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21/02/2023 | FRANCE | N°22DA01881

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 21 février 2023, 22DA01881


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001602 du 5 août 2002, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 septembre et 6 octobre 2022,

M. A..., représenté par la SAS Itra Consulting, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001602 du 5 août 2002, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 septembre et 6 octobre 2022, M. A..., représenté par la SAS Itra Consulting, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2022 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " étudiant " sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, un titre de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ", sous la même condition d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation de sa situation au regard de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article R. 5221-7 du code du travail car, d'une part, il a bénéficié d'un contrat de professionnalisation assorti d'une autorisation de travail qui l'autorisait à dépasser le nombre d'heures autorisées par la loi et, d'autre part, un seul redoublement ne caractérise pas une absence de sérieux dans les études, alors qu'il a, depuis, validé sa deuxième année de master ;

- le préfet dispose toujours d'un pouvoir de régularisation même en cas de dépassement du nombre d'heures autorisé par la loi, il a commis une erreur de droit en se croyant en situation de compétence liée ;

- le refus de renouvellement de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ainsi que l'article 2 du protocole n° 1 de la même convention consacrant un principe général du droit à l'instruction, qui a été étendu à l'enseignement supérieur ;

- il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est aussi illégale par voie d'exception de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2022, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 1er août 1995 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Anne Seulin, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant sénégalais, né le 11 novembre 1989, est entré en France le 1er février 2020 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " délivré le 24 janvier 2020 par les autorités consulaires françaises de Dakar, valable jusqu'au 24 août 2020. Il a ensuite obtenu une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " étudiant " valable du 25 août 2020 au 24 octobre 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 2 octobre 2021. Par un arrêté du 3 février 2022, le préfet du Nord a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étudiant, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... fait appel du jugement du 5 août 2022 du tribunal administratif de Lille ayant rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" d'une durée inférieure ou égale à un an. (...) Cette carte donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ". Aux termes de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage, ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention "étudiant". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants (...) ". L'article 13 de la même convention stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".

3. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étudiant de M. A..., le préfet du Nord s'est exclusivement fondé sur les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de procéder à une substitution de base légale pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7 du jugement attaqué, en substituant l'article 9 précité de la convention franco-sénégalaise à l'article L. 422-1 précité, substitution sur laquelle les parties ont pu se prononcer en première instance. Pour l'application de ces stipulations, le préfet doit s'assurer du caractère réel et sérieux des études poursuivies.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'entré en France en janvier 2020 muni d'un visa de long séjour " étudiant ", l'intéressé, docteur en pharmacie option " officine " dans son pays d'origine, s'est inscrit au titre de l'année universitaire 2019-2020 à un diplôme d'Etat auprès de l'université de Montpellier mention " E-santé : virage numérique de l'officine et de l'industrie pharmaceutique ", qu'il a obtenu. Puis, il s'est inscrit pour l'année universitaire 2020-2021 à l'université de Lille, en deuxième année de master " évaluation et conception ", en apprentissage, formation qui exige un contrat de professionnalisation. Il a obtenu le 6 janvier 2021 une autorisation provisoire de travail délivrée par le préfet du Nord, valable du 15 janvier au 15 mai 2021, pour exercer les fonctions de " responsable assurance qualité et affaires réglementaires " auprès de la société Deepor dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, à raison de trente-cinq heures par semaine. Puis, il a obtenu une seconde autorisation de travail, délivrée le 17 juin 2021, lui permettant de prolonger d'une durée de trois mois son contrat avec la société Deepor. Si M. A... n'a pas validé sa deuxième année de master à l'issue de l'année universitaire, le préfet du Nord ne pouvait pour autant en déduire, sans commettre d'erreur d'appréciation, l'absence de caractère réel et sérieux des études poursuivies à partir de ce seul échec, alors, au demeurant, que l'intéressé a validé son année de master 2 l'année suivante.

5. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail en vigueur à la date du 3 février 2022 de la décision attaquée : " (...) II. L'étranger titulaire de l'un des documents de séjour suivants doit obtenir une autorisation de travail pour exercer une activité professionnelle salariée en France dans le respect des termes de l'autorisation de travail accordée : 1° La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ou " étudiant-programme de mobilité ", délivrée en application des articles L. 422-1 (...) du même code ainsi que le visa de long séjour portant la mention "étudiant" (...) du même code, pour une activité salariée d'une durée supérieure à 60 % de la durée annuelle de travail (964 heures) en lien avec son cursus ; (...) ". L'article R. 5221-7 du même code dispose : " Par dérogation à l'article R. 5221-6, l'étudiant étranger, titulaire du titre de séjour mentionné au 11° de l'article R. 5221-2, peut conclure : 1° Un contrat de professionnalisation mentionné à l'article L. 6325-1, à l'issue d'une première année de séjour ; 2° Un contrat d'apprentissage mentionné à l'article L. 6221-1, à l'issue d'une première année de séjour s'il justifie d'une inscription dans un cursus de formation sanctionné par un diplôme conférant le grade de master ou figurant sur la liste prévue au 1° de l'article D. 421-6 et au 1° de l'article D. 422-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Le 11° de l'article R. 5221 vise le titulaire de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant ". En outre, les dispositions des articles R. 5221-3 et R. 5221-7 du code du travail sont applicables, en vertu de l'article 13 précité de l'accord franco-sénégalais, à la situation de M. A... dès lors qu'il s'agit de points non traités par l'accord.

6. Pour refuser de renouveler le titre de séjour " étudiant " de M. A..., le préfet du Nord s'est aussi expressément fondé sur le motif tiré du dépassement par l'intéressé de la limite de 60 % du temps de travail annuel autorisé pour les étudiants. Toutefois, M. A..., inscrit dans une formation universitaire en apprentissage, entrait dans le champ d'application des dispositions précitées des articles R. 5221-3 et R. 5221-7 du code du travail permettant de déroger à la limite de 60 % du temps de travail annuel dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, qu'il a conclu dans les conditions énoncées au point 4 après avoir obtenu deux autorisations de travail les 6 janvier et 17 juin 2021. Dès lors, en opposant à l'intéressé le dépassement de la limite de 60 % du temps de travail annuel, le préfet du Nord a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord refusant de renouveler son titre de séjour " étudiant ". Il y a donc lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, de prononcer l'annulation du jugement n° 2201602 du tribunal administratif de Lille du 5 août 2022 et de l'arrêté du préfet du Nord du 3 février 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Les motifs du présent arrêt impliquent seulement qu'en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, le préfet du Nord procède au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de trois mois.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 5 août 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Nord du 3 février 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

Le président-assesseur,

Signé : M. B...La présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

N°22DA01881 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01881
Date de la décision : 21/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : TRAORE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-21;22da01881 ?
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