Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le ministre de la transition écologique et solidaire a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la société Franche Comté Signaux et la société Signalisation Pose Maintenance à lui verser la somme de 72 911,81 euros TTC en réparation des désordres affectant le portique dit " A... " de l'autoroute A16 entre Boulogne et Dunkerque.
Par un jugement n° 1810276 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, donné acte du désistement du ministre de la transition écologique et solidaire de ses conclusions tendant à la condamnation des sociétés Franche Comté Signalisation et Signalisation Pose Maintenance à réaliser à leurs frais les travaux de reprise des désordres en litige, d'autre part, a condamné solidairement la société Franche Comté Signaux, prise en la personne de son mandataire judiciaire, et la société Signalisation Pose Maintenance à verser à l'Etat la somme de 60 759,84 euros et enfin, a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 janvier 2022 et le 6 octobre 2022, Me Pascal Guigon, liquidateur de la société Franche Comté Signaux, et la société Signalisation Pose Maintenance, représentés par Me Devevey, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;
3°) subsidiairement, de ramener à de plus justes proportions l'indemnisation de l'Etat compte tenu des travaux de dépose du portique réalisés à l'initiative de ce dernier ;
4°) de condamner l'Etat à les garantir des éventuelles condamnations mises à leur charge ;
5°) de déduire des éventuelles condamnations mises à leur charge, un coefficient de vétusté à hauteur de 90 % des condamnations prononcées ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat, en sus des entiers dépens, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- l'Etat ne justifie plus, en appel, d'une qualité lui donnant intérêt pour agir et demander la confirmation du jugement les condamnant à lui payer la somme de 60 559,84 euros HT dans la mesure où il ressort des écritures en défense du ministre qu'il a été indemnisé du montant nécessaire à la réparation du portique ;
- concernant la mise en œuvre de la garantie contractuelle, ni l'article 9-7-2 du CCAP du marché, ni aucun autre article ne précisent que le délai de la garantie spécifique anticorrosion de dix ans court à compter de la réception des travaux ; en tout état de cause, selon le CCTP du marché, la garantie particulière anticorrosion prévue par l'article 9-7-2 du CCAP ne concerne pas les parties métalliques des portiques mais les parties en aluminium ;
- en retenant leur responsabilité contractuelle sur le fondement de cette garantie particulière, le tribunal a commis une erreur de droit dès lors qu'il convient d'appliquer le délai de prescription de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil, qui s'étend aux personnes publiques ; les désordres ayant été constatés par les services de l'Etat en juillet 2012, l'action était prescrite lorsque la requête a été enregistrée le 8 novembre 2018 ;
- le montant de la condamnation, fixé à 60 759,84 euros par le tribunal sur la base de leur propre estimation globale des travaux de reprise des désordres, doit être réduit pour tenir compte de ce que l'Etat a procédé lui-même à la dépose des portiques ; il n'est au demeurant pas justifié par l'Etat des dépenses qu'il a engagées pour ces travaux ;
- l'Etat est responsable de l'aggravation de la corrosion dès lors qu'il est demeuré inerte durant quatre années après avoir signalé les désordres en juillet 2012 et n'a saisi le tribunal qu'en novembre 2018 ; par ailleurs, ses services ont validé, pour l'exécution du marché initial, un système de peinture qui ne respectait pas les exigences des règles de l'art ; au surplus, le CCTP ne prévoyait aucune prescription particulière concernant le traitement anticorrosion ; ces mêmes services n'ont pas assuré la maintenance et l'entretien périodique de cinq ans, prévus par la norme NF XP P 98-550 ;
- il y a lieu d'appliquer un coefficient de vétusté de 90 % tenant compte de ce que les portiques ont parfaitement rempli leur office durant dix ans.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête d'appel et à la confirmation du jugement.
Il soutient que :
- les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés ;
- les parties ont contractuellement entendu déroger aux règles de prescription de droit commun du code civil ; une telle dérogation est licite en matière de contrats et dans ces conditions, s'agissant d'une reprise des désordres liés à l'apparition de corrosion, c'est la garantie particulière de dix ans prévue par l'article 9-7 du CCAP qui s'applique ; conformément aux articles 44-1 et 44-3 du CCAG applicable aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976, le point de départ de cette garantie est la date d'effet de la réception ;
- le montant de l'indemnisation fixé par le tribunal n'est pas erroné ; si l'Etat s'est désisté de ses conclusions tendant à ce que les sociétés effectuent directement les travaux de reprise du portique et s'il a fait lui-même procéder à sa dépose, cette opération faisait bien partie du dommage total qu'il a subi ;
- aucune inertie fautive ne peut lui être imputée ; l'entreprise Franche Comté Signaux s'était engagée à effectuer les reprises des désordres dès le mois d'octobre 2012, puis après validation du " plan assurance qualité " en 2015, elle s'était engagée à intervenir pour finalement, en octobre, se déclarer dans l'incapacité de le faire ; cette société n'ayant pas respecté ses engagements, les appelantes sont à l'origine du retard constant dans la reprise des désordres ;
- l'application d'un coefficient de vétusté est sans objet dès lors qu'il a été jugé que la vétusté de l'immeuble s'apprécie à la date d'apparition des désordres ; les désordres ont été observés en 2012 pour une mise en service fin 2008, de sorte qu'il n'y a pas eu un écoulement de temps justifiant l'application d'un tel coefficient.
