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02/02/2023 | FRANCE | N°22DA00761

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 02 février 2023, 22DA00761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 9 juin 2020 par laquelle le maire de la commune de ... a refusé d'indemniser les préjudices matériel et moral qu'il a subis à raison de l'absence d'affectation correspondant à son grade à compter du 22 mars 2016 et du harcèlement moral dont il a été victime de la part de ses services, d'autre part, de condamner la commune de ... à lui verser une somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal

compter du 15 avril 2020, en réparation du préjudice moral qu'il a subi à ra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 9 juin 2020 par laquelle le maire de la commune de ... a refusé d'indemniser les préjudices matériel et moral qu'il a subis à raison de l'absence d'affectation correspondant à son grade à compter du 22 mars 2016 et du harcèlement moral dont il a été victime de la part de ses services, d'autre part, de condamner la commune de ... à lui verser une somme de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2020, en réparation du préjudice moral qu'il a subi à raison de l'absence d'affectation correspondant à son grade à compter du 22 mars 2016 ainsi qu'une somme de 30 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2020, en réparation du préjudice moral qu'il a subi à raison du harcèlement moral dont il a été victime de la part de son employeur. Il a également demandé que soit mis à la charge de la commune le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Par un jugement n° 2002485 du 23 février 2022, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté les demandes de M. B... et a par ailleurs mis à sa charge une somme de 500 euros à verser à la commune de ... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 avril 2022 et le 18 octobre 2022, M. B..., représenté par Me Rodier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 9 juin 2020 par laquelle le maire de ... a rejeté son recours indemnitaire préalable ;

3°) de condamner la commune de ... à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'absence d'affectation dans un emploi correspondant à son grade, avec intérêts de droit à compter du 15 avril 2020 ;

4°) de condamner la commune de ... à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral qu'il a subi, avec intérêts de droit à compter du 15 avril 2020 ;

5°) de mettre à la charge de la commune de ..., en sus des entiers dépens, la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'erreurs quant à l'appréciation de la matérialité des faits et d'erreur de droit quant à leur qualification ;

- en rejetant sa demande d'indemnisation réparant la faute de la commune consistant à ne pas l'avoir affecté, de manière effective et dans un délai raisonnable, sur un poste d'enseignement de la clarinette entre mars 2016 et septembre 2020, le tribunal a méconnu le principe découlant des dispositions de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983, en vertu duquel tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade ; les missions de promotion et d'enseignement de la clarinette auprès des écoles primaires relèvent des activités périscolaires qui ne peuvent statutairement être confiées à un enseignant territorial d'enseignement artistique ; à supposer qu'elles correspondent aux missions d'enseignement pouvant lui être confiées en vertu de l'article L. 911-6 du code de l'éduction, il ne remplissait pas les conditions règlementaires le permettant ; les missions d'études et de réflexion qui lui ont été confiées ont pris fin dès le mois de septembre 2016 ;

- la décision prise le 4 juin 2018, de ne lui assigner que l'enseignement de la clarinette n'a pas été suivie d'effet dès lors que la grande majorité des élèves était confiée à un enseignant non titulaire ; or, compte tenu de son statut d'assistant territorial d'enseignement artistique titulaire, la commune était tenue de licencier cet autre enseignant pour lui permettre d'exercer ses fonctions prioritairement ;

- l'absence d'affectation sur un poste correspondant à son grade est à l'origine d'un préjudice moral dont il est fondé à demander réparation à hauteur de la somme de 15 000 euros ;

- cette absence d'affectation, de même que les conditions matérielles de son installation et la mise à l'écart des activités du conservatoire dont il a fait l'objet, sont constitutifs d'un harcèlement moral de la part de la commune de ... ;

- à raison de ces agissements de harcèlement moral, il est en droit d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice moral à hauteur de la somme de 30 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2022, et un mémoire enregistré le 22 novembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de ..., représentée par Me Verne, conclut, à titre principal, au rejet de la requête d'appel et à la confirmation du jugement et, à titre subsidiaire, à ce que les prétentions de M. B... soient ramenées à de plus justes proportions. Dans tous les cas, la commune de ... conclut à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés ;

