Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... E... épouse A... a demandé par cinq requêtes distinctes au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a suspendu son traitement à compter du 1er octobre 2019, d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2019 en ce que le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme n'a rétabli son traitement qu'à compter du 1er décembre 2019, d'annuler le titre exécutoire du 22 octobre 2019 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a mis à sa charge une somme de 184,22 euros au titre du remboursement d'un indu d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise, d'annuler la décision implicite du 10 février 2020 et l'arrêté du 25 juin 2020 par lesquels le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle, d'annuler l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a décidé le reversement des traitements et accessoires qu'elle a perçus alors qu'elle exerçait un travail rémunéré durant son congé de longue maladie, à hauteur 12 443, 89 euros, d'annuler le titre exécutoire du 20 janvier 2021 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a mis à sa charge une somme de 12 443,89 euros au titre des traitements et accessoires qu'elle a perçus alors qu'elle exerçait un travail rémunéré durant son congé de longue maladie et de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Est de la Somme une somme globale de 17 000 euros sur le fondement de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement commun n° 1904093, 1904094, 2000639, 2002618 et 2101050 du 30 décembre 2021 le tribunal administratif d'Amiens a relevé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2019 du président de la communauté de communes de l'Est de la Somme en tant qu'il avait suspendu le traitement de Mme B... E... épouse A... du 1er au 22 octobre 2019, rejeté le surplus des conclusions de la requête n° 1904093 et les requêtes nos 1904094, 2000639, 2002618 et 2101050 et mis à la charge de Mme B... E... épouse A... le versement, à la communauté de communes de l'Est de la Somme, de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 février et 10 novembre 2022, Mme C... B... E... épouse A..., représentée par Me de Fresse de Monval, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes dans les instances n° 1904093, 1904094, 2000639, 2002618 et 2101050 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a suspendu son traitement à compter du 1er octobre 2019 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2019 en ce que le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme n'a rétabli son traitement qu'à compter du 1er décembre 2019 ;
4°) d'annuler la décision implicite du 10 février 2020 et l'arrêté du 25 juin 2020 par lesquels le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle ;
5°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a décidé le reversement des traitements et accessoires qu'elle a perçus alors qu'elle exerçait un travail rémunéré durant son congé de longue maladie, à hauteur 12 443,89 euros ;
6°) d'annuler le titre exécutoire du 22 octobre 2019 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a mis à sa charge une somme de 184,22 euros au titre du remboursement d'un indu d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise ;
7°) d'annuler le titre exécutoire du 20 janvier 2021 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a mis à sa charge une somme de 12 443,89 euros au titre des traitements et accessoires qu'elle a perçus alors qu'elle exerçait un travail rémunéré durant son congé de longue maladie ;
8°) d'enjoindre le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme de lui accorder la protection fonctionnelle et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de protection fonctionnelle dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
9°) de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Est de la Somme une somme de 10 000 euros sur le fondement de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il y a lieu, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 25 novembre 2019 ;
- l'arrêté du 25 novembre 2019 est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté et celui du 7 octobre 2019 ont été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'aucune enquête préalable régulière n'a été effectuée en méconnaissance de l'article 28 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- elle n'a pas exercé d'activité lucrative illégale dès lors que l'activité de location de gîtes qui lui est reprochée n'a pas été exercée à titre professionnel et a été exercée par son mari ;
- les arrêtés des 7 octobre et 25 novembre 2019 sont illégaux dès lors qu'ils participent d'un harcèlement moral exercé à son encontre par sa hiérarchie ;
- ils sont entachés d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- le titre exécutoire du 22 octobre 2019 de 184,22 euros au titre du remboursement d'un indu d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est insuffisamment motivé ;
