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21/02/2023 | FRANCE | N°22DA00537

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 21 février 2023, 22DA00537


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 22 août 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître la qualité d'apatride.

Par un jugement n° 1909205 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint à l'OFPRA de réexaminer sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré

s les 3 mars et 5 octobre 2022, l'OFPRA, représenté par Me Jean-Alexandre Cano, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 22 août 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a refusé de lui reconnaître la qualité d'apatride.

Par un jugement n° 1909205 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Lille a fait droit à sa demande et a enjoint à l'OFPRA de réexaminer sa situation.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 mars et 5 octobre 2022, l'OFPRA, représenté par Me Jean-Alexandre Cano, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de la personne se présentant comme M. D... C... ;

2°) de mettre à la charge de la personne se présentant comme M. D... C... une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience du 4 janvier 2022 ;

- le tribunal s'est fondé sur des justifications postérieures à la date de l'arrêté du 22 août 2019 ;

- les éléments produits par l'intéressé ne sont pas suffisamment probants pour établir qu'il devrait se voir reconnaître la qualité d'apatride.

Par des mémoires, enregistrés les 14 juin 2022 et 5 janvier 2023, M. G... C..., représenté par Me Sanjay Navy, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'OFPRA ne sont pas fondés.

M. D... C... a obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 mai 2022.

Par une ordonnance du 7 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de New York du 28 septembre 1954 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Guillaume Toutias, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. G... C..., né le 5 février 1991 à Al Jahra (Koweit), est entré sur le territoire français en avril 2018. Le 16 novembre 2018, il a sollicité la reconnaissance de la qualité d'apatride sur le fondement de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en indiquant ne pas avoir la nationalité koweitienne en raison de son appartenance à la communauté " bidoun ". Par un arrêté du 22 août 2019, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande. L'OFPRA relève appel du jugement n° 1909205 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des dispositions de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative que les litiges relatifs au statut d'apatride ne sont pas au nombre des litiges sur lesquels le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public de prononcer des conclusions à l'audience. Dès lors, en dispensant le rapporteur public de prononcer des conclusions lors de l'audience du 4 janvier 2022 au cours de laquelle a été examinée la demande de M. D... C... dirigée contre la décision de l'OFPRA rejetant sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité d'apatride, le tribunal administratif de Lille a entaché son jugement d'irrégularité. Par suite, ce jugement doit être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'intéressé devant le tribunal administratif de Lille.

Sur la légalité de la décision du 22 août 2019 :

4. En premier lieu, la décision attaquée a été signée par le chef du bureau des apatrides, M. B... A..., par décision du directeur général de l'OFPRA du 22 juillet 2019 lui délégant la signature pour tous les actes individuels de reconnaissance de la qualité d'apatride pris en application de l'article L. 812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Il résulte de l'article 31 de cette décision qu'elle fait l'objet d'une publication au Bulletin officiel du ministère de l'intérieur et sur le site internet de l'OPFRA. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

5. En deuxième lieu, la décision contestée vise la convention de New York du 28 septembre 1954 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 812-1 et R. 812-1 et suivants, mentionne l'ensemble des éléments dont M. D... C... s'est prévalu quant à sa situation personnelle et familiale et précise qu'il a été entendu avec l'assistance d'un interprète en langue arabe. Cette motivation était suffisante pour permettre à l'étranger de comprendre et de contester la décision portant rejet de sa demande. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

6. En troisième lieu, si la décision attaquée indique que le requérant n'a pas présenté de document original permettant d'établir sa provenance du Koweït alors qu'il ressort des pièces du dossier que son acte de naissance original a été transmis par l'intéressé à l'OFPRA par lettre enregistrée le 1er août 2019, cette erreur de fait ne saurait révéler à elle seule que l'OFPRA, qui s'est fondé également sur les déclarations approximatives de M. D... C... lors de son audition du 25 juillet 2019, n'aurait pas examiné sérieusement sa demande. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen sérieux et de l'erreur de fait doivent être écartés.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " Aux fins de la présente convention, le terme "apatride" désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". L'article L. 812-2 du même code, alors en vigueur, dispose : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d'apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l'article L. 812-1 (...) ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, le ou les Etats de la nationalité desquels elle se prévaut ont refusé de donner suite à ses démarches.

8. Pour refuser de reconnaître la qualité d'apatride à M. D... C..., l'OFPRA a estimé, d'une part, que ce dernier n'avait présenté aucun document original permettant d'établir son identité et ses lieu et date de naissance et, d'autre part, que les déclarations de l'intéressé avaient été peu spontanées, peu détaillées et confuses et ne permettaient pas d'établir sa provenance du Koweït et son appartenance à la communauté " bidoun ".

9. D'une part, la traduction en français de l'extrait d'acte de naissance original produit par M. D... C... du 24 septembre 2007 indique qu'il est né le 5 février 1991 au Koweït, qu'il a été enregistré dans la ville de Al Jahra et que la nationalité de ses parents est " non koweïtienne ". Le requérant produit en outre une attestation du 24 avril 2020, traduite en français, de M. H... E... précisant qu'ils font partie tous les deux de la grande famille F..., qu'ils appartiennent à la communauté des " bidouns " de nationalité indéterminée et qu'ils vivaient dans le même quartier de Taima où une grande partie de la communauté est installée, ainsi qu'un certificat de domicile du 15 septembre 2020 du maire de Taima certifiant qu'il appartient à la communauté des Bidounes. Toutefois, si M. D... C... soutient qu'il n'est pas reconnu par le Koweït comme l'un de ses ressortissants, il n'allègue ni n'établit avoir accompli des démarches répétées et assidues de reconnaissance auprès des autorités koweïtiennes, qui auraient refusé d'y donner suite. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que l'étranger s'est présenté sous différentes nationalités, irakienne, syrienne ou koweïtienne ainsi que sous diverses identités d'emprunt.

10. D'autre part, le motif selon lequel le requérant aurait tenu des propos peu détaillés et confus lors de son audition du 25 juillet 2019 n'est pas contesté par l'intéressé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la demande de substitution de motif présentée par l'OFPRA, M. D... C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 22 août 2019 par laquelle l'OFPRA a rejeté sa demande de reconnaissance de la qualité d'apatride.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. D... C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction assorties d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'OPFRA, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... C... le versement à l'OFPRA d'une somme au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1909205 du 25 janvier 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... C... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à Me Sanjay Navy.

Délibéré après l'audience publique du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Anne Seulin, présidente de chambre,

- M. Marc Baronnet, président-assesseur,

- M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : G. VandenbergheLa présidente de chambre,

Signé : A. Seulin

La greffière,

Signé : A.S. Villette La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Anne-Sophie Villette

2

N°22DA00537


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00537
Date de la décision : 21/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: M. Guillaume Vandenberghe
Rapporteur public ?: M. Toutias
Avocat(s) : CENTAURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-21;22da00537 ?
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