- elle n'a commis aucune faute dans la gestion de la situation de M. B... ; les missions qui lui ont été confiées correspondent à celles que son grade lui donnait vocation à exercer et notamment les missions d'enseignement et de promotion de la clarinette en école primaire, conformément aux articles L. 911-6 et R. 911-58 du code de l'éducation ; ce n'est qu'au mois de février 2018 que M. B... a exprimé le souhait d'exercer exclusivement une mission d'enseignement de la clarinette au sein du conservatoire ;

- elle ne pouvait lui confier les cours de clarinette dispensés depuis 1982 par un professeur contractuel sans méconnaître les stipulations du contrat de ce dernier ; le nombre d'élèves était insuffisant pour confier vingt heures d'enseignement à M. B... ; dès le mois de juin 2019, M. B... ayant été reçu au concours de professeur d'enseignement artistique dans la discipline " direction ", il avait vocation à quitter ses fonctions d'enseignant de sorte qu'il ne peut être reproché à la collectivité de ne pas lui avoir confié d'élèves ;

- en l'absence de faute, l'indemnisation demandée par M. B... n'est pas fondée et en tout état de cause disproportionnée ;

- les faits invoqués par M. B... ne constituent pas des agissements pouvant être qualifiés de harcèlement moral ;

- sa demande tendant à l'indemnisation d'un préjudice moral en lien avec un harcèlement moral ne peut qu'être rejetée et en tout état de cause le montant sollicité est disproportionné.

Par une ordonnance du 18 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 22 novembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,

- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Rodier pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. En avril 1992, par un contrat à durée déterminée, M. A... B... a été recruté par la commune de ... pour occuper les fonctions de directeur du conservatoire municipal de musique. Il a ensuite été titularisé à compter du 1er septembre 1994 dans le grade d'assistant territorial d'enseignement artistique en conservant la direction du conservatoire. Dans le cadre d'une réorganisation faisant suite à un audit de fonctionnement du conservatoire, le maire a décidé que M. B... n'exercerait plus les fonctions de directeur et par une décision du 22 mars 2016, il l'a affecté sur des fonctions de chargé de mission et d'enseignement de la clarinette au sein du conservatoire. Par une décision du 4 juin 2018, le maire l'a ensuite affecté exclusivement sur des fonctions d'enseignement de cette discipline. Par un courrier du 15 avril 2020, M. B... a formé un recours préalable indemnitaire, sollicitant la réparation, d'une part, des préjudices matériel et moral qu'il estimait avoir subis en raison d'une absence d'affectation sur un poste correspondant à son cadre d'emplois et d'autre part, du préjudice moral consécutif au harcèlement moral dont il estimait avoir été victime de la part de son employeur. M. B... relève appel du jugement du 23 février 2022 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de ... à lui verser la somme totale de 45 000 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'absence d'affectation sur un emploi correspondant au cadre d'emplois d'assistant territorial d'enseignement artistique :

2. D'une part, aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires alors en vigueur : " Le grade est distinct de l'emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent. / (...) ". Sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.

3. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique : " I. ' Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique exercent B... fonctions, selon les formations qu'ils ont reçues, dans les spécialités suivantes : / 1° Musique ; / (...) Les spécialités musique et danse comprennent différentes disciplines. / Les membres du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique sont astreints à un régime d'obligation de service hebdomadaire de vingt heures. / (...) / II. ' Les titulaires du grade d'assistant d'enseignement artistique sont chargés, dans leur spécialité, d'assister les enseignants des disciplines artistiques. Ils peuvent notamment être chargés de l'accompagnement instrumental des classes. / III. ' Les titulaires des grades d'assistant d'enseignement artistique principal de 2e classe et d'assistant d'enseignement artistique principal de 1re classe sont chargés, dans leur spécialité, de tâches d'enseignement dans les conservatoires à rayonnement régional, départemental, communal ou intercommunal classés, les établissements d'enseignement de la musique, de la danse et de l'art dramatique non classés ainsi que dans les écoles d'arts plastiques non habilitées à dispenser un enseignement sanctionné par un diplôme national ou par un diplôme agréé par l'Etat. / Ils sont également chargés d'apporter une assistance technique ou pédagogique aux professeurs de musique, de danse, d'arts plastiques ou d'art dramatique. / Ils peuvent notamment être chargés des missions prévues à l'article L. 911-6 du code de l'éducation ".