Par une ordonnance du 6 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 7 novembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Devevey pour Me Pascal Guigon, liquidateur de la société Franche Comté Signaux, et pour la société Signalisation Pose Maintenance.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 26 décembre 2007, l'Etat, pris en la personne de la direction interdépartementale des Routes-Nord (DIR Nord), a confié à un groupement solidaire d'entreprises composé de la société Franche Comté Signaux, mandataire, et de la société Signalisation Pose Maintenance, la réalisation des travaux de mise en conformité de la signalisation directionnelle de la portion de l'autoroute A16 constituant la rocade de Calais, parmi lesquels la fourniture et la pose du portique dit " A... " surplombant les voies de circulation dans le sens Boulogne-Dunkerque. Les travaux de construction de ce portique ont été réceptionnés, sans réserve, le 20 avril 2009 avec effet au 18 décembre 2008. Constatant l'apparition d'un phénomène de corrosion affectant le portique " A... ", le maître d'ouvrage a demandé, par un courrier du 30 juillet 2012, à la société Franche Comté Signaux de procéder aux travaux de reprise de ce désordre, en se prévalant de la garantie particulière de dix ans prévue par l'article 9-7-2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché. Par un courrier du 8 août 2012, le constructeur s'est engagé à réaliser les travaux de reprise nécessaires. Par un courrier du 22 août 2016, la DIR Nord a mis en demeure la société Franche Comté Signaux, en sa qualité de mandataire du groupement concerné, d'organiser les travaux de reprise précités. Par un courrier du 14 septembre 2016, le constructeur a confirmé son intention de procéder à la reprise de l'intégralité du traitement du portique. Par un courrier du 6 février 2017, la société Franche Comté Signaux a proposé de réaliser les travaux de reprise du portique pour un prix de 60 759,84 euros HT, dont la moitié seulement serait laissée à sa charge. Par un courrier du 9 mars 2017, le maître d'ouvrage a de nouveau mis en demeure le constructeur de procéder à la réalisation des travaux de reprise des désordres affectant son ouvrage. Par une demande enregistrée au tribunal administratif de Lille, le ministre de la transition écologique et solidaire a sollicité la condamnation des sociétés précitées à verser à l'Etat la somme de 72 911,81 euros TTC au titre des travaux effectués pour la reprise des désordres sur le fondement de la garantie décennale et, subsidiairement au titre de la garantie contractuelle particulière prévue par l'article 9-7-2 du CCAP. Par un jugement en date du 17 novembre 2021, le tribunal a fait partiellement droit à sa demande, en condamnant solidairement, sur le fondement de la garantie contractuelle particulière, les sociétés Franche Comté Signaux et Signalisation Pose Maintenance à verser à l'Etat une somme de 60 759,84 euros HT. Me Pascal Guigon, liquidateur de la société Franche Comté Signaux, et la société Signalisation Pose Maintenance relèvent appel de ce jugement
Sur l'intérêt à agir du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :
2. Les appelantes soutiennent qu'en cause d'appel, le ministre n'apparaît plus justifier d'une qualité lui donnant intérêt pour agir, ni pour demander la confirmation du jugement entrepris les condamnant à verser à l'Etat la somme de 60 559,84 euros HT. Selon elles, il résulte des écritures en défense du ministre qu'il a été entièrement indemnisé du montant nécessaire à la réparation du portique. Toutefois, elles se méprennent sur la portée des écritures produites par le ministre devant la cour, qui doit seulement être regardé comme rappelant que l'Etat a obtenu, devant les premiers juges, l'indemnisation du préjudice dont il demandait réparation à raison de la corrosion apparue sur le portique de signalisation directionnelle de l'autoroute A16. Il en résulte que l'Etat, qui au demeurant n'est qu'intimé, dispose, devant la cour, d'un intérêt lui donnant qualité pour demander la confirmation du jugement rendu le 17 novembre 2021 par le tribunal administratif de Lille.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
3. Aux termes de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".
4. Sauf stipulation contractuelle contraire, l'action en responsabilité contractuelle dont dispose le maître de l'ouvrage en vertu de l'article 2224 du code civil se prescrit à l'expiration d'un délai de cinq ans.