- il est illégal à raison de l'illégalité de l'arrêté du 7 octobre 2019 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a suspendu son traitement à compter du 1er octobre 2019 ;
- il est illégal dès lors que son montant ne correspond pas à celui qui lui avait été annoncé par un courrier du 29 mars 2019 ;
- il est illégal dès lors qu'il participe d'un harcèlement moral exercé à son encontre par sa hiérarchie ;
- la décision implicite du 10 février 2020 et l'arrêté du 25 juin 2020 par lesquels le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a refusé de lui accorder la protection fonctionnelle ont été pris au terme d'une enquête administrative irrégulière à raison de son manque d'impartialité et de rigueur ;
- ils méconnaissent l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
-l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a décidé le reversement des traitements et accessoires qu'elle a perçus alors qu'elle exerçait un travail rémunéré durant son congé de longue maladie, à hauteur 12 443,89 euros a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'aucune enquête préalable régulière n'a été effectuée en méconnaissance de l'article 28 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- il est illégal à raison de l'illégalité de l'arrêté du 7 octobre 2019 ;
- il est illégal dès lors qu'il participe d'un harcèlement moral exercé à son encontre par sa hiérarchie ;
- le titre exécutoire du 20 janvier 2021 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a mis à sa charge une somme de 12 443,89 euros au titre des traitements et accessoires qu'elle a perçus alors qu'elle exerçait un travail rémunéré durant son congé de longue maladie est insuffisamment motivé ;
- il est illégal à raison de l'illégalité de l'arrêté du 12 juin 2020 par lequel le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a décidé le reversement des traitements et accessoires qu'elle a perçus alors qu'elle exerçait un travail rémunéré durant son congé de longue maladie, à hauteur 12 443, 89 euros ;
- il est illégal dès lors qu'il participe d'un harcèlement moral exercé à son encontre par sa hiérarchie.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 octobre et 2 décembre 2022, la communauté de communes de l'Est de la Somme, représentée par Me Carrère, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... E... une somme de 3 000 euros sur le fondement de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 2 décembre 2022 la date de clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me de Fresse de Monval, représentant Mme B... E..., et de Me Lefebure, représentant la communauté de communes de l'Est de la Somme.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... E... épouse A..., a été recrutée le 11 janvier 2010 puis titularisée le 1er juin 2012 dans le grade d'adjoint administratif principal par la communauté de communes de l'Est de la Somme. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire à compter du 2 mai 2016 puis en congé de longue maladie à compter du 23 juillet 2018. Par un arrêté du 7 octobre 2019, la communauté de communes de l'Est de la Somme (CCES) a suspendu sa rémunération à compter du 1er octobre 2019. Mme B... E... a présenté un recours gracieux contre cette décision le 28 octobre 2019. La communauté de communes de l'Est de la Somme a rétabli son traitement à partir du 1er décembre 2019 par un arrêté du 25 novembre 2019. Par ailleurs, le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a mis à la charge de l'intéressée une somme de 184,22 euros au titre du remboursement d'un indu d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise par un titre exécutoire du 22 octobre 2019. Le 4 décembre 2019, Mme B... E... a demandé à bénéficier de la protection fonctionnelle ce qui lui a été refusé le 10 février 2020 par une décision implicite, confirmée par un arrêté du 25 juin 2020. Par un arrêté du 12 juin 2020, le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a décidé le reversement des traitements et accessoires perçus par l'intéressée alors qu'elle exerçait un travail rémunéré durant son congé de longue maladie, à hauteur de 12 443,89 euros. Le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a mis à la charge de Mme B... E... cette somme de 12 443,89 euros par un titre exécutoire du 20 janvier 2021. Par un jugement du 30 décembre 2021 le tribunal administratif d'Amiens a notamment relevé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2019 du président de la communauté de communes de l'Est de la Somme en tant qu'il avait suspendu le traitement de Mme B... E... du 1er au 22 octobre 2019, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête no 1904093 et les requêtes nos 1904094, 2000639, 2002618 et 2101050. Mme B... E... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes dans les instances n° 1904093, 1904094, 2000639, 2002618 et 2101050.