4. En outre, aux termes de l'article L. 911-6 du code de l'éducation : " Des personnes justifiant d'une compétence professionnelle dans les domaines de la création ou de l'expression artistique, de l'histoire de l'art ou de la conservation du patrimoine peuvent apporter, sous la responsabilité des personnels enseignants, leur concours aux enseignements artistiques dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 911-58 de ce code : " Les personnes mentionnées à l'article L. 911-6 peuvent, dans les conditions précisées aux articles R. 911-58 à R. 911-61, apporter leur concours aux enseignements artistiques lorsqu'ils sont dispensés dans les établissements scolaires des premier et second degrés. / Ce concours s'exerce sous la responsabilité pédagogique des personnels enseignants en ce qui concerne le contenu des enseignements artistiques, les méthodes d'enseignement et l'appréciation des travaux auxquels ils peuvent donner lieu ". Aux termes de son article R. 911-59 : " Le concours des personnes mentionnées à l'article R. 911-58 relève d'un programme d'enseignement ou d'un projet engagé par l'établissement ou l'école. Ces personnes sont associées à la conception de ce projet. / Le chef d'établissement ou le directeur de l'école choisit les personnes mentionnées à l'article R. 911-58 sur la proposition de l'enseignant responsable des enseignements ou activités concernés ou après avoir recueilli son avis et après consultation du conseil d'administration de l'établissement ou du conseil d'école. Il communique sa proposition à l'autorité académique dont il relève. L'accord est réputé acquis si, dans un délai de quinze jours, celle-ci n'a pas formulé d'observations. / Toutefois, le chef d'établissement ou le directeur de l'école peut faire appel à des personnes qui n'apportent qu'un concours exceptionnel et occasionnel aux activités définies à l'article R. 911-58, sans être soumis aux obligations définies au deuxième alinéa ". Enfin, aux termes de l'article R. 911-60 du même code : " Peuvent apporter leur collaboration aux enseignements et activités artistiques : / 1° Les personnes qui exercent ou ont exercé une activité professionnelle pendant une durée d'au moins trois ans dans les domaines de la création ou de l'expression artistique, de l'histoire de l'art ou de la conservation du patrimoine. Le délai entre la dernière période d'exercice professionnel et le début de l'année scolaire au titre de laquelle l'intervention est envisagée ne peut être supérieur à deux ans ; / 2° Les titulaires des diplômes d'enseignement supérieur dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l'éducation, du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de l'architecture, s'ils ont exercé une activité professionnelle dans les domaines énumérés à l'alinéa précédent pendant au moins deux ans avant le début de l'année scolaire au titre de laquelle ils interviennent ; / 3° Les titulaires d'un diplôme préparant directement à l'intervention en milieu scolaire dans les disciplines artistiques. / La compétence professionnelle des personnes mentionnées aux 1° et 2° est vérifiée selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'éducation, du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de l'architecture ".

5. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 précité que si les assistants territoriaux d'enseignement artistique de la spécialité musique ont vocation à exercer B... fonctions, dans la limite de vingt heures hebdomadaires de service, dans la discipline pour laquelle ils ont été formés, notamment dans les conservatoires à rayonnement communal, ils peuvent également être chargés d'apporter leur concours aux enseignements artistiques dispensés en milieu scolaire, dans les conditions définies par les dispositions précitées du code de l'éducation.

