La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/03/2023 | FRANCE | N°22DA00849

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 mars 2023, 22DA00849


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de proc

éder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2104754 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2022, M. A..., représenté par Me Seyrek, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 juin 2021 par lequel le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations du 2. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

- cette décision est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2022, le préfet de la Seine-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % par une décision du 23 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant algérien né le 17 décembre 1988 à Relizane (Algérie), est entré en France, le 11 septembre 2016, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa court séjour délivré le 31 août 2016 par les autorités espagnoles. A la suite de son mariage le 5 janvier 2019 avec une ressortissante française, il s'est vu délivrer un certificat de résidence, valable du 27 septembre 2019 au 26 septembre 2020, sur le fondement des stipulations du 2. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. M. A... a sollicité, le 29 octobre 2020, le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 10 juin 2021, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de renouveler son certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 17 mars 2022 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; / (...) / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2. ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 30 juillet 2020, le tribunal judiciaire du Havre a condamné M. A... à une peine de six mois d'emprisonnement assortie d'un sursis probatoire de deux ans en raison de faits de violences conjugales commis à l'encontre de son épouse. En outre, pendant la période du sursis probatoire, M. A... a été interdit, d'une part, de paraître au domicile et aux abords du domicile de son épouse, d'autre part, d'entrer en relation avec elle. Si, par un jugement du 26 mai 2021, le juge d'application des peines du tribunal judiciaire du Havre a ordonné la levée de l'interdiction d'entrer en relation avec son épouse, l'interdiction pour M. A... de paraître au domicile de celle-ci a été maintenue. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime, après avoir constaté que la condition du maintien d'une communauté de vie effective entre les époux n'était plus remplie, a pu refuser de renouveler le certificat de résidence dont été titulaire M. A..., sans méconnaître les stipulations précitées du 2. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

4. En deuxième lieu, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si un ressortissant algérien ne peut, en conséquence, utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile reprises à l'article L. 435-1 du même code, s'agissant des étrangers dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'ils font valoir, il appartient toutefois au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments permettant de caractériser la situation de l'intéressé, dont le cas échéant des violences conjugales, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressé.

5. Si M. A... et son épouse sont toujours mariés et si cette dernière a fait état, sans toutefois que soient établies les circonstances dans lesquelles elle aurait exprimé un tel consentement, de sa volonté de poursuivre leur relation amoureuse et de reprendre la communauté de vie, l'intéressé faisait toujours l'objet, à la date de l'arrêté contesté, d'une interdiction de paraître au domicile de son épouse en raison de la gravité des violences psychologiques, parfois physiques, de dénigrement régulier et d'interdictions posées à celle-ci d'aller ou de faire. Par ailleurs, si M. A... est titulaire, depuis le 31 août 2020, d'un contrat de travail à durée indéterminée dans une société de transport, il ne ressort pas des pièces du dossier que celui-ci ne pourrait exercer un emploi similaire hors de France, en particulier dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans et où il n'est pas dépourvu d'attaches familiales. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime, en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, n'a pas entaché la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, que le préfet de la Seine-Maritime, en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A..., aurait porté une atteinte disproportionnée au droit de celui-ci au respect de la vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que M. A..., à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

9. En second lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 5 du présent arrêt. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Seyrek.

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Maritime.

Délibéré après l'audience publique du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°22DA00849


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00849
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SEYREK

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-02;22da00849 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award