Sur la régularité du jugement :
2. Au point 9 de son jugement, le tribunal a estimé que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2019 étaient devenues sans objet en tant que cet arrêté avait suspendu le traitement de Mme B... E... du 1er au 22 octobre 2019. Dans son courrier du 25 novembre 2019 accompagnant l'arrêté du même jour rétablissant le traitement de Mme B... E... au 1er décembre 2019, le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme a précisé également que serait fait " sur le salaire de décembre, un rappel de demi-traitement du 1er au 22 octobre 2019 ". Il s'agissait ainsi d'une réponse favorable au recours gracieux de l'appelante dans lequel elle relevait notamment la rétroactivité illégale de la suspension de traitement en tant qu'elle prenait effet avant sa notification le 22 octobre 2019. Ce courrier du 25 novembre 2019 doit être regardé comme retirant, dans cette mesure, l'arrêté du 7 octobre 2019. La communauté de communes de l'Est de la Somme a d'ailleurs procédé au versement de la rémunération de Mme B... E... pour cette période dès décembre 2019. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a retenu le non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2019 en tant qu'il a suspendu le traitement de Mme B... E... du 1er au 22 octobre 2019. Le moyen tiré de ce que le tribunal a constaté, à tort, un non-lieu à statuer partiel doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la situation de harcèlement moral :
3. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".
4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
5. Mme B... E... soutient avoir fait l'objet de reproches disproportionnés et d'agression verbale, pendant sa première grossesse puis à la suite de son retour dans le service en août 2017. Toutefois s'il n'est pas contesté que le président de la communauté de communes de l'Est de la Somme pouvait avoir des propos véhéments, ceux-ci ne visaient pas particulièrement l'appelante et aucune insulte, débordement ou fait de harcèlement moral envers les agents placés sous son autorité n'ont été relevés. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communauté de communes de l'Est de la Somme ait répondu avec un retard particulier à la demande de congés annuels et de renouvellement de congé parental à temps partiel de l'intéressée à son retour de congé de maternité en août 2015. La communauté de communes de l'Est de la Somme a répondu favorablement aux demandes de son agent visant à travailler à temps partiel. Si la collectivité n'a pas fait droit à la demande de l'intéressée de regrouper ses heures sur trois jours et de demeurer sur les fonctions qu'elle occupait précédemment, il ressort des pièces du dossier que pour répondre à sa demande de temps partiel, l'autorité territoriale a modifié l'organisation de ses services et groupé les heures de travail de son agent le matin pour préserver son confort. Compte tenu de son temps partiel, il lui a été proposé d'effectuer l'accompagnement de cantine de manière temporaire jusqu'au 5 juillet 2016 afin de la libérer dès 13h30 chaque jour. Ces missions peuvent être regardées comme entrant dans le champ d'application de l'article 3 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles ne pouvaient pas être réalisées correctement dans le temps de travail qui lui était imparti. Dans ces conditions, le changement des attributions de l'intéressée a été effectué pour des considérations étrangères à tout harcèlement moral. L'absence de fiche de poste détaillée pour définir ses attributions et l'absence de réponse à sa lettre du 6 février 2017 concernant son changement d'affectation ne sont pas de nature à faire présumer par elles-mêmes l'existence d'un harcèlement moral. Par ailleurs, s'il lui a été demandé de conduire le véhicule des espaces verts, c'est occasionnellement et avec son accord afin de remplacer l'agent absent. Si la fiche de notation 2014 de Mme B... E... mentionne " manque de rigueur dans les messages. Trop d'absences ", cette dernière mention ne fait pas référence à ses congés de maladie mais à des absences non justifiées. Elle a obtenu la note de 4/5 s'agissant de son assiduité et de sa ponctualité et la note de 15/20, notation supérieure à celles de ses évaluations précédentes ce qui ne révèle nullement, contrairement à ce qu'elle soutient, une dépréciation de son travail. Si Mme B... E... évoque un climat de tension, il ressort des pièces du dossier que les remarques et les reproches de la hiérarchie concernaient son manque de rigueur et les rappels à l'ordre concernaient l'utilisation du temps de travail à des fins personnelles.