6. Il résulte de l'instruction, et en particulier de la fiche de poste mise à jour le 31 mars 2016 déterminant les nouvelles fonctions assignées à M. B... lorsqu'il fut déchargé de ses fonctions de directeur du conservatoire, qu'en sa nouvelle qualité d'enseignant musical chargé de mission au conservatoire communal, il s'est vu notamment confier la mise en œuvre de projets musicaux en lien avec les établissements scolaires, au sein même des établissements, visant à promouvoir la culture musicale et le conservatoire. Sur ce thème, sa fiche de poste ne fait pas uniquement référence aux nouvelles activités périscolaires dès lors qu'elle mentionne également la conduite de projets pédagogiques musicaux. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. B..., la commune ne peut être regardée comme lui ayant exclusivement confié des missions d'animation périscolaires relevant du statut des animateurs territoriaux. Par ailleurs, s'il résulte des dispositions du 3° de l'article R. 911-60 du code de l'éducation que les fonctions d'intervenant musical peuvent être exercées par les personnes titulaires d'un diplôme universitaire de musicien intervenant (DUMI), il résulte du 1° du même article, que des fonctions similaires peuvent également être confiées à des personnes détenant une compétence professionnelle. A cet égard, M. B... ne saurait se prévaloir de ce que les dispositions du 1° ne seraient pas applicables faute de publication de l'arrêté interministériel chargé de fixer les modalités de vérification de la compétence professionnelle des personnes qui exercent ou ont exercé une activité professionnelle pendant une durée d'au moins trois ans dans les domaines de la création ou de l'expression artistique, dès lors qu'il est constant que ces modalités ont été précisées par l'arrêté du 10 mai 1989 fixant les modalités d'attestation de compétence professionnelle pour les personnes apportant leur concours aux enseignements et activités artistiques. Dans ces conditions, M. B... entrait dans le cas prévu au 1° de l'article R. 911-60 du code de l'éducation puisque titulaire d'un diplôme d'Etat de professeur de musique délivré le 20 février 1990 et directeur du conservatoire de musique de ... de 1992 à 2016, il doit être regardé comme ayant exercé son activité professionnelle dans le domaine de l'expression artistique, pendant une durée d'au moins trois ans et depuis moins de deux ans. Par suite, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les missions de promotion et d'enseignement de la clarinette auprès des écoles primaires qu'il s'est vu attribuer jusqu'au 4 juin 2018 correspondaient à celles pouvant être statutairement confiées à des agents relevant du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique de première classe.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, que la fiche de poste de M. B..., mise à jour le 31 mars 2016, comportait, outre l'enseignement d'un instrument, des missions d'études portant sur le développement de l'activité du conservatoire, la création d'un conservatoire à rayonnement intercommunal et l'implantation du conservatoire dans de nouveaux locaux ainsi qu'une mission spécifique consacrée à l'étude de la création d'une classe de chant pluridisciplinaire au sein du conservatoire. Ces missions d'études prospectives et de réflexion pour l'évolution du conservatoire, dans sa dimension organisationnelle mais aussi pédagogique, sans être dépourvues de tout lien avec la discipline musicale, ne font pas partie des tâches d'enseignement ou d'assistance technique ou pédagogique aux professeurs de musique qui peuvent être statutairement confiées à un assistant d'enseignement territorial de 1ère classe. Pour autant, il ressort d'un compte-rendu d'entretien ayant eu lieu le 2 mars 2016 avec le directeur général des services et ayant pour objet la préfiguration de ses futures fonctions, que M. B... avait alors fait part de ce qu'il n'avait pas forcément envie d'être professeur et exprimé le souhait de poursuivre un travail pédagogique. S'il résulte d'un compte-rendu d'entretien du 15 mars suivant que M. B... a cependant exprimé le souhait de reprendre des activités d'enseignement, il n'apparaît pas qu'il ait ensuite immédiatement manifesté sa volonté de ne plus se voir confier les missions complémentaires consistant à mener une réflexion sur l'organisation de l'enseignement de la musique à l'échelle du sud de l'Aisne et à devenir le référent pour l'étude d'installation du conservatoire dans d'autres locaux, qui lui avaient été proposées initialement dans la lettre de mission que le maire lui avait notifiée le 22 mars 2016. Si le maire de ... lui a ensuite confirmé, le 1er février 2018, que la perspective de création d'un conservatoire intercommunal n'était plus à l'ordre du jour de la communauté d'agglomération, l'abandon de ce projet ne saurait révéler l'absence d'utilité de la mission de réflexion qui lui avait été confiée et pour laquelle il avait d'ailleurs, dès le mois de septembre 2016, rédigé un rapport. En outre, si en réponse à la demande exprimée par M. B..., le maire a décidé, le 13 avril 2018, de ne lui assigner que l'enseignement de la clarinette tout en lui confiant une nouvelle fonction de chargé de mission " orchestre à l'école ", il n'apparaît pas que cette nouvelle fonction ne correspondait à aucun besoin ni qu'elle aurait été dépourvue de tout lien avec l'enseignement artistique dès lors qu'elle se fondait sur un projet pédagogique développé en concertation avec les écoles élémentaires de la ville de .... Enfin, si, toujours à l'initiative de M. B..., le maire de ... a finalement décidé, le 4 juin 2018, de le décharger de cette mission en lui notifiant une nouvelle fiche de poste correspondant exclusivement à l'" enseignement d'une discipline artistique : clarinette ", cette circonstance ne saurait révéler a posteriori, l'inadéquation à son statut, de la mission de développement d'un projet pédagogique en milieu scolaire qui lui avait été précédemment confiée.

