 2013 et la somme de 1 950 euros au titre de l'année 2014, qui correspondent à des paiements effectués en espèces par des clients de la SAS Automotive World Trader, en contrepartie d'achats de véhicules réalisés auprès de cette société et non comptabilisés par celle-ci et, d'autre part, une somme de 4 120,14 euros au titre de l'année 2013, correspondant au règlement, par un client, d'une facture établie par la même société, au moyen d'un chèque qu'elle n'a pas encaissé, enfin, une autre somme de 4 120,14 euros au titre de l'année 2013, portée dans la comptabilité de cette société comme correspondant à un décaissement en espèces, et que M. B... a rapprochée du montant réglé par chèque par ce même client, en faisant état de l'absence de réalisation de la prestation commandée. Après avoir regardé M. B... comme le seul maître de l'affaire au cours des années 2013 et 2014, l'administration s'est prévalue de la présomption d'appréhension attachée à cette qualité.

7. Par ailleurs, au cours de la vérification de comptabilité dont la SAS Automotive World Trader et la SARL Comptoirs des Viandes Hallal ont, chacune, fait l'objet, le service vérificateur a constaté, d'une part, qu'une somme de 8 244 euros avait été inscrite, le 27 février 2013, au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... dans la comptabilité de la SARL Comptoirs des Viandes Hallal et, d'autre part, qu'une somme totale de 36 760,32 euros avait été inscrite, au cours de l'année 2013, au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... dans la comptabilité de la SAS Automotive World Trader. Dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont a ensuite fait l'objet M. B..., le vérificateur a demandé à l'intéressé, le 3 février 2016, sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, de justifier de l'origine et de la cause juridique de ces sommes. M. B... ayant, en réponse, indiqué au vérificateur qu'il se tenait à sa disposition pour apporter les réponses et documents demandés, tout en ne se rendant pas au rendez-vous qui lui avait été fixé à cette fin, le vérificateur l'a mis en demeure, par courrier recommandé du 9 avril 2016, adressé sur le fondement de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, d'apporter les justifications attendues. Ces éléments n'ayant pas été fournis au service dans le délai imparti, l'administration a taxé d'office les sommes correspondantes, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.

8. Pour prononcer, par le jugement attaqué, une réduction des bases assignées à M. B..., en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre des années 2013 et 2014, ainsi, par voie de conséquence, que des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, et des pénalités correspondantes, en ce qui concerne ces années, le tribunal administratif a estimé, d'une part, qu'en se prévalant seulement de la qualité de seul maître de l'affaire attribuée à M. B..., alors que cette qualité est insusceptible d'établir l'appréhension de sommes par un contribuable que l'administration entend imposer sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, l'administration ne pouvait être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, d'une telle appréhension, par M. B..., des sommes mentionnées au point 6 du présent arrêt. Le tribunal administratif a estimé, d'autre part, que, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ouvert dans les livres d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés ayant, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la seule catégorie des revenus de capitaux mobiliers, l'administration n'avait pu légalement taxer d'office, en tant que revenus d'origine indéterminée, les sommes, mentionnées au point 7, inscrites au crédit des comptes courants d'associé ouverts au nom de M. B... dans la comptabilité des sociétés Automotive World Trader et Comptoirs des Viandes Hallal.

9. Au soutien des conclusions de sa requête dirigées contre ce jugement, en tant qu'il prononce ces réductions, le ministre soutient que l'administration a démontré l'appréhension, par M. B..., des sommes imposées entre ses mains, en tant que revenus distribués, sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, pour établir cette appréhension, l'administration invoquait seulement, en première instance, la présomption attachée à la qualité de seul maître de l'affaire, qu'elle attribuait, à partir d'indices relevés par le service vérificateur, à M. B.... Or, sur le fondement des dispositions du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, qui correspond à une hypothèse dans laquelle le résultat de la société distributrice n'a pas nécessairement fait l'objet d'un rehaussement, ni cette présomption, ni, par elle-même, la qualité de seul maître de l'affaire ne peuvent utilement être invoquées pour démontrer l'appréhension des sommes en cause par le contribuable regardé comme le bénéficiaire. Si le ministre fait observer, en appel, que certaines des sommes en cause ont été encaissées sur un compte bancaire personnel de M. B..., tel n'est pas le cas de l'ensemble des sommes concernées par ce chef de rectification, de sorte que le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts ne peut, à lui seul, être invoqué comme susceptible de justifier le rétablissement des impositions correspondantes. Toutefois, le ministre, dans le cadre de plusieurs demandes de substitution de base légale, sollicite notamment que soient substituées aux dispositions, d'une part, du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts et, d'autre part, de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, initialement mises en œuvre par le service, celles du c. de l'article 111 du code général des impôts.

