Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G... D..., Mme E... H... et M. et Mme A... F... ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le maire d'Evreux a délivré à la société Valorisation d'actifs France un permis de construire un immeuble comportant sept logements au 25 rue Saint-Pierre ainsi que les décisions implicites ayant rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté, d'autre part, les arrêtés des 25 novembre 2019 et 30 novembre 2020 ayant modifié cet arrêté.
Par un jugement n° 2000727 du 4 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé les arrêtés du maire d'Evreux des 2 septembre 2019, 25 novembre 2019 et 30 novembre 2020.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2021 et un mémoire enregistré le 29 octobre 2021, la société Valorisation d'actifs France, représentée par Me Sandrine Gilet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 janvier 2021 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme D..., Mme H... et M. et Mme F... ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans l'attente d'une régularisation des vices qui entacheraient les arrêtés attaqués ;
4°) de mettre solidairement à la charge de Mme D..., Mme H... et M. et Mme F... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les arrêtés litigieux ne méconnaissent pas l'article UC 6 du plan local d'urbanisme d'Evreux ;
- à titre subsidiaire, les illégalités qui entacheraient le projet peuvent faire l'objet d'une régularisation en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
- le tribunal administratif a écarté à bon droit les autres moyens soulevés en première instance ;
- à titre subsidiaire, la régularisation de l'arrêté attaqué ne pourra pas intervenir avant six mois car l'avis de l'architecte des bâtiments de France devra être sollicité.
Par des mémoires en défense enregistrés le 30 août 2021 et le 10 décembre 2021, Mme D..., Mme H... et M. et Mme F..., représentés par Me Pierre-Xavier Boyer, concluent à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation des arrêtés du 2 septembre 2019, du 25 novembre 2019 et du 30 novembre 2020 ainsi que des décisions ayant rejeté leurs recours gracieux et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, l'arrêté du 2 septembre 2019 est entaché d'un vice d'incompétence ;
- il méconnaît l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
- il méconnaît l'article R. 431-10 du même code ;
- il méconnaît l'article R. 431-14 du même code ;
- il méconnaît l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît l'article UC 11 du même règlement ;
- il méconnaît l'article UC 12 du même règlement ;
- l'arrêté du 25 novembre 2019 méconnaît l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
- il méconnaît l'article R. 431-10 du même code ;
- il méconnaît l'article R. 431-14 du même code ;
- il méconnaît l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît l'article UC 11 du même règlement ;
- il méconnaît l'article UC 12 du même règlement ;
- l'arrêté du 30 novembre 2020 méconnaît l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme ;
- il méconnaît l'article UC 4 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il méconnaît l'article UA 15 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal.
Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2021, la commune d'Evreux demande à la cour de réformer le jugement du 4 janvier 2021, de rejeter les demandes présentées par Mme D..., Mme H... et M. et Mme F..., à titre subsidiaire de surseoir à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dans l'attente d'une régularisation des vices qui entacheraient les arrêtés attaqués et de mettre solidairement à la charge de Mme D..., Mme H... et M. et Mme F... une somme d'un euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les arrêtés litigieux ne méconnaissent pas l'article UC 6 du plan local d'urbanisme d'Evreux ;
- le tribunal administratif a écarté à bon droit les autres moyens soulevés en première instance.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel principal soulevées par la commune d'Evreux après l'expiration du délai d'appel.
Par une lettre du 20 décembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.
Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2022, la société Valorisation d'actifs France a présenté des observations.
Par un arrêt avant dire droit du 8 février 2022, la cour a rejeté les conclusions présentées par la commune d'Evreux et a sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires enregistrés les 26 septembre 2022, 2 janvier 2023, 3 janvier 2023, 24 janvier 2023 et 31 janvier 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Valorisation d'actifs France, représentée par Me Sandrine Gilet, conclut aux mêmes fins que précédemment.