8. Au vu de tous les développements qui précèdent, le tribunal n'a donc pas inexactement apprécié les faits en estimant que les missions confiées à M. B... à compter du 22 mars 2016 jusqu'au 4 juin 2018, quand bien même elles ne consistaient pas à enseigner exclusivement la clarinette à des élèves inscrits dans les classes du conservatoire, correspondaient aux missions susceptibles d'être exercées par un assistant territorial d'enseignement artistique.

9. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et de l'article 3-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 que le législateur a entendu que les emplois civils permanents de l'Etat, des collectivités territoriales et de B... établissements publics à caractère administratif soient en principe occupés par des fonctionnaires et qu'il n'a permis le recrutement d'agents contractuels qu'à titre dérogatoire et subsidiaire, dans les cas particuliers énumérés par la loi, que ce recrutement prenne la forme de contrats à durée déterminée ou indéterminée. En outre, en vertu de l'article 39-3 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale lorsque l'autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur un emploi permanent, elle peut, pour ce motif, légalement licencier l'agent contractuel occupant cet emploi.

10. Il résulte de l'instruction, et notamment des fiches de poste précitées, qu'à compter du 22 mars 2016, M. B..., titulaire d'un emploi permanent d'assistant territorial d'enseignement impliquant une obligation de service hebdomadaire de vingt-heures, avait vocation à enseigner la clarinette. Il n'est pas contesté qu'au sein du conservatoire, l'enseignement de cette discipline était confié, depuis 1982, à un agent contractuel recruté par un contrat à durée indéterminée stipulant, depuis l'année 2012, un volume horaire de dix heures d'enseignement hebdomadaire. Compte tenu des modalités de répartition des nouvelles tâches confiées à M. B... à la suite de la cessation de ses fonctions de directeur du conservatoire, il ne résulte pas de l'instruction que dès le 22 mars 2016, le contrat de l'enseignant non-titulaire ne pouvait être maintenu sans priver M. B... de son droit d'enseigner aux élèves du conservatoire. En revanche, à compter du 4 juin 2018, il appartenait à la commune de ... de confier à M. B..., qui avait désormais vocation à exercer ses activités d'enseignement de la clarinette à plein-temps, un nombre d'élèves suffisant, pour lui permettre d'exercer son activité dans des conditions conformes à son statut d'agent titulaire. Or, il ressort des propres écritures de la commune, que le nombre d'élèves inscrits au conservatoire pour l'apprentissage de la clarinette oscillait, depuis 2014 et jusqu'en 2020, entre quinze et vingt et que cet effectif nécessitait uniquement dix heures d'enseignement hebdomadaire, correspondant précisément aux heures d'enseignement confiées à l'agent contractuel. Dans ces conditions, quand bien même le nombre d'élèves inscrits en cours de clarinette est indépendant de la volonté de la commune et si l'expérience et la qualité de l'enseignement prodigué par ce professeur expérimenté ont pu créer un lien pédagogique avec les élèves que ces derniers et la commune ne souhaitaient pas rompre, le statut de M. B... impliquait nécessairement que la commune prenne, dans un délai raisonnable, les dispositions propres à lui permettre d'assurer la totalité des dix heures d'enseignement de la clarinette répondant aux besoins du conservatoire. S'il n'est pas contesté que le 20 mai 2019, M. B... a été reçu au concours de professeur d'enseignement artistique dans la spécialité " professeur chargé de direction " lui donnant vocation à occuper un autre emploi, dans la commune ou dans une autre collectivité, cette circonstance, postérieure de presque une année à la décision du 4 juin 2018 replaçant M. B... sur les seules fonctions d'enseignant de la clarinette, n'est pas de nature à exonérer la commune de ... de son obligation de lui donner priorité sur un professeur contractuel.

