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16/02/2023 | FRANCE | N°22DA01435

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 16 février 2023, 22DA01435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Immobilier Akkus a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le maire de Calais lui a refusé la délivrance d'un permis de construire quatre maisons d'habitation sur une parcelle cadastrée AC n° 501 et, d'autre part, la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2003315, 2005747 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Immobilier Akkus a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, d'une part, l'arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le maire de Calais lui a refusé la délivrance d'un permis de construire quatre maisons d'habitation sur une parcelle cadastrée AC n° 501 et, d'autre part, la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2003315, 2005747 du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté du 14 janvier 2020 et cette décision implicite du maire de Calais et enjoint à ce dernier de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 6 juillet 2022 sous le n° 22DA01435 et un mémoire enregistré le 19 décembre 2022, la commune de Calais, représentée par Me Paul-Guillaume Balaÿ, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2022 ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Immobilier Akkus ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Immobilier Akkus la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 14 janvier 2020 n'est pas insuffisamment motivé ;

- le dossier de permis de construire est entaché de contradiction et d'inexactitudes ;

- le projet méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnaît l'article UC 9 du même règlement ;

- le projet méconnaît l'article UC 11 de ce règlement ;

- le projet méconnaît l'article UC 13 du règlement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 16 septembre 2022 et 2 décembre 2022, la SCI Immobilier Akkus, représentée par Me Benjamin Marcilly, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Calais de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 27 janvier 2023, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Lille en tant que les premiers juges ont excédé les pouvoirs qu'ils tenaient de l'article L. 911-1 du même code en enjoignant au maire de Calais de délivrer à la SCI Immobilier Akkus le permis de construire sollicité.

II. Par une requête enregistrée le 6 juillet 2022 sous le n° 22DA01436 et un mémoire enregistré le 21 octobre 2022, la commune de Calais, représentée par Me Paul-Guillaume Balaÿ, demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n°2003315, 2005747 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de mettre à la charge de la SCI Immobilier Akkus la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 14 janvier 2020 n'est pas insuffisamment motivé ;

- le dossier de permis de construire est entaché de contradiction et d'inexactitudes ;

- le projet méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et l'article UC 3 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnaît l'article UC 9 du même règlement ;

- le projet méconnaît l'article UC 11 de ce règlement ;

- le projet méconnaît l'article UC 13 du règlement.

Par des mémoires en défense enregistrés les 16 septembre 2022 et 22 novembre 2022, la SCI Immobilier Akkus, représentée par Me Benjamin Marcilly, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Calais de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 27 janvier 2023, la cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de relever d'office l'irrégularité du jugement du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Lille en tant que les premiers juges ont excédé les pouvoirs qu'ils tenaient de l'article L. 911-1 du même code en enjoignant au maire de Calais de délivrer à la SCI Immobilier Akkus le permis de construire sollicité.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Charlotte Hermary, représentant la commune de Calais, et de Me Benjamin Marcilly, représentant la SCI Immobilier Akkus.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Immobilier Akkus a sollicité le 8 juillet 2019 la délivrance d'un permis de construire quatre maisons d'habitation sur une parcelle cadastrée AC n°501 située rue Mollien à Calais. Par un arrêté du 14 janvier 2020, le maire de Calais a rejeté cette demande. Le silence gardé par ce dernier sur le recours gracieux formé contre cet arrêté le 13 mars 2020 par la SCI Immobilier Akkus a fait naître une décision implicite de rejet. Par un jugement du 11 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de la SCI Immobilier Akkus, cet arrêté et cette décision implicite. La commune de Calais relève appel de ce jugement par sa requête n° 22DA01435 et demande, par sa requête n° 22DA01436, qu'il soit sursis à son exécution. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour y statuer par un même arrêt.

Sur la requête n° 22DA01435 :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 14 janvier 2020 :

2. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande (...) elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...) ". Aux termes de l'article A. 424-3 du même code : " L'arrêté indique, selon les cas : / (...) / b) Si le permis est refusé (...) ". Aux termes de l'article A. 424-4 du même code : " Dans les cas prévus aux b à f de l'article A. 424-3, l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision et indique les voies et délais de recours ".

3. D'une part, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que, pour rejeter la demande de permis de construire présentée par la SCI Immobilier Akkus, le maire de Calais s'est borné, d'une part, à viser " le code de l'urbanisme " sans faire mention d'aucune disposition particulière de ce code et, d'autre part, à relever dans les motifs que " le projet est situé en zone UC du plan local d'urbanisme " sans autre précision. De tels éléments n'exposaient pas d'une manière suffisamment précise les considérations de droit et de fait qui étaient au fondement de l'arrêté.