6. Il est apparu que Mme B... E... semblait exercer une activité lucrative lors de son congé de longue maladie. Elle a été conviée à un entretien le 3 octobre 2019 pour recueillir ses explications sur la gestion d'une entreprise individuelle créée par ses soins afin d'exploiter des hébergements touristiques, alors qu'elle se trouvait en congés de maladie ordinaire puis de longue maladie. Ni les conditions de la tenue de cet entretien, ni la procédure de suspension de traitement engagée sur le fondement de l'article 28 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 ne sont de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, alors que les faits en cause étaient susceptibles de fonder le recours aux procédures prévues par les dispositions précitées et que ces mesures sont intervenues dans l'exercice normal des prérogatives de l'autorité territoriale.
7. Dans ces conditions, après examen des faits invoqués, tant isolément que dans leur ensemble, il ne résulte pas de l'instruction que ces faits sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre et que Mme B... E... ait été victime d'agissements répétés de harcèlement moral, au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.
En ce qui concerne le refus du bénéfice de la protection fonctionnelle :
8. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983: " A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis.
9. A la suite de la dénonciation par Mme B... E... de ce qu'elle faisait l'objet de faits relevant d'un harcèlement, une enquête administrative a été diligentée du 24 janvier au 11 mars 2020. Il n'existe aucune obligation, pour l'administration, de diligenter une enquête administrative à la suite d'un signalement par un agent de faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral et aucun délai légal pour diligenter une telle enquête. Par ailleurs, la direction de l'enquête administrative a été confiée à la directrice générale des services d'une autre commune. Mme B... E... a pu faire témoigner cinq agents de même que le président de la collectivité. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment pas des comptes rendus d'entretien annexés aux conclusions de cette enquête, que les questions posées par les enquêtrices aient été orientées, ni que la confidentialité nécessaire n'ait pas été assurée. Il n'apparaît ainsi pas que cette enquête ait été entachée de partialité. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 25 juin 2020 confirmant la décision implicite du 10 février 2020 refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle a été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
10. Ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme B... E... n'ayant pas été victime de faits répétés de harcèlement moral dans l'exercice de ses fonctions le moyen tiré de ce que l'arrêté du 25 juin 2020 confirmant la décision implicite du 10 février 2020 a été pris en méconnaissance de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 doit être écarté.
11.Il résulte de ce qui précède que Mme B... E... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2020 confirmant la décision implicite du 10 février 2020 et lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, doivent être rejetées.
En ce qui concerne les arrêtés des 7 octobre et 25 novembre 2019 relatifs à une suspension de traitement :
12. Aux termes de l'article 28 du décret du 30 juillet 1987 : " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée doit cesser tout travail rémunéré, sauf les activités ordonnées et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation./Il est tenu de notifier ses changements de résidence successifs à l'autorité territoriale qui, par des enquêtes directes de la collectivité ou établissement employeur ou par des enquêtes demandées à d'autres administrations plus aptes à les effectuer, s'assure que le titulaire du congé n'exerce effectivement aucune activité interdite par le premier alinéa du présent article. Si l'enquête établit le contraire, elle provoque immédiatement l'interruption du versement de la rémunération. Si l'exercice d'un travail rémunéré non autorisé remonte à une date antérieure de plus d'un mois, elle prend les mesures nécessaires pour faire reverser les sommes perçues depuis cette date au titre du traitement et des accessoires ".
13. En premier lieu, il ressort de la requête de première instance que Mme B... E... s'est bornée à contester la légalité interne de l'arrêté du 25 novembre 2019 en litige et que c'est seulement en appel qu'elle a soulevé le moyen de légalité externe tiré de ce que cet arrêté est insuffisamment motivé. Ce moyen repose sur une cause juridique distincte de celle soulevée devant le tribunal. Dès lors, il y a lieu de faire droit à la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes de l'Est de la Somme et d'écarter ce moyen comme irrecevable. Au demeurant, l'arrêté du 25 novembre 2019 vise l'ensemble des dispositions sur lesquelles il se fonde, notamment l'article 28 du décret du 30 juillet 1987. Il mentionne les faits qui en constituent le fondement à savoir la situation d'exploitant d'une entreprise.