10. L'administration est en droit d'invoquer, à un moment quelconque de la procédure contentieuse, et sans être tenue d'adresser une nouvelle proposition de rectification au contribuable, tout moyen nouveau propre à donner un fondement légal à une imposition contestée devant le juge de l'impôt, sous réserve de ne pas priver le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi. Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

11. D'une part, des recettes dissimulées provenant de ventes sans factures ou non comptabilisées en tant que telles, dont il n'est pas établi qu'elles sont restées investies dans l'entreprise ou qu'elles ont servi à régler des dépenses sociales, constituent des revenus distribués imposables, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en tant que rémunérations occultes, entre les mains du bénéficiaire sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. En l'espèce, le ministre fait valoir, sans être contredit, que les sommes de 6 700 euros et de 1 950 euros, respectivement perçues en espèces, au cours de l'année 2013 et de l'année 2014, à titre de recettes par la SAS Automotive World Trader, de même que la somme de 4 120,14 euros perçue par elle d'un client, au titre de l'année 2013, au moyen d'un chèque qu'elle n'a pas encaissé, n'ont pas été comptabilisées, en tant que règlements, par cette société et qu'aucun des éléments recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité dont cette dernière a fait l'objet n'a permis d'établir que ces sommes auraient été investies ou mises en réserve dans l'entreprise, ni qu'elles auraient été utilisées pour régler des dépenses sociales, ce qui n'est d'ailleurs pas allégué. Enfin, la somme de 4 120,14 euros portée, au titre de l'année 2013, dans la comptabilité de cette société comme correspondant au décaissement, en espèces, d'une somme du même montant, matérialise un flux financier qui n'est pas nécessairement demeuré dans l'entreprise. Par ces éléments, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que l'ensemble de ces sommes ont été désinvesties par la SAS Automotive World Trader.

12. Il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que le contribuable a effectivement disposé des sommes regardées par elle comme distribuées par une société. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle. En l'espèce, l'administration a entendu, en ce qui concerne les sommes, d'une part, de 6 700 euros et 4 120,15 euros et, d'autre part, de 1 950 euros, mises à la disposition de la SAS Automotive World Trader au titre, respectivement, des années 2013 et 2014, et également en ce qui concerne la somme de 4 120,14 euros décaissée par cette société au titre de l'année 2013, se prévaloir, pour fonder les suppléments d'impôt et de prélèvements sociaux y afférents, de la présomption d'appréhension attachée à la qualité de seul maître de l'affaire, après avoir estimé, à partir d'un faisceau d'indices, que cette qualité devait être attribuée à M. B.... Au nombre de ces indices figure le fait que l'intéressé était, au cours des années 2013 et 2014, l'associé unique et le dirigeant de la SAS Automotive World Trader, de sorte qu'il était à même d'user sans contrôle de l'intégralité du patrimoine de cette société. La vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet a d'ailleurs permis à l'administration de constater que des recettes de l'entreprise étaient habituellement encaissées sur des comptes bancaires personnels de M. B... ou par voie d'inscription sur son compte courant d'associé. Dans ces conditions, les indices ainsi avancés par l'administration et d'ailleurs non contestés par M. B..., doivent être regardés comme permettant d'établir que celui-ci était le seul maître de l'affaire au cours des années d'imposition 2013 et 2014. Or, en invoquant la qualité de seul maître de l'affaire, le ministre soutient à bon droit, pour l'application du c. de l'article 111 du code général des impôts, que M. B... doit être réputé avoir appréhendé les sommes rappelées ci-dessus et ainsi que celles mentionnées au point 6.

