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02/03/2023 | FRANCE | N°21DA00874

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 mars 2023, 21DA00874


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2014 pour un montant de 1 158 691 euros, ainsi que de l'amende fiscale mise à leur charge au titre de l'année 2014 pour un montant de 4 500 euros.

Par un jugement no 1802892 du 25 février 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté

cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2014 pour un montant de 1 158 691 euros, ainsi que de l'amende fiscale mise à leur charge au titre de l'année 2014 pour un montant de 4 500 euros.

Par un jugement no 1802892 du 25 février 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 avril 2021, 13 juillet 2021, 6 septembre 2021 et 15 mars 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Arpaïa, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux mis à leur charge à hauteur de la somme de 1 158 691 euros ainsi que de la taxe professionnelle et de la cotisation foncière des entreprises ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer le dégrèvement partiel des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que de la majoration de 80 % mises à leur charge ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration ne peut fonder les impositions des années 2008 à 2011 sur des constats tirés de l'examen de relevés de comptes dans le cadre d'un contrôle sur pièces sans méconnaître l'article L. 10-0 A du livre des procédures fiscales ainsi d'ailleurs que l'instruction fiscale BOI-CF-IOR-60-70 du 22 mai 2015 ;

- l'administration a méconnu l'obligation de loyauté ainsi que l'article L. 55 du livre des procédures fiscales en n'appliquant pas la procédure fiscale la plus favorable au contribuable pour les années 2008 à 2011 ;

- l'obligation de communication prévue à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnue, dès lors, d'une part, que l'administration n'a pas informé M. A... de façon correcte et précise de l'origine des renseignements recueillis, d'autre part, que le document transmis est un tableau et non le relevé de compte LV26RTMB 000610806481, enfin, que le relevé de compte LV96RTMB 000635806389 n'a pas été transmis avant la mise en recouvrement des impositions en litige ;

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée s'agissant de la méthode de reconstitution du bénéfice net imposable ;

- le délai de reprise de dix ans est inapplicable de sorte que seules les années 2013 et 2014 pouvaient faire l'objet d'une rectification ;

- l'administration, en procédant à la reconstitution du résultat imposable, a insuffisamment pris en compte les charges d'exploitation et ne tient pas compte du principe de réalisme économique ;

- la majoration de 80 %, dont ont été assortis les droits en litige, prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts est injustifiée, en l'absence de volonté de M. A... de se soustraire à ses obligations fiscales et de son droit à l'erreur ;

- il y a lieu d'admettre une application mesurée de la loi fiscale sur ce point compte-tenu du contexte de l'affaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2021, et des mémoires, enregistrés les 26 août 2021, 9 mars 2022 et 28 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de M. et Mme A... tendant à la décharge des amendes mises à leur charge sur le fondement du IV de l'article 1736 du code général des impôts, ainsi que celles tendant à la décharge des impositions supplémentaires et pénalités mises à leur charge dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour l'année 2014 sont irrecevables, aucun moyen n'étant présenté à leur soutien ;

- les conclusions tendant à la décharge " des impôts locaux " ainsi que celles tendant à la décharge de l'amende de 4 500 euros pour non-déclaration de comptes détenus à l'étranger sont nouvelles et, par suite, irrecevables en application de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales ;

- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a exercé en France, à compter de 2008, une activité de consultant indépendant spécialisé en ingénierie de la construction dans le cadre de sociétés de droit gibraltarien et par le biais du règlement de ses prestations sur des comptes bancaires ouverts dans une banque lettonne. L'administration fiscale a obtenu communication, d'une part, de l'autorité judiciaire d'éléments de la procédure pénale ouverte, notamment pour fraude fiscale aggravée, à l'encontre de la société France Offshore, laquelle avait contribué à la création de ces sociétés et de l'ouverture de ces comptes bancaires, et, d'autre part, de documents de différentes sociétés, dont plusieurs clientes de M. A.... Estimant, sur la base de ces éléments, que M. A... avait exercé une activité occulte, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 18 décembre 2015, a informé l'intéressé de l'évaluation d'office des bénéfices non commerciaux perçus au titre des années 2008 à 2013, de ce que la taxe professionnelle et la cotisation foncière des entreprises seraient arrêtées d'office respectivement pour l'année 2009 et pour les années 2010 à 2013, et de l'application de la majoration de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts. Par ailleurs, par deux propositions de rectification du 18 décembre 2015, l'administration fiscale a en conséquence rehaussé l'impôt sur le revenu de M. et Mme A..., au titre des années 2008 à 2012, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, et a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi mises à leur charge de la majoration de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts. Enfin, par une troisième proposition de rectification du 7 juillet 2016, l'administration a rehaussé l'impôt sur le revenu de M. et Mme A..., au titre des années 2013 et 2014, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ainsi que dans celle des revenus de capitaux mobiliers, a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux ainsi mises à leur charge de la majoration de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts et leur a infligé l'amende prévue au 2. du IV de l'article 1736 du même code. M. et Mme A... ont alors demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2008 à 2014 pour un montant de 1 158 691 euros, ainsi que de l'amende fiscale mise à leur charge au titre de l'année 2014 pour un montant de 4 500 euros. Par un jugement du 25 février 2021, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement et demandent la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont ainsi été assujettis au titre des années 2008 à 2014, ainsi que de l'amende fiscale mise à leur charge au titre de l'année 2014, d'autre part, des cotisations de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises auxquelles ils ont par ailleurs été assujettis.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 81 du même livre : " Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées ". Enfin, l'article L. 82 C du même livre, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances. / (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que les rehaussements notifiés par l'administration fiscale à M. et Mme A... au titre de l'impôt sur le revenu par les propositions de rectification en date des 18 décembre 2015 et 7 juillet 2016 procèdent de l'examen par le service des comptes bancaires ouverts au nom des sociétés Roter LTD et Brother Consulting et sur lesquels étaient versés les règlements des prestations réalisées par M. A..., ces documents ayant été obtenus dans le cadre de l'exercice par l'administration de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire et de différentes sociétés sur le fondement de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales. L'administration, qui a ainsi exploité les renseignements obtenus auprès de l'autorité judiciaire ou de tiers, dont elle avait d'ailleurs indiqué l'origine et la teneur dans le cadre des propositions de rectification, a pu, dans les circonstances qu'elle avait relevées, rehausser les revenus de M. A... sans procéder au préalable à une vérification de comptabilité. Par suite, l'administration, en s'abstenant, en l'absence de toute vérification de comptabilité, d'informer M. A... de l'engagement d'une vérification de sa comptabilité, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

4. En deuxième lieu, l'administration fiscale tirait de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales la possibilité de réaliser un contrôle sur pièces de la situation de M. et Mme A... au regard de l'impôt sur le revenu au titre des années 2008 à 2011. En conséquence, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que la réalisation d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2012 à 2014 impliquait, " par cohérence ", le recours à la même procédure pour les années antérieures. Par ailleurs, le recours à la procédure de contrôle sur pièces pour les années 2008 à 2011 n'est pas constitutif d'un manquement de l'administration à son obligation de loyauté, l'administration n'étant, en tout état de cause, pas tenue de mettre en œuvre la procédure la plus favorable pour le contribuable.

5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que, pour fonder les rappels d'impôt en litige, l'administration n'a pas utilisé les relevés de compte de M. A... mais ceux des sociétés dans le cadre desquelles il exerçait son activité. Dès lors, les requérants ne peuvent se prévaloir utilement de la méconnaissance par l'administration des dispositions de l'article 10-0 A du livre des procédures fiscales qui sont relatives aux conditions d'opposabilité des relevés de compte du contribuable pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. A ce titre, et en tout état de cause, M. et Mme A... ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction BOI-CF-IOR-60-70 du 22 mai 2015, dès lors que cette instruction a trait à la procédure d'imposition.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, cette obligation ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux et ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

7. Il résulte de l'instruction que, sur la demande des contribuables, l'administration leur a communiqué le 1er mars 2016, notamment, les extraits du relevé de compte LV26RTMB 000610806481 sur la base desquels elle a déterminé les bénéfices non commerciaux perçus par M. A... entre 2008 et 2013. Si le courrier joint à cette communication mentionnait par erreur la transmission non de ce document mais du relevé du compte LV96RTMB 000635806389, cette erreur matérielle est, par elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition, l'administration ne s'étant pas fondée sur ce dernier document pour arrêter d'office les bases d'imposition en litige. Par ailleurs, si M. et Mme A... mettent en cause la validité et l'authenticité des extraits du relevé de compte LV26RTMB 000610806481 qui leur ont été transmis, ils ne soutiennent ni n'établissent que ce document ne serait pas celui obtenu par l'administration de l'autorité judiciaire alors que l'administration affirme, sans être sérieusement contredite, qu'elle n'a utilisé aucun autre relevé de ce compte bancaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

8. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée à M. A... le 18 décembre 2015 expose les modalités de détermination des charges déductibles en application du 1. de l'article 93 du code général des impôts. Si M.et Mme A... soutiennent que le montant des charges retenu par l'administration est " anecdotique ", cet argument est sans incidence sur l'obligation de motivation de la proposition de rectification résultant de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette proposition de rectification doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

10. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que M. A... n'a ni déposé de déclarations en ce qui concerne les bénéfices résultant de son activité de consultant exercée entre 2008 et 2014, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Si M. et Mme A... se prévalent du droit à l'erreur, ils n'y sont pas fondés dès lors qu'il résulte de l'instruction que M. A... a recouru aux services d'une société pour créer des sociétés en son nom à Gibraltar et ouvrir des comptes bancaires en Lettonie au nom de ces sociétés afin d'éviter que les revenus résultant de son activité de consultant exercée en France ne soient imposés. Par ailleurs, les contrats conclus avec les clients de M. A... ne l'étaient pas en son nom propre mais au nom des sociétés de droit gibraltarien, et les honoraires, d'un montant total d'environ un million d'euros sur la période, ont été versés sur les comptes bancaires détenus en Lettonie. A ce titre, si ce dispositif n'a pas été créé directement par M. A... mais par une société tierce, la société France Offshore, qui lui avait proposé ses services, M. A... ne pouvait ignorer que l'absence totale de déclaration en France de son activité et des revenus en résultant ne pouvait constituer un dispositif " d'optimisation fiscale " légal. D'ailleurs, par un jugement correctionnel du 1er mars 2021, le tribunal judiciaire de Senlis a admis la matérialité et l'intentionnalité des faits de fraude fiscale commis par M. A.... Enfin, l'administration affirme, sans être contestée, que M. A... n'a déclaré ni son activité, ni les revenus en ayant résulté pour lui auprès d'un autre Etat que la France. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration fiscale a exercé le droit de reprise de dix ans prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, en raison du caractère occulte de l'activité de M. A... à compter de l'année 2008.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ". Les impositions en litige ayant été établies à l'issue d'une procédure d'évaluation d'office sur le fondement du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition incombe au contribuable.

12. Si M. et Mme A... soutiennent que la somme de 78 221 euros doit être admise en charge déductible au titre de l'année 2012, il ne résulte pas de l'extrait produit du protocole transactionnel conclu entre la société Setec Bâtiment et la société Roter LTD que cette dernière se serait engagée à régler cette somme. Au demeurant, aucun élément n'est apporté quant au règlement effectif de cette somme. Par ailleurs, si les contribuables demandent que les sommes de 57 661 euros et 21 442 euros versées à la société Compadvise LTD soient admises comme charges déductibles au titre de l'année 2013, les prestations assurées par cette société avaient pour unique objet d'éviter l'assujettissement à l'impôt des bénéfices réalisés par M. A... et étaient donc sans lien avec son activité de consultant. De même, si M. A... soutient qu'il a exposé des frais kilométriques dans le cadre de son activité pour un montant total de 58 716 euros entre 2008 et 2013, aucun élément concret n'est apporté de nature à justifier de la réalité de ces frais. Enfin, si M. et Mme A... demandent qu'un taux de charge forfaitaire de 40 % soit pris en compte, ils n'apportent aucune précision au soutien de leurs allégations alors que le montant des charges retenu par l'administration correspond aux charges effectivement constatées par M. A... pour l'exercice de son activité de consultant. Par suite, M. et Mme A..., qui ne sauraient se borner à prétendre que l'administration n'a pas fait preuve de " réalisme économique ", ne peuvent être regardés comme apportant la preuve, qui leur incombe, du caractère exagéré de l'évaluation par le service du montant de leurs revenus imposables.

Sur les pénalités :

13. Aux termes du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

14. Si les requérants soutiennent que M. A... est de bonne foi et demandent une application " mesurée " de la loi fiscale, ils n'établissent pas que celui-ci aurait commis une erreur de nature à justifier son abstention à produire aucune déclaration de son activité de consultant et présenter aucune déclaration fiscale de résultats et de chiffre d'affaires. Au contraire, ainsi qu'il a été dit au point 10, M. A... a recouru aux services d'une société tierce à l'effet de créer des sociétés en son nom à Gibraltar et ouvrir des comptes bancaires en Lettonie afin d'éviter que les revenus résultant de son activité exercée en France ne soient soumis à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a regardé l'activité de consultant exercée par M. A... comme une activité occulte et a fait application aux rehaussements en litige de la majoration de 80 % prévue au c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.

15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le ministre, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 9 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Bertrand Baillard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé : B. BaillardLe président de chambre,

Signé : C. Heu

La greffière,

Signé : N. Roméro

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

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N°21DA00874

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21DA00874
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ARPAÏA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-03-02;21da00874 ?
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