14. En deuxième lieu, après avoir été informée que Mme B... E... exerçait une activité privée pendant son congé de longue maladie, la communauté de communes de l'Est de la Somme a procédé à une enquête en demandant à un de ses agents de s'assurer de la réalité d'une telle activité. Une assistante des ressources humaines a ainsi effectué des recherches notamment sur la gestion de deux gîtes à Candor et à Roye. A la suite de ces investigations, la communauté de communes de l'Est de la Somme a invité Mme B... E... à un entretien. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, l'enquête s'est déroulée antérieurement aux décisions contestées. Ni le fait que Mme B... E..., qui n'a pas refusé de se rendre à cet entretien pour motif médical, ait été en congé de longue maladie au moment de l'enquête et de cet entretien, ni l'absence d'un représentant du personnel lors de cet entretien n'ont d'incidence sur la régularité de cette enquête qui n'est pas entachée de partialité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 7 octobre 2019 a été pris au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
15. En troisième lieu, Mme B... E... a fondé, le 22 septembre 2018, alors qu'elle était en congé de longue maladie, une entreprise individuelle portant sur la gestion de deux chambres gîtes dont elle a assuré au moins en partie la promotion par un référencement auprès de sites spécialisés. En outre, il ressort suffisamment des pièces du dossier, que ces derniers généraient une activité importante également assumée par l'intéressée dont la participation était très active selon des commentaires publiés par les locataires des hébergements, et non par son seul mari. Dans ces conditions, la communauté de communes de l'Est de la Somme a pu légalement estimer que cette activité, qui dépassait le cadre de la simple gestion du patrimoine personnel et familial de Mme B... E..., constituait un travail rémunéré au sens des dispositions de l'article 28 du décret précité et interrompre pour ce motif le versement de la rémunération de Mme B... E.... Les moyens tirés d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.
16. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 que le moyen tiré de ce que les arrêtés attaqués sont illégaux au motif qu'ils concourraient à un harcèlement moral exercé à l'encontre de l'intéressée par sa hiérarchie en méconnaissance de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires doit être écarté.
17. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 25 novembre 2019 est illégal à raison de l'illégalité de l'arrêté du 7 octobre 2019, alors qu'il n'en constitue pas une mesure d'application, non plus que celui-ci n'en constitue la base légale, doit être écarté.
18. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêtés des 7 octobre et 25 novembre 2019.
En ce qui concerne la légalité du titre exécutoire du 22 octobre 2019 :
19. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Il résulte de ces dispositions que tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
20. Le titre exécutoire émis le 22 octobre 2019 à l'encontre de Mme B... E... porte la mention " remboursement IFSE - 22/10/2019 ". Par ailleurs, l'intéressée ne conteste pas avoir reçu le jour même de l'édiction du titre, un courrier du 18 octobre 2019 l'informant qu'elle recevrait " très prochainement un titre exécutoire qui s'élève à 184,22 euros pour le remboursement de l'IFSE (courrier du 29/03/2019) ". Le courrier du 29 mars 2019 de la communauté de communes de l'Est de la Somme, mentionne quant à lui qu'à la suite du passage de la maladie ordinaire au congé de longue maladie, le versement de l'IFSE sera interrompu à compter du 1er novembre 2018 et qu'une retenue sur salaire sera effectuée à partir du 1er avril 2019 pour un total de 986,30 euros afin de procéder au remboursement de l'IFSE à raison d'un prélèvement mensuel de 128,46 euros d'avril à octobre 2019 et de 87,06 euros en novembre 2019. Il indique qu'au titre des mois d'octobre et novembre 2019, Mme B... E... reste redevable d'une somme de 215,54 euros bruts, soit 184,22 euros nets, soit le montant du titre exécutoire. La circonstance invoquée par l'appelante que le titre ne fait pas de référence à ces deux courriers est dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur la légalité du titre. Dans ces conditions, Mme B... E... a été suffisamment informée des bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle le titre exécutoire contesté a été émis et des éléments de calcul sur lesquels il se fondait. Eu égard aux précisions apportées par le courrier précité du 29 mars 2019, le moyen tiré de ce que le titre exécutoire est illégal compte tenu de l'incohérence de son montant avec ceux prévus par le courrier du 29 mars 2019 doit être écarté.