13. D'autre part, les sommes mises à la disposition des associés ou porteurs de parts de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés et dont il n'est pas justifié qu'elles correspondraient à une avance, à un prêt ou à la rémunération de fonctions ou d'un service, sont susceptibles d'être regardées, en l'absence d'élément contraire, comme procédant d'une distribution occulte de revenus imposables sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Ainsi, la somme de 8 244 euros inscrite, le 27 février 2013, au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. B... dans la comptabilité de la SARL Comptoirs des Viandes Hallal et celle de 36 760,32 euros inscrite, au cours de l'année 2013, au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de celui-ci dans la comptabilité de la SAS Automotive World Trader doivent être regardées comme désinvesties et appréhendées par l'intéressé, au plus tard au terme de l'exercice clos en 2013, du fait même de leur inscription au crédit de comptes dont M. B... avait la libre disposition. Elles sont, dès lors, susceptibles d'être imposées, en tant que distribution occulte, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Si M. B... soutient que les sommes en cause correspondent à des apports effectués, auprès de ces sociétés, au moyen d'espèces à sa disposition ou à partir de versements effectués, au titre de l'entraide familiale, par sa sœur, de sorte que ces sommes ne pourraient être regardées comme ayant la nature de revenus distribués imposables entre ses mains, il n'apporte toutefois aucun élément à l'appui de cette assertion, alors qu'il n'est pas sérieusement contesté que la sœur de M. B..., reconnue atteinte d'une invalidité la rendant inapte au travail, ne dispose pas de ressources suffisantes pour être à l'origine de tels versements. Si M. B... soutient que le ministre, s'il invoque cet argument, ne tient pas compte de la consistance du patrimoine de l'intéressée, il n'apporte aucune précision sur ce point et ne peut utilement faire état de la relative modicité de la somme en cause.

14. Les impositions dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif sont donc susceptibles de trouver leur fondement dans les dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts que le ministre demande de substituer à celles initialement retenues par le service. Dès lors que, s'agissant de distributions occultes correspondant aux recettes dissimulées, une telle substitution de base légale n'a pour effet de priver M. B... d'aucune des garanties de procédure accordées par la loi aux contribuables, il y a lieu de faire droit à cette demande de substitution de base légale pour rétablir l'imposition des sommes correspondantes. Par ailleurs, alors même qu'elle a taxé d'office, en application des articles L. 16, L. 16 A et L. 69 du livre des procédures fiscales, des sommes qu'elle a regardées initialement comme des revenus d'origine indéterminée, l'administration, d'une part, a adressé à M. B... une proposition de rectification dont la motivation répond aux exigences des articles L. 57 et L. 58 du livre des procédures fiscales et, d'autre part, a mis en recouvrement le complément d'imposition résultant de ce rehaussement après que le contribuable a pu formuler des observations. Dès lors, l'administration justifie, en ce qui concerne les sommes correspondantes, qu'elle regarde désormais comme des revenus de capitaux mobiliers, avoir respecté l'ensemble des garanties offertes au contribuable dans le cadre de la procédure contradictoire. Elle est donc en droit de substituer cette qualification à celle qui a été initialement retenue et cette substitution n'a pas pour effet, en l'espèce, de priver M. B... des garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire. Il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que le tribunal administratif, pour prononcer la décharge d'une partie des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, s'est fondé à tort, d'une part, sur l'absence de preuve de l'appréhension des revenus réputés distribués en application du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts et, d'autre part, sur l'impossibilité d'imposer d'office, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, des sommes inscrites en compte courant d'associé ouvert dans les livres d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés.

15. Il y a lieu toutefois pour la cour, saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, de l'ensemble du litige afférent aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. B... a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, d'examiner les autres moyens présentés par celui-ci, d'une part, devant ce tribunal, d'autre part, devant elle, dans le cadre de son appel incident, en tant que cet appel incident n'est pas entaché de l'irrecevabilité relevée au point 5.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant de la motivation de la proposition de rectification :

16. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, lorsqu'elle met en œuvre la procédure de rectification contradictoire, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. L'article R. 57-1 du même livre précise que la proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée.

17. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification que l'administration a adressée à M. B... le 24 mai 2016 afin de lui faire connaître les rehaussements qu'elle envisageait, à l'issue de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont il a fait l'objet, en ce qui concerne ses revenus imposables des années 2013 et 2014, que ce document, qui ne fait pas référence, pour sa motivation, à un quelconque document extérieur, fait mention des années, ainsi que des impositions concernées, et expose, y compris s'agissant des sommes que le service avait entendu initialement taxer d'office dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, la nature et les motifs de ces rectifications, en précisant les sommes sur lesquelles celles-ci portent, de même que les dispositions sur lesquelles ces rectifications se fondent. Enfin, cette proposition de rectification expose que M. B... est, d'une part, l'associé unique et le dirigeant de la SAS Automotive World Trader, d'autre part, le gérant et l'un des associés de la SARL Comptoirs des Viandes Hallal. A cet égard, dès lors que les rectifications contestées ne trouvent pas leur origine directe dans un rehaussement des résultats imposables déclarés par ces sociétés, l'administration a pu, sans commettre d'irrégularité, ne pas joindre à cette proposition de rectification, ni y insérer, des extraits des propositions de rectifications adressées auxdites sociétés à l'issue de la vérification de comptabilité dont elles ont, chacune, fait l'objet. Cette proposition de rectification doit ainsi être regardée, dans son ensemble et notamment en tant qu'elle concerne les revenus que l'administration avait initialement entendu taxer d'office, comme suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par les dispositions, rappelées au point précédent, des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, et comme ayant mis M. B... à même de présenter d'utiles observations, ce qu'il a d'ailleurs fait le 21 juillet 2016. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit donc être écarté.