Elle soutient en outre que :
- l'arrêté du 19 septembre 2022 du maire d'Evreux portant permis de construire modificatif a régularisé le vice relevé dans l'arrêt avant dire droit du 8 février 2022 ;
- la méconnaissance des articles UA 5, UA 8 et UA 9 du plan local d'urbanisme intercommunal est régularisable en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés les 17 novembre 2022, 19 janvier 2023 et 26 janvier 2023, Mme D..., Mme H... et M. et Mme F..., représentés par Me Pierre-Xavier Boyer, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête de la société Valorisation d'actifs France ;
2°) à titre subsidiaire, d'annuler les arrêtés du 2 septembre 2019, 25 novembre 2019, 30 novembre 2020 et 19 septembre 2022 du maire d'Evreux ;
3°) de mettre à la charge de la société Valorisation d'actifs France la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'arrêté du 19 septembre 2022 est entaché d'une erreur de droit en tant que le maire n'a pas fait application du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération Evreux Portes de Normandie ;
- il méconnaît l'article UA 5 de ce plan local d'urbanisme intercommunal et l'article UC 7 du plan local d'urbanisme d'Evreux ;
- il méconnaît l'article UA 8 de ce plan local d'urbanisme intercommunal ;
- il méconnaît l'article UA 9 de ce plan local d'urbanisme intercommunal.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Valorisation d'actifs France a déposé le 29 mars 2019 une demande de permis de construire un immeuble comportant sept logements sur une parcelle cadastrée XC n° 14 au 25 rue Saint-Pierre à Evreux. Par un arrêté du 2 septembre 2019, le maire d'Evreux a délivré le permis sollicité. Par des arrêtés des 25 novembre 2019 et 30 novembre 2020, le maire d'Evreux a modifié ce permis de construire. Par un jugement du 4 janvier 2021, le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de Mme D..., Mme H... et M. et Mme F..., les arrêtés du maire d'Evreux des 2 septembre 2019, 25 novembre 2019 et 30 novembre 2020. La société Valorisation d'actifs France et la commune d'Evreux relèvent appel de ce jugement.
2. Par un arrêt avant dire droit du 8 février 2022, la cour a rejeté les conclusions d'appel principal présentées par la commune d'Evreux, a écarté l'ensemble des moyens soulevés contre les arrêtés des 25 novembre 2019 et 30 novembre 2020 et, après avoir écarté les autres moyens soulevés contre l'arrêté du 2 septembre 2019, a sursis à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin que soit régularisée la méconnaissance par ce dernier arrêté de l'article UC 6 du règlement du plan local d'urbanisme d'Evreux.
Sur la légalité de l'arrêté de régularisation :
3. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
4. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier. A ce titre, les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices qui lui sont propres et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant dire droit. Elles ne peuvent en revanche soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.
En ce qui concerne l'avis de l'architecte des bâtiments de France :
5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'arrêt avant dire droit du 8 février 2022, la société Valorisation d'actifs France a présenté le 6 juillet 2022 une demande de permis de construire modificatif, sur laquelle l'architecte des bâtiments de France a exprimé le 13 juillet 2022 son accord. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, aucune disposition n'imposait à l'architecte des bâtiments de France de motiver son avis et la circonstance que ce dernier a été rendu le jour même de la réception du dossier ne suffit pas à caractériser un défaut d'instruction. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.
En ce qui concerne l'article UC 7 du plan local d'urbanisme d'Evreux :
6. Pour l'application des dispositions citées au point 3, la légalité du permis de construire modificatif du 19 septembre 2022 doit être appréciée au regard des dispositions en vigueur du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération Evreux-Portes de Normandie. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UC 7 du plan local d'urbanisme d'Evreux doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne l'erreur de droit :
7. Si l'arrêté du 19 septembre 2022 mentionne dans ses visas le " plan local d'urbanisme approuvé le 21/11/2021, mis à jour les 08/01/2013 et 14/01/2019, modifié le 13/08/2013 et révisé le 25/05/2013 ", alors que le plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération Evreux-Portes de Normandie a été approuvé le 17 décembre 2019 et modifié le 28 septembre 2021, il ressort des pièces du dossier que la demande de permis présentée le 6 juillet 2022 a été instruite par le maire d'Evreux en considération des dispositions en vigueur de ce plan local d'urbanisme intercommunal. Il s'ensuit que cette mention du plan local d'urbanisme d'Evreux constitue une erreur matérielle sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 19 septembre 2022. Le moyen tiré d'une erreur de droit doit ainsi être écarté.
En ce qui concerne l'article UA 4 du plan local d'urbanisme intercommunal :
8. Aux termes de l'article UA 4 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération Evreux-Portes de Normandie : " (...) 4.2 Règle dans la zone UA à l'exclusion des secteurs UAc / Dans la zone, toute construction nouvelle doit être implantée à l'alignement. / Cependant, des reculs ponctuels n'excédant pas 5 mètres de profondeur et limités à 30 % du linéaire total de la façade sont autorisés afin de permettre une animation architecturale de la façade. / 4.3 Dans les secteurs UAc, les constructions peuvent s'implanter à l'alignement, en cas de retrait, celui-ci est au minimum de 5 mètres (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la demande présentée le 6 juillet 2022 par la société Valorisation d'actifs France, que la façade du projet alignée sur la rue Saint-Pierre ne présente plus de retrait. Dans ces conditions, le vice relevé dans l'arrêt avant dire droit a été régularisé et le moyen tiré de la non-conformité de cette façade aux règles d'urbanisme applicables doit être écarté.