11. En refusant de confier à M. B..., à compter de la rentrée 2018 et jusqu'au 24 juin 2020, date à laquelle l'intéressé a sollicité son détachement, un nombre d'élèves correspondant aux heures d'enseignement de la clarinette que son statut lui donnait vocation à dispenser au sein du conservatoire de musique, la commune de ... a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. B... au titre du préjudice moral résultant de la privation du droit d'exercer pleinement les responsabilités en rapport avec son statut d'assistant territorial d'enseignement artistique, en lui accordant une indemnité de 3 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2020, date de réception de sa demande indemnitaire préalable.

En ce qui concerne le harcèlement moral :

12. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".

13. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

14. M. B... soutient qu'il n'entend pas contester la décision du 22 mars 2016 du maire de ... le déchargeant de ses fonctions de directeur du conservatoire mais il estime que les agissements de la commune à son encontre à partir de cette date constituent un harcèlement moral.

15. M. B... fait d'abord valoir que la situation d'un fonctionnaire auquel aucune mission n'est confiée relève de la qualification de harcèlement moral et qu'en l'occurrence, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il a été pratiquement complètement privé de tâches d'enseignement correspondant à son grade et placé dans des conditions matérielles dégradées.

16. Il résulte de l'instruction qu'à partir du moment où il a été déchargé de ses fonctions de directeur du conservatoire, M. B... n'a pas été affecté sur un emploi comportant exclusivement des tâches d'enseignement de la clarinette. L'absence de mission confiée à M. B... est susceptible de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 8, à compter de cette date, il n'a pas pour autant été affecté sur des missions totalement incompatibles avec son cadre d'emplois dès lors que les interventions en milieu scolaire sont prévues par le décret statutaire du 29 mars 2012. Par ailleurs, les missions d'études prospectives sur l'évolution du conservatoire de musique à rayonnement communal vers un conservatoire intercommunal et la création d'une classe de chant pluridisciplinaire au sein du conservatoire, même si elles l'occupaient pour une faible partie de son emploi du temps, n'étaient pas sans consistance. Dans ces conditions, de mars 2016 à juin 2018, M. B... ne s'est pas trouvé dénué de tout emploi, ni affecté sur des missions dépourvues de tout contenu et de tout rapport avec l'enseignement musical. Par ailleurs, s'il ne s'est vu confier, à compter de la rentrée 2018, qu'un contingent restreint d'élèves, il ressort de ce qui a été dit au point 10 que cette situation résultait de ce que la commune s'était à tort crue liée prioritairement par son obligation de respecter les stipulations du contrat à durée indéterminée conclu depuis 1992 avec un professeur de clarinette plus expérimenté. Si cet agissement révèle, de la part de l'administration communale, une méconnaissance des règles et principes applicables à la fonction publique, il ne traduit aucune volonté de nuire à la carrière de M. B... ou à sa personne, dans la mesure où les écritures de la commune font apparaître que le maintien du professeur contractuel reposait sur sa volonté de maintenir la continuité et la qualité de l'enseignement de la clarinette au sein du conservatoire.