5. Il résulte de l'instruction, en particulier des pièces constitutives du marché de travaux litigieux, et notamment de l'article 2 du CCAP qui y est annexé, qu'au titre des pièces constitutives du marché doivent être pris en compte, outre les stipulations du CCAP et du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux approuvé par le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux.
6. Aux termes de l'article 44 du CCAG travaux alors applicable : " Garanties contractuelles : 44.1. Délai de garantie : Le délai de garantie est, sauf stipulation différente du marché et sauf prolongation décidée comme il est dit au 2 du présent article, d'un an à compter de la date d'effet de la réception, ou de six mois à compter de cette date si le marché ne concerne que des travaux d'entretien ou des terrassements. Pendant le délai de garantie, indépendamment des obligations qui peuvent résulter pour lui de l'application du 4 de l'article 41, l'entrepreneur est tenu à une obligation dite "obligation de parfait achèvement" au titre de laquelle il doit : a) Exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise prévus aux 5 et 6 de l'articles 41 ; b) Remédier à tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre, de telle sorte que l'ouvrage soit conforme à l'état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées lors de celle-ci ; c) Procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs dont la nécessité serait apparue à l'issue des épreuves effectuées conformément au CCAP ; d) Remettre au maître d'œuvre les plans des ouvrages conformes à l'exécution dans les conditions précisées à l'article 40. Les dépenses correspondant aux travaux complémentaires prescrits par le maître de l'ouvrage ou le maître d'œuvre ayant pour l'objet de remédier aux déficient énoncées aux b et c ci-dessus ne sont à la charge de l'entrepreneur que si la cause de ces déficiences lui est imputable. L'obligation de parfait achèvement ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usage ou de l'usure normale. A l'expiration du délai de garantie, l'entrepreneur est dégagé de ses obligations contractuelles, à l'exception de celles qui sont mentionnées au 3 du présent article ; les sûretés éventuellement constituées sont libérées dans les conditions prévues au 16 de l'article 4. 44.2. Prolongation du délai de garantie : Si, à l'expiration du délai de garantie, l'entrepreneur n'a pas procédé à l'exécution des travaux et prestations énoncés au 1 du présent article ainsi qu'à l'exécution de ceux qui sont exigés, le cas échéant, en application de l'article 39, le délai de garantie peut être prolongé par décision de la personne responsable du marché jusqu'à l'exécution complète des travaux et prestations, que celle-ci soit assurée par l'entrepreneur ou qu'elle le soit d'office conformément aux stipulations du 6 de l'article 41. 44.3. Garanties particulières : Les stipulations qui précèdent ne font pas obstacle à ce que le CCTG ou le CCAP définisse, pour certains ouvrages ou certaines catégories de travaux, des garanties particulières s'étendant au-delà du délai de garantie fixé au 1 du présent article. L'existence de ces garanties particulières n'a pas pour effet de retarder la libération des sûretés au-delà de l'expiration du délai de garantie ".
7. Selon les stipulations de l'article 9-7-2 du CCAP du marché de travaux : " Garantie particulière du système de protection des structures métalliques / Le délai de garantie de la protection anticorrosion de l'ensemble des dispositifs métalliques est fixé à 10 ans. / Cette garantie engage le titulaire, pendant le délai fixé, à effectuer à ses frais, sur simple demande du maître de l'ouvrage, toutes les réparations ou réfections nécessaires pour remédier aux défauts qui seraient constatés, que ceux-ci proviennent des produits ou matériaux employés ou des conditions d'exécution, en application des critères et dans les termes définis par le CCTP ".
8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, et contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les parties ayant contractuellement prévu une garantie particulière du système de protection anticorrosion des structures métalliques, le délai de prescription applicable est de dix ans. Par ailleurs, conformément aux stipulations de l'article 44.1 du CCAG travaux, auxquelles les parties ont expressément entendu se référer ainsi qu'énoncé au point 5, le point de départ de ce délai a commencé à courir à la date d'effet de la réception des travaux.