4. D'autre part, si la commune de Calais fait valoir que l'arrêté attaqué mentionne dans ses visas " l'avis défavorable du département des espaces publics de la ville de Calais en date du 7 janvier 2020 reprenant le rapport du SDIS 62 ", l'arrêté ne s'approprie pas la teneur de cet avis défavorable, qui n'était pas conforme, et ne s'y se réfère pas non plus expressément pour justifier le refus de permis de construire. Dans ces conditions, alors même que cet avis et le rapport du service départemental d'incendie et de secours de la Seine-Maritime, auquel cet avis se réfère, étaient annexés à l'arrêté attaqué, ce dernier ne peut pas être regardé comme comportant une motivation par référence à cet avis et ce rapport.

5. Il s'ensuit que l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation et méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme.

6. Si la commune de Calais demande qu'il soit procédé à une substitution de motifs, se prévalant de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et des articles UC 3, 9, 11 et 13 du règlement du plan local d'urbanisme ainsi que de contradictions et inexactitudes entachant la demande de permis de construire, une telle substitution, qui a trait aux motifs qui fondent l'arrêté attaqué, ne peut utilement remédier à l'irrégularité de forme qui l'entache.

En ce qui concerne la légalité de la décision de rejet du recours gracieux :

7. Dès lors que la décision implicite par laquelle le maire de Calais a rejeté le recours gracieux formé le 13 mars 2020 par la SCI Immobilier Akkus contre l'arrêté du 14 janvier 2020 ne saurait régulariser le vice de forme qui entache cet arrêté, le maire de Calais ne pouvait légalement rejeter ce recours gracieux.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Calais n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 14 janvier 2020 du maire de Calais et la décision implicite rejetant le recours gracieux contre cet arrêté.

En ce qui concerne l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Lille :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. /Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. (...) ".

10. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard à l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

11. En l'espèce, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté attaqué aux motifs qu'il était entaché d'un défaut de motivation, sans avoir censuré au fond les motifs de refus invoqués en cours d'instance par la commune de Calais. Un tel motif d'annulation n'impliquait pas nécessairement qu'il soit enjoint au maire de délivrer le permis de construire sollicité par la SCI Immobilier Akkus. En prononçant une telle injonction que n'impliquait pas l'annulation de l'arrêté du 14 janvier 2020 du maire de Calais, les premiers juges ont ainsi excédé les pouvoirs qu'ils tenaient des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative.

12. Il résulte de ce qui précède que l'article 2 du jugement attaqué doit être annulé. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes aux fins d'injonction et d'astreinte présentées en première instance par la SCI Immobilier Akkus.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la SCI Immobilier Akkus :

13. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au maire de Calais de réexaminer la demande de permis de construire présentée par la SCI Immobilier Akkus, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur la requête n° 22DA01436 :

14. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ".

15. En l'espèce, dès lors que, par le présent arrêt, la cour statue sur le bien-fondé du jugement du tribunal administratif de Lille, dont la commune de Calais demande qu'il soit sursis à son exécution, il n'y a pas plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22DA01436.

Sur les frais liés aux instance n° 22DA01435 et n° 22DA01436 :

16. Dans l'instance n° 22DA01435, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SCI Immobilier Akkus, qui n'est pas, dans cette instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune de Calais et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Calais le versement d'une somme de 1 000 euros à la SCI Immobilier Akkus au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

17. Dans l'instance n° 22DA01436, il y a lieu de rejeter dans les circonstances de l'espèce les conclusions présentées par l'ensemble des parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 11 mai 2022 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Calais de réexaminer, dans un délai de quatre mois, la demande de permis de construire présentée par la SCI Immobilier Akkus.

Article 3 : Les conclusions à fin d'astreinte présentées en première instance par la SCI Immobilier Akkus et le surplus des conclusions de la requête n° 22DA01435 sont rejetés.

Article 4 : La commune de Calais versera une somme de 1 000 euros à la SCI Immobilier Akkus en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 22DA01436 et les conclusions présentées dans cette instance par la commune de Calais et la SCI Immobilier Akkus au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Calais et à la société civile immobilière Immobilier Akkus.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 2 février 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Heinis, président de chambre,

- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

Le rapporteur,

Signé:

S. Eustache

Le président de la 1ère chambre,

Signé:

M. A...La greffière,

Signé:

C. Sire

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

22DA01435, 22DA01436 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22DA01435
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : EDIFICES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-16;22da01435 ?
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