S'agissant de la régularité de l'exercice du droit de communication :

18. En vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

19. Il ressort des termes de la proposition de rectification que l'administration a adressée à M. B... le 24 mai 2016 afin de lui faire connaître les rehaussements qu'elle envisageait, à l'issue de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont il a fait l'objet, en ce qui concerne ses revenus imposables des années 2013 et 2014, que ce document a informé l'intéressé de l'exercice, par le service vérificateur, de son droit de communication auprès des établissements bancaires détenteurs de ses comptes, ainsi que de la nature des renseignements obtenus dans ce cadre, à savoir la copie recto-verso de certains chèques émis par ses soins et la copie de bordereaux de remise d'autres chèques à l'encaissement sur ces comptes. La proposition de rectification a aussi fait connaître à M. B... que le service vérificateur avait, en outre, exercé son droit de communication auprès d'une entreprise cliente de la SAS Automotive World Trader, à savoir la société Royal Colis Express, afin d'obtenir de cette dernière des renseignements sur la nature des travaux effectués, pour les besoins de son exploitation, par la SAS Automotive World Trader. La proposition de rectification précise la nature des renseignements recueillis dans ce cadre, à savoir une facture établie par la SAS Automotive World Trader au nom de la société Royal Colis Express pour un montant de 4 120,14 euros, ainsi que les justificatifs de l'état des règlements établis par la société Royal Colis Express au profit de la SAS Automotive World Trader. Ainsi, M. B... a été mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions contestées, la communication des documents concernant les renseignements utilisés par le service pour établir celles-ci, ce qu'il a d'ailleurs fait dans le cadre des observations qu'il a formulées le 21 juillet 2016. Enfin, il est constant que le service a joint à la réponse apportée à ces observations le 28 octobre 2016, dont M. B... a accusé réception le 4 novembre suivant, c'est-à-dire avant la mise en recouvrement, le 31 décembre 2017 et le 31 janvier 2018, des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, l'ensemble des documents demandés. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance, par l'administration, des obligations posées par l'article L.76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige :

S'agissant de la prescription :

20. En vertu de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, pour l'impôt sur le revenu, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Pour que la notification d'une proposition de rectification interrompe, conformément à l'article L. 189 du même livre, ce délai, à l'expiration duquel le droit de reprise dont dispose l'administration est prescrit, la proposition de rectification doit être suffisamment motivée au regard des règles applicables en fonction de la procédure d'imposition mise en œuvre.

21. Ainsi qu'il a été dit au point 17, la proposition de rectification adressée à M. B..., le 24 mai 2016, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de reprise imparti à l'administration pour ce qui concerne les années 2013 et 2014 sur lesquelles portaient les rectifications envisagées par ce document, est suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par les articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales. Cette proposition de rectification a ainsi valablement interrompu ce délai. Le moyen tiré par M. B... de ce que les suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui lui ont été notifiés en ce qui concerne les années 2013 et 2014 seraient atteints par la prescription doit donc être écarté.

S'agissant de la double imposition :

22. M. B... fait observer qu'il a été imposé, d'une part, sur la somme de 4 120,14 euros perçue, au cours de l'année 2013, de la société Royal Colis Express, par la SAS Automotive World Trader, au moyen d'un chèque qu'elle n'a pas encaissé, et, d'autre part, de nouveau sur la même somme de 4 120,14 euros portée, au titre de l'année 2013, dans la comptabilité de la SAS Automotive World Trader, selon lui par erreur, comme correspondant à un décaissement, en espèces, qu'il rapproche de la somme précédemment réglée par chèque par la société Royal Colis Express, en précisant que cette dernière bénéficiait d'un avoir. M. B... soutient que l'administration a considéré à tort cette situation comme révélant deux flux financiers successifs, alors qu'il s'agit, en réalité, d'une seule opération, à savoir le règlement d'une facture par chèque et son remboursement en espèces, et en déduit qu'il a été doublement imposé à raison de la même somme de 4 120,14 euros.