9. Si les sociétés Franche Comté Signaux et Signalisation Pose Maintenance prétendent que le CCTP du marché exclut l'application de la garantie anticorrosion aux parties métalliques des éléments constituant les portiques et ne concerne que les parties en aluminium, cette affirmation est néanmoins contredite par les stipulations de l'article 1.2.3 du CCTP qui précise les conditions climatiques et d'environnement des travaux. Son article 1.2.3.3 intitulé " Protection contre la corrosion du CCTP ", renvoie, de manière générale, au fascicule 56 du CCTG et à la norme XP P 98-550, lesquels concernent donc les parties métalliques. Si cet article énonce par ailleurs que " les dispositions en matière de protection anticorrosion des structures pour portique, potence et haut mât de signalisation directionnelle (PPHMS) sont reprises dans le détail au paragraphe VIII du présent CCTP ", la circonstance que le paragraphe intitulé " VIII.1.4 - Protection des éléments en acier " indique " sans objet " alors que le paragraphe intitulé " VIII.1.5 - Protection des ouvrages en aluminium " comporte onze lignes de spécifications techniques, ne permet aucunement de déduire qu'aucune garantie anticorrosion n'est applicable aux éléments en acier constituant les portiques dès lors qu'ils sont, a minima, régis par les spécifications de la norme XP P 98-550 citée par l'article 1.2.3.3 et également par le paragraphe VIII.
10. Dès lors qu'il est constant que l'apparition du phénomène de corrosion, constaté pour la première fois le 30 juillet 2012, affectait les brides de fixation des panneaux de signalisation ainsi que la structure tubulaire du portique, les désordres affectant le portique dit " A... " entrent ainsi dans le champ d'application de la garantie particulière anticorrosion de dix ans prévue par les stipulations de l'article 9-7-2 du CCAG du marché.
11. Dans ces conditions, les travaux de construction du portique ayant été réceptionnés sans réserve le 20 avril 2009 avec effet au 18 décembre 2008, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, le délai contractuel de dix ans dont disposait l'Etat pour agir, qui courait à compter de cette dernière date, n'était pas expiré lorsque le ministre chargé de l'écologie a déposé sa requête au greffe du tribunal administratif de Lille, le 8 novembre 2018.
En ce qui concerne l'indemnisation :
12. Il ressort du jugement critiqué que pour fixer à la somme de 60 759,84 euros HT le montant des travaux nécessaires à la reprise des désordres affectant le portique, les premiers juges se sont fondés sur une proposition chiffrée, formulée dans un courrier daté du 6 février 2017, que la société Franche Comté Signaux avait adressée à la DIR Nord.
13. Si, pour contester ce montant devant la cour, les appelantes font d'abord valoir que l'Etat a déjà été indemnisé de ce préjudice, elles se fondent, ainsi qu'il a été dit au point 2, sur une interprétation erronée des écritures produites en appel par le ministre.
14. Par ailleurs, la circonstance que l'Etat a fait lui-même réaliser les travaux de dépose du portique n'est pas de nature à emporter réduction du montant de l'indemnité due dès lors que ces travaux étaient nécessaires à la reprise intégrale des désordres affectant cet ouvrage surplombant l'autoroute A16. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a fixé à la somme de 60 759,84 euros HT le montant de l'indemnité due pour les travaux nécessaires au traitement du phénomène de corrosion apparu sur certains éléments du portique de signalisation directionnelle en litige.
15. En outre, les désordres ayant été constatés trois ans et demi après la mise en service de cet équipement, il n'y a pas lieu d'appliquer un coefficient de vétusté. En tout état de cause, un tel abattement est par principe inapplicable s'agissant de la mise en œuvre de la garantie contractuelle particulière qui oblige le constructeur à rendre l'ouvrage conforme aux stipulations du marché.
En ce qui concerne l'existence d'une faute exonératoire du maître d'ouvrage :
16. En premier lieu, les sociétés appelantes soutiennent que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'instruction ne révélait pas que le maître d'ouvrage aurait concouru à l'aggravation du phénomène de corrosion en tardant, de manière fautive, à intervenir.
17. Selon elles, la DIR Nord est demeurée totalement inerte entre le courrier du 30 juillet 2012 les mettant en demeure de procéder aux travaux de reprise des portiques et les deux autres lettres des 22 août 2016 et 9 mars 2017 alors que durant cet intervalle, la société Franche Comté Signaux n'est pas restée inactive et attendait la fixation d'une date d'intervention qui n'est jamais venue.