21. En deuxième lieu , il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le titre exécutoire du 22 octobre 2019 est illégal au motif qu'il concourrait à un harcèlement moral exercé à son encontre par sa hiérarchie en méconnaissance de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
22. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le titre exécutoire du 22 octobre 2019 est illégal à raison de l'illégalité de l'arrêté du 7 octobre 2019, qui n'en constitue au demeurant pas la base légale doit être écarté.
23. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à demander l'annulation du titre exécutoire du 22 octobre 2019.
En ce qui concerne l'arrêté du 12 juin 2020 décidant du reversement de la somme de 12 443,89 euros :
24. En premier lieu, comme il a été dit précédemment l'enquête prévue par l'article 28 du décret du 30 juillet 1987 s'est déroulée antérieurement à l'arrêté et ni le fait que l'appelante ait été en congé de longue maladie au moment de l'enquête et de l'entretien, ni l'absence d'un représentant du personnel lors de cet entretien n'ont d'incidence sur la régularité de cette enquête. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 15 et 16, Mme B... E... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 12 juin 2020 a été pris au terme d'une procédure irrégulière.
25. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 que le moyen tiré de ce que l'arrêté du 12 juin 2020 est illégal au motif qu'il concourrait à un harcèlement moral en méconnaissance de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires doit être écarté.
26. Enfin, eu égard à ce qui a été dit au point 19, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 12 juin 2020 est illégal à raison de l'illégalité de l'arrêté du 7 octobre 2019 doit être écarté.
27. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 12 juin 2020.
En ce qui concerne la légalité du titre exécutoire du 20 janvier 2021 :
28. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire émis le 20 janvier 2021 à l'encontre de Mme B... E... comporte la mention : " reversement des sommes trop perçues au titre du traitement et des accessoires - 20/01/2021 ". Les bases de liquidation n'y sont pas précisées. Si l'arrêté du 12 juin 2020, antérieur de plus de six mois, l'informe de ce qu'elle doit reverser à la communauté de communes de l'Est de la Somme la somme de 12 443,89 euros correspondant aux traitements et accessoires perçus entre le 1er novembre 2018 et le 30 septembre 2019 alors qu'elle était en congé de longue maladie et qu'elle exerçait néanmoins un travail rémunéré en méconnaissance des dispositions de l'article 28 précité du décret du 30 juillet 1987, il n'est pas fait de référence précise à cet arrêté ni dans le titre exécutoire en question, ni dans un quelconque courrier qui lui aurait été notifié concomitamment. Par suite, Mme B... E... est fondée à soutenir que le titre exécutoire du 20 janvier 2021 n'indique pas les bases de liquidation comme l'exige l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique cité au point 20 et doit être annulé. L'annulation du titre exécutoire en question n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
29. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... E... est uniquement fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 30 décembre 2021 le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire du 20 janvier 2021.
Sur les frais liés au litige :
30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B... E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de ces différentes espèces, de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Est de la Somme une somme au titre des frais exposés par Mme B... E... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le titre exécutoire émis le 20 janvier 2021 et le jugement commun n°1904093, 1904094, 2000639, 2002618 et 2101050 du 30 décembre 2021 du tribunal administratif d'Amiens, en tant qu'il statue sur les conclusions présentées contre ce titre, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... E... est rejeté.
Article 3 : Les conclusions de la communauté de communes de l'Est de la Somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... E... et à la communauté de communes de l'Est de la Somme.
Copie en sera adressée au trésorier de Ham-Nesle.
Délibéré après l'audience publique du 14 février 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,
- M . Marc D..., président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mars 2023.
Le président-rapporteur,
Signé : M. D...
La présidente de chambre,
Signé : G. Borot
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière
C. Huls-Carlier
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N° 22DA00487