23. Toutefois, la SAS Automotive World Trader n'ayant produit, au cours de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, aucun justificatif au soutien de son écriture portant sur le décaissement d'une somme de 4 120,14 euros en espèces, l'administration ne disposait d'aucun indice, à l'exception de la similitude de montant, insuffisante à elle seule, pour lui permettre de rapprocher avec certitude cette écriture du paiement, par un chèque que cette société n'a pas encaissé, ni porté dans sa comptabilité, de la facture qu'elle avait adressée, pour un montant de 4 120,14 euros toutes taxes comprises, à la société Royal Colis Express, celle-ci ayant d'ailleurs confirmé au vérificateur qu'aucun avoir n'avait été établi à son bénéfice pour ce montant. Dans ces conditions, l'administration, en l'absence d'éléments suffisants pour regarder ces deux opérations comme liées et pour identifier le bénéficiaire de ces flux financiers désinvestis par la SAS Automotive World Trader, était fondée à regarder M. B..., seul maître de l'affaire et qui n'a produit à l'instruction aucun justificatif au soutien de son argumentation concernant les sommes en cause, comme ayant appréhendé, d'une part, le chèque de 4 120,14 euros et, d'autre part, le décaissement de 4 120,14 euros, et à imposer séparément ces deux sommes, entre les mains de l'intéressé, en tant que revenus occultes, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Il ne peut davantage être tenu pour établi qu'en procédant ainsi, l'administration aurait soumis M. B... à une double imposition à raison d'un même revenu.

En ce qui concerne les pénalités :

24. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

25. Pour justifier du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, aux suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à la charge de M. B... au titre des années 2013 et 2014, le ministre fait valoir, en se référant aux termes de la proposition de rectification adressée à celui-ci le 24 mai 2016 et à ceux du mémoire produit par l'administration en première instance, que l'intéressé a été dans l'incapacité de fournir au vérificateur des justificatifs concernant des écritures portées au crédit de comptes courants d'associé ouverts à son nom dans la comptabilité des sociétés Automotive World Trader et Comptoirs des Viandes Hallal, ni de justifier la cause des sommes appréhendées par lui en espèces auprès de cette dernière société, que ces manquements devaient être regardés comme répétés et qu'ils portaient sur des montants importants au regard des revenus déclarés, au titre des années en cause, par M. B.... Le ministre ajoute qu'en sa qualité d'associé unique, de dirigeant de la SAS Automotive World Trader et, par conséquent, de seul maître de l'affaire, M. B... ne pouvait ignorer avoir encaissé, à plusieurs reprises, sur ses comptes bancaires personnels, des chèques et des espèces correspondant à des recettes de cette société et non portés dans la comptabilité de celle-ci, ce qui lui a permis d'appréhender, de manière récurrente et pour des montants importants, des fonds de cette société dans des conditions permettant d'établir que ces manquements ont été commis en connaissance de cause. Par ces éléments, qui ne sont pas sérieusement contestés, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé M. B... et comme justifiant, par suite, du bien-fondé de l'application, aux droits en litige, de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, prononcé une réduction des bases assignées à M. B..., en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre des années 2013 et 2014, ainsi, par voie de conséquence, que des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, et des pénalités correspondantes, en ce qui concerne ces années, d'autre part, mis une somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il résulte également de ce qui précède que le ministre est fondé à demander que la fraction des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dont la décharge a été prononcée par ce jugement soit remise, en droits et pénalités, à la charge de l'intéressé. Enfin, les conclusions de la demande de M. B... qui ont été accueillies par ce jugement doivent, de même que ses conclusions d'appel incident et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1809281 du 27 mai 2021 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant, d'une part, qu'il a prononcé une réduction des bases assignées à M. B..., en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, au titre des années 2013 et 2014, ainsi, par voie de conséquence, que des cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en litige, et des pénalités correspondantes, en ce qui concerne ces années, et, d'autre part, qu'il a mis la somme de 1 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, auxquelles M. B... a été assujetti au titre des années 2013 et 2014, ainsi que les pénalités correspondantes, dont la décharge a été prononcée par ce jugement, est remise à la charge de l'intéressé.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que ses conclusions d'appel incident et celles qu'il présente devant la cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. A... B....

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 2 mars 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

1

2

N°21DA01816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA01816
Date de la décision : 16/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DEMAILLY

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-16;21da01816 ?
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