17. M. B... soutient ensuite qu'il a été placé dans des conditions de travail dégradées à compter du mois de septembre 2016, à la suite de son installation dans des locaux isolés et mal équipés de la direction des sports et des affaires culturelles. Toutefois, la commune de ... fait valoir que le regroupement d'agents travaillant sur le dispositif " contrat de ville " dans les locaux du quatrième étage de l'hôtel de ville qu'occupait alors M. B..., a nécessité d'installer ce dernier dans les bâtiments précités. Si M. B... s'est plaint, le 8 novembre 2016, sur le registre de santé et sécurité au travail, de ce que l'issue de secours se trouvait condamnée au deuxième étage et au rez-de-chaussée et de l'absence de téléphone pour alerter les secours ainsi que de ce que la température de l'étage était également trop basse, il n'apparaît pas que cette situation, constatée le 24 novembre 2016 lors d'une visite de membres du CHSCT, ait perduré dès lors que la commune fait valoir, sans être contredite, qu'il s'agissait d'un manque ponctuel de matériel et que les portes avaient été déverrouillées à la suite de ces remarques.

18. M. B... soutient également qu'il a fait l'objet de mesures vexatoires, en particulier lorsque le courrier du 22 mars 2016 par lequel le maire lui a notifié la fin de ses fonctions de directeur a été diffusé le 29 mars 2016 à l'ensemble du personnel du conservatoire. Cependant, aucun élément ne permet de confirmer cette affirmation, alors qu'il ressort de ce courrier que seuls le maire adjoint, un conseiller municipal délégué, le directeur général des services, le directeur général adjoint ainsi que la responsable du personnel étaient mentionnés comme destinataires. Si M. B... reproche aussi à la commune, dès le 20 avril 2016, de l'avoir sommé de remettre les clés du conservatoire, une telle initiative relève de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et est conforme à l'intérêt du service dès lors qu'il se trouvait encore en possession de plus d'une dizaine de clefs permettant d'ouvrir des locaux ou coffres, dont il n'est pas établi qu'il en aurait toujours eu l'utilité dans ses nouvelles fonctions.

19. Enfin, M. B... se plaint d'avoir été mis à l'écart des activités pédagogiques du conservatoire et notamment de ne pas avoir été convié à la réunion de rentrée des professeurs du conservatoire de septembre 2016, ni convoqué à la journée portes ouvertes de la rentrée 2018, ni, en juillet 2018 aux réunions des professeurs en prévision de cette même rentrée. S'il n'est pas contesté qu'il n'a pas été associé à la rentrée de 2016, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, ne saurait par elle-même révéler une mise à l'écart des activités du conservatoire, alors au demeurant, que jusqu'en avril 2018, les activités d'enseignement de l'intéressé étaient limitées aux interventions en milieu scolaire. Par ailleurs si, dans un premier temps, la direction du conservatoire ne l'avait pas associé aux réunions préparatoires en prévision de la rentrée de septembre 2018, il a cependant été rendu destinataire, le 24 août 2018, d'un courrier du directeur général des services, l'informant de manière détaillée, des modalités d'organisation de cette rentrée.

20. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et malgré la circonstance que l'intéressé a été placé en congé de maladie du 14 au 22 décembre 2017 pour des troubles du sommeil et un état de stress majeur, les agissements que M. B... impute à la commune de ..., sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur les conditions de son affectation sur un emploi d'enseignant titulaire à compter de la rentrée 2018. Dans cette mesure, le jugement du 23 février 2022 doit être annulé.

Sur les dépens :

22. La présente instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens, les conclusions à ce titre présentées par M. B..., doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de ..., au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune, la somme de 1 500 euros demandée par M. B... au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 23 février 2022 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de M. B... fondées sur la faute de la commune de ... en l'absence d'affectation effective de l'intéressé à compter de la rentrée 2018.

Article 2 : La commune de ... est condamnée à verser la somme de 3 000 euros à M. B..., avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2020.

Article 3 : La commune de ... versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de ....

Délibéré après l'audience publique du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente,

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : F. MalfoyLa présidente,

Signé : N. Massias

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet de l'Aisne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

C. Huls-Carlier

N° 22DA00761 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22DA00761
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Massias
Rapporteur ?: M. Frédéric Malfoy
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS CADOZ-LACROIX-REY-VERNE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-02-02;22da00761 ?
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