En ce qui concerne l'article UA 5 du plan local d'urbanisme intercommunal :
10. Aux termes de l'article UA 5 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération Evreux-Portes de Normandie : " Les constructions doivent être édifiées sur au moins une des limites séparatives (...) / En cas de retrait sur une des limites : / sur les sous-secteur (...) UAp : / la largeur (l) du retrait est au moins égale au tiers de la hauteur (H) de la construction par rapport au niveau du terrain naturel au droit des limites séparatives avec un minimum de 3 m (...) ".
11. Selon le lexique de ce plan, le " retrait " est défini comme " la distance (L) comptée perpendiculairement et horizontalement en tout point de la construction jusqu'à la limite séparative. / Ne sont pas comptés dans le calcul du retrait les éléments de modénature, les marquises, les débords de toiture ni les parties enterrées des constructions ", tandis que le " prospect " est défini comme " le rapport entre la hauteur de la construction et sa distance horizontale vis-à-vis d'une limite séparative ou d'une construction ". Le lexique définit aussi une " hauteur de façade " comme " la hauteur d'un élément de façade (...) mesuré jusqu'au point le plus haut de cet élément (acrotère de terrasse, égout du toit) ". Concernant les façades, le lexique indique qu'" une façade peut être composée de plusieurs éléments qui décrochent soit en plan par des redents, soit en élévation par des retraits. Sont considérés comme éléments de façade, sur lesquels des règles de prospects différents peuvent être appliqués, des plans de façade qui décrochent au minimum de 80 cm ".
12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la façade sud-est du projet modifié par l'arrêté du 19 septembre 2022, dont seul le rez-de-chaussée est inscrit en limite séparative, comporte à tous ses étages des décrochements accueillant des terrasses. Contrairement à ce que soutient la société Valorisation d'actifs France, la règle de prospect définie à l'article UA 5 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, telle qu'éclairée par le lexique de ce plan, s'applique en tout point d'une façade, y compris, en l'absence de disposition contraire, à des terrasses aménagées dans les étages de la construction.
13. D'autre part, si la pétitionnaire soutient que la règle de prospect doit être calculée en tenant compte de la hauteur de chaque décrochement en façade, l'article UA 5 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal prescrit expressément de tenir compte de la hauteur de la " construction " et son lexique ne mentionne pas que des règles différentes de prospect peuvent s'appliquer à des décrochements en élévation qualifiés de " retraits ", à la différence des décrochements dans le plan qualifiés de " redents ". Dans ces conditions, dès lors que la hauteur de la construction projetée s'élève à 18 mètres, la distance de retrait entre, d'une part, la limite
séparative sud-est et, d'autre part, le bord extérieur des terrasses aménagées dans les étages doit être d'au moins 6 mètres.
14. Or il ressort des plans produits que, du premier au quatrième étage de la façade sud-est, la distance séparant le bord extérieur des terrasses et la limite séparative est inférieure à 6 mètres. Dès lors, le projet méconnaît, dans cette mesure, les prescriptions de l'article UA 5 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal.
En ce qui concerne l'article UA 8 du plan local d'urbanisme intercommunal :
15. Si l'arrêté du 19 septembre 2022 n'a pas modifié la hauteur maximale du projet, qui culmine toujours à 18 mètres, il a en revanche modifié son gabarit, notamment sa toiture et ses façades sud-ouest et sud-est. Par suite, les intimés peuvent utilement se prévaloir de l'article UA 8 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, sans qu'y fassent obstacle les dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
16. En premier lieu, aux termes de l'article UA 8.1 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération Evreux-Portes de Normandie : " (...) Les constructions doivent s'inscrire à l'intérieur d'un gabarit implanté à l'alignement ou à la limite du retrait imposé à l'article UA 5 (...). / Sur le sous-secteur UAp, les constructions doivent s'inscrire dans le gabarit existant ". Ce secteur UAp, correspondant à l'intérieur de la zone UA au centre-ville d'Evreux, est défini par le plan local d'urbanisme intercommunal comme un " secteur urbain patrimonial ".
17. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, ces dispositions n'imposent pas d'apprécier le gabarit du projet, qui prendra place sur une parcelle non bâtie, au regard des seules constructions implantées à l'alignement de la rue Saint-Pierre, mais aussi des constructions implantées sur les fonds voisins du projet et qui sont situées dans le même secteur UAp.
18. Il ressort des pièces du dossier que le projet, d'une hauteur totale de 18 mètres, présentera des terrasses à chaque étage de sa façade sud-est, inscrites dans des décrochés de profondeurs différentes formant, à compter du troisième niveau, des gradins. Un tel gabarit, s'il se distingue de celui des immeubles édifiés à proximité du projet dans la rue Saint-Pierre, qui présentent au plus un niveau R+2 rehaussé de combles, est de même nature et ampleur que celui des immeubles d'habitation situés à proximité du projet au nord et au nord-est de son terrain d'assiette, qui comportent un niveau R+5 avec des balcons terrasses.