18. Il résulte de l'instruction qu'après réception de la lettre précitée du 30 juillet 2012 signalant les corrosions et demandant l'intervention de la société Franche Comté Signaux, cette entreprise a annoncé, le 23 août 2012, son engagement à y remédier durant le mois de septembre. Si ces travaux nécessitaient une planification en coordination avec les services de la DIR Nord, il ne résulte d'aucune pièce que l'entreprise aurait proposé une date ou un calendrier prévisionnels d'intervention. En tout état de cause, le courrier que la DIR Nord a adressé à la société Franche Comté Signaux le 22 août 2016 révèle qu'une réunion s'était tenue avec les entreprises concernées pour définir les modalités de traitement de la corrosion et les mesures d'exploitation de l'A16 nécessaires à cette intervention et qu'à la suite, des échanges ont eu lieu avec le Cerema pour mettre au point, en concertation avec la société intervenante, le " plan assurance qualité " dont la version définitive a été validée en juillet 2015. Le même courrier mentionne en outre la tenue, le 25 août 2015, d'une réunion avec le sous-traitant (entreprise CSM) pour planifier l'intervention prévue lors de la semaine 45, intervention qui fut reportée en raison des mauvaises conditions météorologiques. A cet égard, dans un mail daté du 29 octobre 2015, la représentante de la société Franche Comté Signaux a fait connaître l'incapacité de l'entreprise à intervenir à la date prévue, tout en suggérant de programmer l'intervention après la période hivernale. Si neuf mois se sont ensuite écoulés avant que la DIR Nord ne fasse sa première lettre de mise en demeure, ce délai ne saurait être regardé comme excessif compte tenu des engagements pris par cette société. Au vu de ces éléments chronologiques, le tribunal a ainsi pu juger à bon droit qu'aucune inertie fautive ne peut être imputée au maître d'ouvrage.
19. En deuxième lieu, les sociétés soutiennent, pour la première fois devant la cour, qu'elles ont respecté les prescriptions du CCTP du marché ne prévoyant aucune disposition particulière concernant le traitement anticorrosion et qu'elles ne sauraient par ailleurs être tenues responsables dès lors que les services de l'Etat ont validé un système de peinture non conforme aux exigences des règles de l'art.
20. Comme il a été dit au point 9, les appelantes ne peuvent sérieusement soutenir que le CCTP ne comportait aucune disposition pour le traitement anticorrosion des parties métalliques puisque ce document renvoie explicitement au fascicule 56 du CCTG et à la norme XP P 98-550, qui prévoient la mise en œuvre d'un système de protection anticorrosion par mise en peinture avec un système certifié ACQPA correspondant à une catégorie de corrosivité minimale C3. Il appartenait donc à la société Franche Comté Signaux de mettre en œuvre un système répondant à ces exigences. Par ailleurs, elles ne sauraient reprocher au maître d'ouvrage d'avoir validé un système non-conforme à ces spécifications dès lors qu'elles ne fournissent aucune preuve de ce que cette société le lui aurait soumis préalablement et qu'il l'aurait accepté.
21. En dernier lieu, si les appelantes reprochent à l'Etat une méconnaissance des prescriptions de la norme XP P 98-550-1 imposant une maintenance et un suivi des portiques potences et hauts mâts selon un rythme périodique de cinq ans , un tel grief ne peut qu'être écarté dès lors qu'il est constant que les corrosions sont apparues trois ans et demi après la réception de l'ouvrage litigieux et qu'il résulte de l'instruction qu'à la demande de la DIR Nord, cet équipement a été inspecté par le Cerema, en octobre 2013 puis à nouveau en avril 2018.
22. En l'absence de faute de l'Etat, les conclusions d'appel en garantie présentées par les appelantes à l'encontre de celui-ci doivent par conséquent être rejetées.
23. Il résulte de ce qui précède que la société Franche Comté Signaux, représentée par son liquidateur, et la société Signalisation Pose Maintenance, ne sont pas fondées à demander l'annulation du jugement du 17 novembre 2021, par lequel le tribunal administratif de Lille les a condamnées solidairement, sur le fondement de la garantie contractuelle particulière prévue au marché, à verser à l'Etat une somme de 60 759,84 euros HT.
Sur les dépens :
24. La présente instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens, les conclusions à ce titre présentées par Me Pascal Guigon, liquidateur de la société Franche Comté Signaux, et la société Signalisation Pose Maintenance, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Me Pascal Guigon, liquidateur de la société Franche Comté Signaux, et par la société Signalisation Pose Maintenance, au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Me Pascal Guigon, liquidateur de la société Franche Comté Signaux et de la société Signalisation Pose Maintenance est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Pascal Guigon, liquidateur de la société Franche Comté Signaux, à la société Signalisation Pose Maintenance et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience publique du 17 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Nathalie Massias, présidente,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
Le rapporteur,
Signé : F. MalfoyLa présidente,
Signé : N. Massias
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
C. Huls-Carlier
N° 22DA00097 2