19. En outre, la configuration en gradins des terrasses de la façade sud-est assurera une transition visuelle entre le projet et les constructions situées au sud du projet dans la rue Saint-Pierre, tandis que le virage que comporte cette rue à l'alignement du projet le détachera visuellement des constructions édifiées à l'ouest dans cette même voie.
20. Enfin, les appelants ne produisent aucun élément de nature à remettre en cause le bien-fondé de l'accord exprimé le 19 septembre 2022 par l'architecte des bâtiments de France sur le projet modifié.
21. Dans ces conditions, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté du 19 septembre 2022 méconnaît les dispositions précitées de l'article UA 8.1 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal.
22. En second lieu, aux termes de l'article UA 8.2 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération Evreux-Portes de Normandie : " En cas de toiture terrasse, c'est le niveau supérieur de l'acrotère qui doit être inscrit dans le gabarit. (...) Pour le logement collectif, l'acrotère devra mesurer 1 mètre de hauteur. / Saillies / Les équipements techniques de superstructures (machinerie d'ascenseur, conduits de ventilation, souche de cheminée) ne pourront pas dépasser de plus d'un mètre la hauteur plafond (...) ". Selon le lexique de ce plan, un " acrotère " est défini comme " un muret en partie sommitale de la façade, situé au-dessus de la toiture terrasse et comportant le relevé d'étanchéité ".
23. Il ressort des pièces du dossier et notamment des plans en élévation produits que le plancher de la toiture terrasse est situé à 80,39 m B... tandis que le niveau le plus haut de cette terrasse est situé à 81,14 B.... Dès lors, le projet, qui consiste en un immeuble de logements collectifs, comporte un acrotère ne mesurant pas un mètre de hauteur et méconnaît, dans cette mesure, l'article UA 8.2 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal.
En ce qui concerne l'article UA 9 du plan local d'urbanisme intercommunal :
24. Si l'arrêté de régularisation n'a pas modifié la hauteur maximale du projet, qui culmine à 18 mètres, il a toutefois modifié la toiture du bâtiment qui présente désormais non plus une couverture en zinc à pans inclinés mais une toiture terrasse végétalisée. Par suite, les intimés peuvent utilement se prévaloir de l'article UA 9 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, sans qu'y fassent obstacle les dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
25. Aux termes de l'article UA 9 du plan local d'urbanisme intercommunal de la communauté d'agglomération Evreux-Portes de Normandie : " (...) dans le sous-secteur UAp, (...) les toitures terrasses sont interdites (...) ".
26. En l'espèce, le projet, qui est implanté dans le sous-secteur UAp, présente une toiture terrasse végétalisée en son dernier niveau et, dans cette mesure, méconnaît les dispositions précitées de l'article UA 9 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, auxquelles le projet doit être conforme, comme l'avait d'ailleurs souligné la cour dans son arrêt avant dire droit.
Sur la régularisation des vices entachant l'arrêté du 19 septembre 2022 :
27. Il résulte des dispositions citées au point 3, dont la société Valorisation d'actifs France demande l'application en l'espèce, qu'un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de modifier l'économie générale du projet, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
28. Les vices relevés aux points 14, 23 et 26 sont susceptibles d'être régularisés par l'édiction d'un permis de construire modificatif, sans apporter au projet un bouleversement qui en changerait la nature même et sans qu'y fassent obstacle les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal en vigueur à la date du présent arrêt. Il y a lieu ainsi d'impartir un délai de trois mois à la société Valorisation d'actifs France pour adresser à la cour un nouveau permis modificatif et de surseoir à statuer durant ce délai sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés attaqués.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 2 septembre 2019, 25 novembre 2019, 30 novembre 2020 et 19 septembre 2022 jusqu'à l'expiration du délai de trois mois fixé au point 28.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Valorisation d'actifs France, à Mme D..., Mme H... et M. et Mme F... ainsi qu'à la commune d'Evreux.
Copie en sera transmise, pour information, à la communauté d'agglomération Evreux-Portes de Normandie et au préfet de l'Eure.
Délibéré après l'audience publique du 2 février 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Marc Heinis, président de chambre,
- Mme Corinne Baes-Honoré, présidente-assesseure,
- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.
Le rapporteur,
Signé:
S. Eustache
Le président de la 1ère chambre,
Signé:
M. C...
La greffière,
Signé:
C. Sire
La République mande et ordonne au préfet de l'Eure en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière en chef,
Par délégation,
La greffière,
Christine Sire
N°21DA00541 2